La Fédération de pêche et le syndicat intercommunal de la vallée de la Cisse se constituent parties civiles après le déversement de vin dans la rivière.
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C'est bien connu : l'eau et le vin ne sont pas faits pour être mélangés. Si elles pouvaient parler, les carpes confirmeraient que cette boisson est strictement réservée aux humains. Ce n'est toutefois pas le divin breuvage qui, pas plus que les hommes, fait mourir les poissons. Ceux-ci succombent par manque d'oxygène, lequel est consommé en grande quantité par des bactéries insatiables, pour dégrader les matières organiques telles que le vin.
La pollution de la Cisse, qui a provoqué la mort de plus de 700 kilos de poissons ces derniers jours, n'est donc pas d'origine chimique. Cela n'enlève rien à la gravité de l'hécatombe mais confirme ce que les riverains avaient précédemment senti (au sens propre), entre Limeray et Noizay, sur une douzaine de kilomètres du cours d'eau : le déversement d'une grande quantité de vin rouge.
Coupables vraisemblables : des viticulteurs
Président du Syndicat intercommunal de la vallée de la Cisse, Jean Bertier est furieux : « Il est inadmissible de déverser clandestinement d'aussi grandes quantités de lie de vin et de vin dans un cours d'eau. Car on n'asphyxie pas 700 kilos de poissons avec seulement trois fûts de cinquante litres ! » Au nom du syndicat, il a décidé de se constituer partie civile, comme l'a fait le président de la Fédération départementale de pêche.
Point n'est besoin d'être grand clerc pour deviner les coupables : « On ne doit pas accuser tout le monde, mais les fautifs sont incontestablement des viticulteurs. Des citernes ont été vidées dans la Cisse, entre Limeray et Pocé, ce weed-end. »
L'hypothèse la plus vraisemblable qui saute à l'esprit, c'est qu'un ou plusieurs viticulteurs (dont les organisations professionnelles ne manqueront pas de condamner la conduite en indiquant qu'il s'agit d'une minorité) se sont ainsi débarrassés de leurs surplus de vin quelques jours avant l'expiration du délai pour le déclaration des stocks, fixé au 31 août...
Indignation des riverains
Les sapeurs-pompiers de Noizay ont dû utiliser une motopompe pour transvaser de l'eau fraîche, ce qui a permis de sauver des poissons isolés dans un bras de la rivière, en réoxygénant l'eau.
Cette affaire, qui a mobilisé gardes-pêche, pompiers, employés municipaux, de l’Équipement, gendarmes, et quantité de personnes bénévoles, suscite l'indignation des riverains qui stigmatisent, comme M. Bertier, « le manque total d'esprit civique » manifesté par les responsables de cette pollution.
Pour les amoureux de la dive bouteille, c'est aussi un grand scandale et une honteuse calamité que de gaspiller ainsi le bon jus de la treille.
Alain Nordet, La Nouvelle République, 1er septembre 1993