David Bowie, aurait eu 75 ans aujourd'hui. Difficile de dissocier ce jour anniversaire de son voyage définitif vers l'au-delà. Le 10 janvier 2016, deux jours suivant ses 69ans, il rejoignait les étoiles après dix années de retrait silencieux dues à la maladie. Longue période douloureuse mais féconde au cours de laquelle il peindra et produira ses deux derniers albums. Deux perles, aux parfums d'adieux : The Next Day, annoncé à l'occasion de ses 66 ans, sorti en mars 2013 ; puis Blackstar, son cadeau ultime, édité trois ans plus tard, le 8 janvier. Son dernier 8 janvier.
Blackstar, album spectral et testamentaire, à propos duquel l'écrivain Daniel Salvatore-Shiffer a écrit sans conteste, les mots les plus ciselés (1). Nous laissant ce chef-d'oeuvre en guise d'au revoir, David Robert Jones quittait ce monde, tel un anonyme, en l'absence de toute de cérémonie publique, selon ses voeux. Ses cendres auraient été dispersées sur l'île Indonésienne de Bali, qu'il affectionnait particulièrement, dans un lieu tenu secret, sans doute préservé de toute intrusion . A moins qu’il ne repose dans son refuge des îles Moustique, confetti paradisiaque de l'archipel caribéen. Ou à Catskill Mountain, sa dernière retraite restée secrète.
Sa mort a provoqué une sorte de sidération aux quatre coins de la planète, un sentiment de perte majeur qui perdure. Nous l'aimions finalement peut-être mille fois plus qu'il ne s'aimait lui-même, même s'il était clairement conscient du caractère unique, éclectique de son oeuvre arc-en-ciel, mue par un fil conducteur : une peur de la folie héritée de désordres familiaux, un tempérament iconoclaste, une quête d'ailleurs jamais assouvie. David, l'enfant doué de Brixton, devenu star, icône sanctifiée du rock, souhaitait que l'on ne se souvienne que de sa musique.
Il a cependant perdu son pari -si tant est que ce fut le cas- de ne redevenir que cendres. Ashes to Ashes...certes. Le monde entier continue de vibrer avec David Bowie. Dead or Alive. D'aimer passionnément le chanteur- compositeur, le musicien, l'homme. Incandescent, flamboyant, passant du fou rire à la mélancolie du regard. Habité par une spiritualité nourrie de christianisme et de bouddhisme, Bowie était ouvert aux syncrétismes religieux, à la philosophie, à toutes les influences artistiques. Lecteur compulsif, il s'enrichit très tôt d'un bagage de choix, tant musical, littéraire que poétique, lequel influença son cheminement hors-norme : de William Burroughs, à Jack Kerouac, George Orwell, en passant par Baudelaire, Lautréamont ou Jean Genet pour ne citer qu'eux (2).
Son cursus scolaire à la Burnt Ash Junior School dès l'âge de 8 ans, puis au lycée technique de Bromley, banlieue londonienne plus cosy où il étudie l'art, la musique et le design, contribuent très tôt à développer ses talents multiples -chant, poly-instrumentisme- aiguisent sa créativité stylistique, picturale et graphique (la pochette d'Outside, album sorti en 1995,est de sa main). Sans oublier l'art de la pantomime, étudié au Bradford Art College, dans les années soixante, où il fréquente le mime Marceau. Une chance inouïe pour cet enfant d'une famille modeste de la middle-class né dans le Londres populaire d'après-guerre..
Après la parution du 45 tours "Lazy Jane" en 1964, sous le nom du groupe Davie Jones & the King Bees, la renommée de David devenu Bowie décolle en 1969 avec la sortie de Space Oddity, invitation onirique au voyage, album culte dont le titre et la chanson du même nom sont inspirés du film de Stanley Kubrick, 2001 l'Odyssée de l'Espace sorti en 68. Epoque où la conquête de l'univers, l'aventure intersidérale peuplaient les imaginaires : le 21 juillet 1969, Neil Amstrong, membre de la mission Appolo 11, posait les premiers pas sur la lune.
