Alain NORDET

Abonné·e de Mediapart

79 Billets

1 Éditions

Billet de blog 16 novembre 2023

Alain NORDET

Abonné·e de Mediapart

Affaire Dreyfus : le meilleur et le pire

« Loulou à la Nounou - Illustrations d'Azo »

Alain NORDET

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le colloque international sur « Les représentations de l'affaire Dreyfus dans la presse, en France et à l'étranger » a débuté hier [17 novembre 1994].

Illustration 1
© Azo

Avant que cette affaire ne devienne « l’Affaire », il aura fallu quatre ans. Entre la condamnation pour « haute trahison » du capitaine Alfred Dreyfus, en 1894, et la publication du « J'accuse » de Zola en 1898, un vague consensus va associer la quasi-totalité de la presse dans l'acceptation d'une justice expéditive toute militaire, au nom de la paix sociale.

" Comme si rien ne s'était passé "

C'est sur ce rappel qu'a débuté hier le colloque international sur « Les représentations de l'affaire Dreyfus dans la presse, en France et à l'étranger », organisé conjointement par la municipalité de Tours et l'université François-Rabelais. Il s'agissait, pour le professeur Eric Cahm (*), premier intervenant, d'analyser ce phénomène qu'on qualifierait aujourd'hui de « désinformation ».
Tant qu’Émile Zola n'a pas poussé sa grosse colère dans « L'Aurore », « c'est comme si rien ne s'était passé », relève l'universitaire. Le conformisme ambiant n’incline guère à introduire le doute sur la condamnation du militaire d'origine juive. Y participent les journaux de « la bourgeoisie républicaine » qui, en minimisant l'affaire, se refusent à embarrasser le gouvernement de la IIIe République en quête de légitimité, confronté à la montée du socialisme et du syndicalisme. Quant aux organes « de gauche », radicaux et socialistes, ils ne s'intéressent guère à cette histoire de bourgeois...
Seuls les journaux nationalistes et antisémites, relayés par certaines publications catholiques, commencent à s'exciter contre le « traître » en hurlant à la mort au nom de la lutte contre « le grand complot juif », occasion inespérée de déstabiliser le pouvoir qu'ils haïssent.

" Quelques journalistes "

Dès cette époque, « qui préfigure la grande Affaire », Eric Cahm souligne que « les valeurs dreyfusardes et antidreyfusardes sont déjà à l'œuvre » : les premières attachées à la justice, aux droits de l'individu, les secondes prônant la subordination de l'individu à la nation, la tristement célèbre « raison d’État » invoquée par Maurras. Dans le camp des antidreyfusards, toutefois, il prend soin de distinguer la « majorité silencieuse » calme, respectueuse des institutions, de l'extrême droite antisémite au discours haineux.
Déjà, il trouve « le meilleur et le pire » à parcourir cette presse entre 1894 et 1898 car, à l'opposé des violences anti-sémites, l'universitaire cite « quelques journalistes » qui oseront poser des questions embarrassantes bien avant l'auteur de « Germinal ». Force lui est de reconnaître toutefois que ces articles n'ont pas pesé lourd face au « flot de violences et de mensonges... »

  Alain Nordet, La Nouvelle République, 18 novembre 1994

(*) Auteur de « L'Affaire Dreyfus », ouvrage récemment publié dans la collection « Références » au Livre de poche.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.