Akkerman était une ville cosmopolite. Qu’en est-il de Bourganeuf, ce village français ? À la fin du XVe siècle un prince turc (ottoman), Djem appelé aussi Zizim, a vécu quelques temps avec sa suite à Bourganeuf. Il était retenu en otage enfermé dans une tour construite exprès pour lui, la tour Zizim.
Maintenant il arrive que Bourganeuf soit surnommée “ Turkaneuf ” parce qu’il y a beaucoup de turcs qui y vivent depuis la fin des années soixante-dix. Il y a même une mosquée à Bourganeuf. Lorsque j’y vivais outre mes parents il y avait des gens originaires du Portugal, de l’Espagne, de l’Italie, d’Arménie, d’Allemagne et des gens dont les familles étaient implantées là depuis fort longtemps. Il y avait eu tous ces « Nord-Africains » qui construisaient le barrage de Vassivière et qui étaient hébergés dans une ancienne chapelle, pas loin de la clinique.
Je n’ai jamais entendu ma mère dire qu’elle ne s’appelait pas Ella. Il n’empêche, tous ceux qui l’appelaient par son prénom l’appelaient Lola. De temps en temps je l’ai entendu dire qu’elle n’était pas née en 1909 mais en 1907 comme mon père. À moi elle m’a dit qu’elle s’était rajeunie pour des questions d’études. J’ai des doutes parce que 1907 est l’année de naissance de sa sœur Bella qui est née la première et les photos prouvent qu’elles ne sont pas jumelles. Quant à son jour de naissance nous avons toujours fait comme si c’était un jour grégorien mais nous n’avons eu aucune discussion sur le sujet.
Par contre ma mère a toujours affirmé qu’elle n’était pas née à Vitebsk. Pourquoi Vitebsk alors ? Ma mère disait qu’elle était née à Krasniy Kout, un village russe de la taille de Bourganeuf qu’on n’aurait aucune chance de trouver sur un atlas. Nous l’avons trouvé et maman était contente. Krasniy Kout est à une centaine de kilomètres à l’est de Saratov. Dans la région, il y avait une colonie allemande qui datait de l’époque de la grande Catherine et il y avait des cosaques. Ma mère racontait que sa propre mère courait pour ne pas se faire tuer par des Cosaques à cheval. Cela arrivait de temps en temps, quand il prenait l’envie aux Cosaques de faire un pogrom, c’est du moins ce que je comprenais. Je ne sais pas si ma mère et ma famille ont vécu à Saratov même, mais il y a des photos qui ont été prises à Saratov, et puis il y a une carte postale avec les coordonnées du magasin de mon grand-père à Saratov. Je sais que toute la famille est partie en Lettonie, à Riga, et j’imagine qu’il était plus simple d’écrire Vitebsk sur les papiers que Krasniy Kout et qu’à l’époque le fait d’avoir des papiers en règle primait sur toute autre considération. Il vaut mieux préférer la vie à la vérité n’est-ce pas ?
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