Sa passion pour le Japon, visité dès le début des années 70, est au coeur de ses représentations scéniques jusqu'au début des années quatre-vingts. D'emblée, sa rencontre avec l'illustre créateur de mode, Kansaï Yamamoto (1944-2020) est décisive. Lequel conçoit et réalise pour lui une série de costumes : capes, bodies, combinaisons psychédéliques, et notamment ce fameux body/jambière en laine bariolée. Des tenues excentriques aux couleurs chatoyantes, associant le caractère raffiné des parures et tissus du Japon traditionnel à un avant-gardisme inégalé. Maquillage, chevelure au roux flamboyant, gestuelle, toutes les composantes, codes du théâtre Tabuki et du Nô lui sont parallèlement enseignés par des maîtres nippons. Ziggy ne serait pas sorti de sa chrysalide sans cette influence née de son amour pour le pays du Soleil-Levant. Le photographe Masayoshi Sukita, auteur de la pochette de l'album Heroes, immortalisera nombre de ces tenues. Un article-hommage publié en 2016 par le Journal du Japon témoigne de ce rendez-vous amoureux du jeune Anglais avec ce pays insulaire, -très ouvert au demeurant à tous les courants de l'art occidental. Projeté une décennie plus tard, dans les salles obscures Furyo, film de Nagisa Oshima, beau et troublant, atteste de la permanence de cette passion.
Inspiré de ces multiples nourritures, du mouvement britannique dandy, fruit de la rébellion du jeune David Robert Jones alors âgé de 25 ans, Ziggy Stardust, androgyne futuriste et fascinant, propulse le chanteur aux premiers rangs de la pop internationale. Personnage aux mille facettes, au travers duquel il se joue de tous le codes moraux et vestimentaires d'une époque corsetée, Ziggy/Bowie se hisse d'emblée au faîte de la scène glam-rock, se met à nu, interrogeant les genres, exposant et dévoilant sa fragilité masculine. Provocateur, humaniste, il lance un message de paix iconoclaste et poétique avec The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars (1972). Sa tournée américaine et l'arrivée de Mike Garson , donnent naissance à Aladdin Sane,(1973) qui dépeint un Ziggy immergé dans une Amérique qui le fascine et lui fait peur, Los Angelès en particulier. La même année il saborde son personnage dans un concert mémorable au Hammersmith Riverside studio de Londres.
Sans transition, il va vers d'autres rivages plus sombres avec l'album Diamond Dogs en 1974, oeuvre inspirée des écrits de William Burroughs (3). Le rock se fait plus âpre, a des accents punk. Album culte également, dans lequel Bowie aborde les thèmes de la violence, de la drogue, de la fascination pour le pouvoir, de la revendication. Le titre Rebel Rebel devient l'hymne de toute une génération avide de liberté.
S'ensuit son épopée berlinoise en compagnie d' Iggy Pop . Berlin-Ouest capitale européenne de l'underground où The Thin White Duke délaissant les mirages de L.A, presque cachexique, tentera de se défaire de l'abîme-héroïne. c'est dans cette ville bouillonnante, où il devient vite une figure du rock que sortent Low et surtout l'incontournable album Heroes , en totale résonance avec la grande histoire qui se joue sur place. Lodger (1979) moins connu, est le troisième de cette trilogie.
Dix années fructeuses s'écoulent : le 6 juin 1987, six jours avant la visite de Ronald Reagan à Berlin-Ouest, David Bowie revient dans la capitale ouest-allemande pour participer au Concert for Berlin. Un festival très politique organisé pendant trois jours sur la Platz der Republik, face au Reichstag. Heroes est repris par les centaines de jeunes Allemands agglutinés des deux côtés du mur. Cet événement symbolique, il le partage avec Genesis, Eurythmics, Nina Hagen, New Model Army, Paul Young.
Blues, rock, punk, dance, world, mais aussi jazz, David puise dans tous les registres musicaux ne cessant de se remettre en question, d'innover. Heartling (1997) à la pochette mythique le représentant aux couleurs du drapeau de l'Union jack, contient quant à lui une série de hits entrés dans la légende : Modern Love, Law, Dead man walking, I'm afraid of Americans.
