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Billet de blog 14 novembre 2025

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Une diplomatie très économique et très peu climatique

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Observatoire des multinationales

Newsletter du 14 novembre 2025

Le sens des priorités. 

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Bonne lecture

 Une diplomatie très économique et très peu climatique

Une année comme une autre. Plus de 1600 lobbyistes représentant le secteur des énergies fossiles sont présents à la conférence climat de Belém au Brésil, la COP30, selon le décompte de la coalition « Kick Big Polluters Out ». C’est plus, en proportion, que lors des COP précédentes à Dubaï et à Bakou. Cette présence massive des industries les plus directement responsables des émissions mondiales de gaz à effet de serre ne présage rien de très bon pour cette nouvelle session de négociations internationales.

Le gouvernement français, qui s’affiche volontiers en champion du climat sur la scène internationale, a activement contribué à faire entrer les loups dans la bergerie. La délégation officielle de la France compte en effet 22 représentants du secteur des énergies fossiles (le plus haut total pour un pays européen), dont le PDG de TotalEnergies Patrick Pouyanné. Comme à Dubaï en 2023.

Au-delà du symbole désastreux, c’est nouveau signe que pour la diplomatie tricolore les intérêts des champions français ont la priorité sur la sauvegarde du climat. Et que la signature de nouveaux contrats est au moins aussi importante que les éventuelles avancées diplomatiques. On le constate également en examinant les nombreux événements organisés par la France ou avec son soutien en amont ou pendant la conférence. La délégation officielle française intègre également des représentants d’EDF, Saint-Gobain, Ardian ou encore Vinci.

Lire notre enquête : TotalEnergies dans la délégation officielle à la COP30 : « business as usual » pour la diplomatie française

La présence de Patrick Pouyanné dans la délégation française à Belém est aussi une illustration de la relation de symbiose qui continue de prévaloir entre le groupe pétrogazier et la diplomatie française, malgré la fin des soutiens financiers directs.

Lire TotalEnergies et la diplomatie française : cinquante nuances de soutien

L’ombre d’une autre entreprise pétrolière, partenaire stratégique de TotalEnergies, plane aussi sur la COP30 : celle de Petrobras, le groupe national brésilien. Il a reçu quelques jours avant la COP l’autorisation de forer du pétrole offshore au large de l’embouchure de l’Amazone. L’argument du gouvernement Lula ? Les revenus des hydrocarbures serviront à « financer la transition énergétique ». Pour l’instant, cependant, ce n’est pas le cas.

Pire encore : après que TotalEnergies et BP aient dû renoncer à forer du pétrole au large de l’embouchure de l’Amazone il y a quelques années pour des raisons écologiques, la licence octroyée à Petrobras rouvre la porte aux majors pétrolières dans la région. En témoignent les enchères de juin dernier qui ont vu l’arrivée de ExxonMobil, Chevron ou CNPC dans la zone.

Lire COP30 : pourquoi le Brésil a autorisé des forages pétroliers au large de l’Amazonie

 Qui veut la peau des renouvelables ?

En France non plus, le gouvernement ne brille pas par son courage et son ambition en matière de climat. Il est de plus en plus question d’un moratoire sur les énergies renouvelables, une vieille revendication du Rassemblement national désormais reprise par la droite anciennement républicaine et même par le centre. Une mesure encore impensable il y a quelques années.

Comment en est-on arrivé là ? « Aux États-Unis, en Australie, les fossiles sont derrière l’offensive anti-renouvelables, c’est facile », nous a-t-on dit. En France, la situation est un peu différente.

Anne-Sophie Simpere a mené l’enquête sur les lobbys anti-renouvelables et sur leurs liens avec l’extrême droite. Parmi les recettes de leur succès, l’influence historique de réseaux de grands bourgeois anti-éolien, le contexte de polarisation politique et médiatique, mais aussi l’influence d’intérêts fossiles et surtout nucléaires.

Les grands groupes comme TotalEnergies qui ont investi dans les renouvelables pour « diversifier » leur mix, par contre, ne se pressent pas au portillon pour les défendre.

Lire Énergies renouvelables : l’extrême droite est-elle en train de gagner ?

 Merci patron (ou non)

Pendant les discussions parlementaires sur le budget 2026, la proposition de taxe Zucman sur la fiscalité des grandes fortunes a focalisé une grande partie des débats, avant d’être finalement rejetée.

Selon ses détracteurs, l’instauration de la taxe Zucman ferait fuir hors de France les milliardaires, qui continuent d’être présentés comme des piliers de l’emploi. Une crainte très peu fondée, comme le monde le nouvel article dans notre rubrique « Debunk » par Séverin Lahaye. En se basant sur l’exemple des groupes du CAC40 contrôlées par des grandes fortunes.

On y apprend entre autres que oui, sur le papier, l’effectif de ces groupes augmente souvent, mais plus au niveau mondial qu’en France et par rachat d’entreprises plus petites (souvent suivies de suppressions d’emplois) plutôt que par créations nettes.

