Mercredi soir 20 avril, Iggy Pop était à l'honneur sur Culture box (France 4). Le magazine culturel diffusait Gimme Danger (1), l'excellent documentaire réalisé en 2016 par le cinéaste Jim Jarmusch, admirateur inconditionnel du chanteur devenu icônique (2). Retraçant l'aventure des Stooges, ce film revisite avec amour et humour le parcours chahuté d'un groupe explosif. Archives, témoignages de ses vieux complices - les frères Ron (guitare) et Scott (batterie) Asheton, Dave Alexander (basse), tous disparus-, constituent la trame de ce récit dont Iggy est le fil conducteur : les années ont passé mais le teenager turbulent des années soixante-dix n'est jamais bien loin. Une invitation à réécouter ce groupe de hard rock mythique et précurseur, notamment leurs créations les plus réussies telles The Passenger, Lust for life, 1969. S'ensuivait la rediffusion de son concert au festival Rock-en-Seine en 2016. Iggy Pop, branché sur 100 000 volts, c'est aussi et toujours l'homme qui descend dans la fosse pour faire chair avec son public. Emouvant et tellurique.
Depuis le début des années 2000, l'Américain dévoilait de temps à autre son profil plus intime au travers d'albums tel Avenue B. The wild child recèle une âme de poète-philosophe. Après un retour au rock en 2016 avec Post Pop Depression, en février 2019, James Osterberg alias Iggy Pop disserte sur le Rien, dans le road-movie parabolique In Praise for Nothing de Boris Mitic. L'ex-chanteur des Stooges sert somptueusement le long récit du réalisateur serbe, scandant chacune des rimes de sa voix chaude et grave, sur fond d'une trentaine de tableaux visuels reliés par des plans fixes de citations. Des images censées représenter le Rien, invitant à penser le Tout. Venues des quatre bouts du monde, elles sont le fruit du travail des soixante-deux cinéastes ayant participé à ce projet pharaonique filmé dans soixante-dix pays. Objet éclectique, déroutant et captivant ce long poème, à la fois spirituel et incisif, est visible dans son intégralité sur la plateforme Vimeo. Beau.
2019 fut une année féconde. le 12 octobre, il est l'invité de marque du festival Arte concert, dans un salon cosy du Théâtre de la Gaîté Lyrique (3) : on découvre alors en live la voix abyssale du crooner, entre rocaille et velours, sur fond d'un set de jazz-blues et acoustique. Le rêve du gamin de Detroit, fan de Sinatra et d'Elvis s'expose dans toute sa splendeur.

Sorti un mois plus tôt, son dernier album Free, à la fois sombre et apaisant, rassemble cette intériorité profonde, allant jusqu'à flirter avec le contemplatif. Dans ce dix-huitième opus, Iggy Pop offre -sur un instrumental piano- cuivre- une lecture de We are the people, poème existentiel et fulgurant né sous la plume de Lou Reed, en 1970. Ce texte magnifique, resté inédit, est d'une intemporalité qui résonne curieusement avec l'Amérique d'aujourd'hui. Un hommage-prière à l'ami new-yorkais, au frère défunt, à l'un des plus grands du rock. Associant jazz, rock et afro-jazz, Free est à l'instar de ses précédents albums -peut-être plus encore- celui d'un homme lucide et sensible. Toujours en éveil. Celui d'un homme libre.
Happy birthday, my fellow passenger.
(1) en vente ou location sur You tube et Google Play
- https://www.youtube.com/results?search_query=Gimme+Danger+%28VOST%29%2Bmovie
- https://play.google.com/store/movies/details/Gimme_Danger_VOST?gl=FR&hl=en&id=puITfJbn8aY
(2) Il apparaît également dans le dernier Jarmusch "The dead don't die".
(3) A déguster également sur le site de Gaïté Lyrique : https://gaite-lyrique.net/evenement/iggy-pop-helena-deland
En février dernier Iggy Pop et les solistes de l'Ensemble intercontemporain ont conjointement remporté le Polar Music Prize, crée en 1989 par le suédois Stig Anderson , ancien manager du groupe ABBA. (https://www.mediapart.fr/journal/fil-dactualites/080222/iggy-pop-et-l-ensemble-intercontemporain-sacres-par-le-prix-polar)