Avec Hours (1999) et Heathen (2002) -l'un ses albums les plus aboutis au cours de cette période-, Bowie se rassemble en lui-même. Délesté d'une partie de ses fantômes, il y marie mélodies complexes, subtiles et textes plus personnels.
Reality sort l'année suivante. D'une facture plus classique, cet album rock contient un bijou-ovni intitulé Bring me the disco king : flash-back, -évocation nostalgique des jours en allés, des heures fanées- , ce long morceau crépusculaire, écrit au début des années quatre-vingt-dix, est magistralement porté par le tempo jazz, lent, dénudé du pianiste Mike Garson. (Une version plus éthérée est remixée pour la bande-son du film Underworld). Il est interprété pour la première fois sur scène lors du Reality Tour qui sonne la fin de ses tournées mondiales en 2004. New-York accueillera sa dernière prestation live en 2006.
David Bowie adorait la scène. Un miroir sans filtre pour l'artiste solaire, élégant, raffiné, so british. Visionnaire, il anticipe, sublime jusqu'au mitan des années 70, les exubérances, désirs, frustrations et questionnements d'une partie des sixties/seventies. Ses compositions ultérieures, aux atmosphères et styles musicaux relevant d'univers différents, constituent chaque fois un événement. Accueilli avec ferveur, chacun de ses nouveaux et nombreux albums recueillera un succès jamais démenti. De l'ouest à l'est des pays occidentaux, en passant par l'Amérique du sud, jusqu'aux confins de l'Asie.
Généreux lors de ses prestations scéniques, Bowie fuyait les excès induits par la célébrité. Redevenant David Robert Jones à la ville, introverti, secret, anonyme parmi les anonymes autant que faire se peut. A ses amis célèbres, il confiait, facétieux, sa "recette" lui évitant d'être poursuivi par une nuée de fans hystériques. Une ruse de gosse résumée en quatre points : porter des vêtements passe-partout, couleur de muraille, visser casquette sur sa tête, chausser des lunettes noires ... Sans oublier l' élément essentiel : un journal grec ostensiblement tenu sous le bras. Pourquoi grec? Humour et flegme britannique sans doute. S'il affectionnant sa vie new-yorkaise, il envisageait cependant de retrouver Londres, son berceau natal, ainsi l'accent cockney qu'il prenait plaisir à entretenir. Confiant en sa guérison, il l'est resté jusqu'à la rechute fatale du cancer qui l'emporte en janvier 2016.
Reste son œuvre foisonnante et unique, sa beauté ineffable, sa photogénie sans pareille, fixées sur la pellicule par les plus grands photographes dont Mick Rock qui vient de s’éteindre. Son objectif a merveilleusement capturé le visage, la silhouette longiligne de Ziggy/Bowie. La A Gallery propose également, une sélection de portraits de l'artiste, sans nul doute, les plus singuliers, les plus conceptuels : en osmosetotale avec leur modèle, Steve Shapiro, Marcus Klinko et Ron Galella ont indéniablement le mieux capté son caractère iconoclaste, son oeil intérieur. Dans un entretien donné à Elle en 2016, Shapiro, l'un des maîtres de la photo argentique, revient, quarante après, sur sa première rencontre avec le charismatique Thin White Duke. Le début d'une longue complicité.
Reste cette voix pareille à nulle autre, grave, chaude, envoutante, à la tessiture saisissante et sensuelle. Voix se faisant parfois cri. Déchirure, acmée de sentiments jaillis des entrailles.Le Vibrato d'une âme inquiète en quête permanente de sens sur la vie et la mort. David Bowie, artiste majuscule, dont la jeunesse semblait immuable -lors du Reality tour, en 2004, il a 57 ans-, fit de sa vie une oeuvre inclassable, presque magique d'où son aura si particulière, intergénérationnelle (4).