Mais aussi que pour chaque euro dépensé pour créer un emploi en France, LVMH en dépense 239 en dividendes et rachats d’actions. Le ratio est moindre mais toujours important pour Hermès, L’Oréal, Dassault Systèmes etc.

À lire : Est-il vrai que les milliardaires créent de l’emploi ?

En bref

Directive sur le devoir de vigilance : le coup de grâce. On le voyait venir, c’est arrivé. Ce jeudi 13 novembre, la droite conservatrice et les groupes d’extrême droite du Parlement européen ont uni leurs voix pour vider de sa substance la directive européenne sur le devoir de vigilance des multinationales (dite CS3D), adoptée il y a quelques mois seulement. La même alliance a considérablement réduit la portée de la directive sœur sur la transparence des entreprises en matière de durabilité (CSRD). Le tout sous les applaudissements de Donald Trump et des États-Unis, qui réclamaient la suppression de ces directives depuis plusieurs mois, ainsi que des multinationales américaines et européennes. Ces deux législations avaient été les premières ciblées dans le processus de dérégulation initié cette année par la Commission européenne au nom de la « compétitivité » du vieux continent. On relira sur ce sujet notre dossier Dérégulations « made in Europe » et notamment l’enquête de Barnabé Binctin : Au centre du jeu bruxellois, l’extrême droite sonne la charge contre l’écologie et le climat.

Les alliés français de Shein. La polémique a encore une fois enflé à propos de la marque chinoise de fast-fashion Shein à l’occasion de son implantation physique – présentée comme une première mondiale – au BHV. Une opération qui aurait été un succès public selon la comm’ de Frédéric Merlin, le gestionnaire des lieux. Le média La Lettre a dressé à cette occasion la liste – très longue – des cabinets de lobbying et de communication français auquel le groupe chinois a fait appel pour défendre son image et ses intérêts à Paris et à Bruxelles. On y retrouve des grands noms de la place parisienne comme Havas, Publicis, Image 7 ou encore August Debouzy. Et au passage on y retrouve aussi une nouvelle justification de l’embauche de l’ex ministre Christophe Castaner par Shein, qui a beaucoup fait jaser et au sujet de laquelle l’Observatoire des multinationales et les Amis de la Terre ont adressé un signalement à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Ce n’était pas en fait pour conseiller le géant chinois sur sa RSE, ni pour l’aider dans ses relations avec la « société civile » et le tissu économique français, comme cela a été expliqué successivement par Shein : c’était en réalité pour convaincre les entreprises françaises de la logistique et du transport de défendre la marque chinoise en argumentant qu’elle crée de l’emploi en France. Ce qui relève bien du lobbying, malgré les dénis de Christophe Castaner. Relire notre enquête Pourquoi il faut faire la lumière sur le lobbying de Shein et le rôle de Christophe Castaner.

Lafarge et Daech : le procès s’ouvre (et se referme provisoirement). Le procès du cimentier Lafarge s’est ouvert le 4 novembre à Paris. Huit dirigeants du groupe et la société elle-même, en tant que personne morale, sont jugés pour financement du terrorisme dans le cadre d’un procès qui durera jusqu’à décembre. La procédure pour complicité de crime contre l’humanité, dans le cadre de laquelle la société est également mise en examen, sera jugée ultérieurement. Et une autre procédure pour mise en danger de la vie d’autrui, en l’occurrence les travailleurs syriens de Lafarge, reste en cours, malgré un arrêt négatif de la Cour de cassation. Les audiences ont été interrompues jusqu’au 18 novembre en raison d’un vice de procédure, les avocats de la défense ayant multiplié les objections et les recours avant même le début des débats.

Les greenwasheurs derrière le greenwashing. Nous avons parlé dans notre dernière lettre de la condamnation de TotalEnergies par un tribunal français pour pratique commerciale trompeuse, en lien avec un campagne de communication de 2021 où le groupe pétrogazier a communiqué abondamment, et abusivement selon les juges, sur sa stratégie climat et ses objectifs zéro carbone. Le média anglophone Desmog s’est intéressé aux agences de communication et de relations publiques qui ont travaillé pour TotalEnergies sur cette campagne. Un liste dans laquelle on retrouve encore une fois des filiales des deux géants français du secteur, Publicis et Havas, propriété du groupe Bolloré. À lire ici.

Formation ! L’Observatoire des multinationales propose une nouvelle session de formation sur deux jours à l’enquête sur les grandes entreprises, les 6 et 7 janvier 2026 à Paris. Celle-ci offre un aperçu des sources d’informations disponibles et des méthodes pour enquêter sur les multinationales, leur structuration, leurs propriétaires et dirigeants, leurs implantations, leurs finances, leurs impacts écologiques, leurs pratiques sociales et leur lobbying. Détails et inscriptions ici.

Cette lettre a été écrite par Olivier Petitjean

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