Lazare, ressuscité par Jésus dans les Evangiles, c'est lui. Absent, si présent, éternel. Tel l'Oiseau bleu, symbole de liberté et de renouveau dans les légendes japonaises et amérindiennes, David Lazare s'est élancé vers le ciel, nous laissant sur ces mots : "Look up here, I'm in heaven... Oh I'll be free, Just like that bluebird"...
A_D
(1) https://blogs.mediapart.fr/daniel-salvatore-schiffer/blog/100118/david-bowie-blackstar-requiem
(2) David fut approché par ce dernier au milieu des années soixante-dix, venu lui proposer à Londres de jouer le rôle de Divine, jeune et bel assassin transgenre, dont Genet tomba fou amoureux à la prison de Fresnes, où fut écrit Notre-Dame-des-fleurs en 1942. David rêva d'emblée d'interpréter le rôle de Divine. Associé au producteur Christophe Stamp, -frère de Terence Stamp- Il demanda à l'écrivain de composer une adaptation pour le cinéma. Bouclé en 1975, le scénario ne sera jamais tourné, le manuscrit n'ayant été retrouvé qu'en 2002
(3) The Wild Boys :A Book of the Dead, paru en 1971, traduit en français par Mary Beach et Claude Pélieu en 1973, éditions Christian Bourgeois.
(4) Anticipant cette date anniversaire du 8 janvier, Toy, sélection rock de titres anciens des années soixante -réenregistrés en 2000 à New-York avec ses musiciens, oublié puis piraté- vient d'être réédité dans un coffret de trois CD (https://www.lemonde.fr/culture/article/2022/01/08/quand-david-bowie-s-amusait-a-reprendre-ses-anciennes-chansons-des-annees-1960_6108677_3246.html)
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Think about you. Missing and beloved Bo-We.
Sadness's always on my mind.
Gary Oldman, your genious twin,
so very close old friend must be sad too.
Even if he keeps on living with you like a sort of widow,
carried by so many crazy, wonderful, precious and cherishing memories.
For love is much more powerful than money.
Gael Ann Dorsey, femme-oiseau sublime, guitare-basse au sein du groupe de David Bowie à partir de 1995.
"It's about how it was to work with David. It is basically how it felt to suddenly be whisked away in one of the coolest bands in the world, and to be travelling, performing, and appearing all over the world with one of the greatest and most charismatic artists of our time. Magical is the word that comes to mind. It felt like being caught in a fairytale, one of those things that doesn't happen to you, but to someone else, someone luckier than you. Well, this time I was queen for a day, and it is a time I will always remember. If you look closely at the lyrics, I make many references to the names of Bowie songs : Little Wonder, Heroes, Fame. The chorus begins 'I want to dance', which is a play on 'Let's Dance'. Stuff like that. I was trying to have fun with it."
[Lyrics]
You are the bright, white light in my streets of darkness
A storyteller with wings I envy
Baby, I've been waiting for you, waiting for you all my life
What did I know before you came?
One in million flowers on my pillow
One of kind hands reaching out to me
Baby, you're my shining armour ; beauty and dressed to kill
Nothing I know can be the same
I wanna dance; pick me up and turn me round
One foot out, one foot down, all my senses hit the ground
I close my eyes, I feel so free, and it comes so easily
It Can Be Magical...
My little heroe, never short of wonder
Wherever we go racing it's to win
Straight into the arms of parlours, straight into the halls of fame
Into this handsome honeymoon
I wanna dance ; pick me up and turn me round
One foot out, one foot down, all my senses hit the ground
I close my eyes, I feel so free, and it comes so easily
It Can Be Magical... It Can Be Magical...
I want to fly, for real
I want to get high for real this time
Cause magic we're made of, a mystic parade of desires... desires...
I was a picture of a prima donna that was stranded on the edge of town
Only a face without a name...
Now, I wanna dance ; pick me up and turn me round
One foot out, one foot down, all my senses hit the ground
I close my eyes, I feel so free, and it comes so easily
It Can Be Magical... It Can Be Magical
Auteurs-compositeurs : Jessica Hilda Mauboy, Audius Mtawarira. (Musixmatch