A toi, Paco, immense guitariste de génie qui tutoyais le divin, ambassadeur du flamenco dont chaque concert était un cadeau inestimable. A toi, que j'eus le privilège de voir sur scène, maintes fois. Pas assez. Dont j'eusse aimé ne pas manquer un seul concert. Chaque fois émerveillée et muette d'émotion, envôutée par ton toque sublime, romantique, passionné et fiévreux. A toi, dont les doigts d'or devenus si douloureux avec le temps, créaient toujours le miracle, lorsque tu caressais les six cordes de ta guitare. Un enchantement indicible. A toi, si respectueux à l'endroit de ton public qui te voulait éternel, si généreux avec tes amis, musiciens et danseur, - ton neveu Antiono Sanchez, Antonio Serrano, Alain Pérez, el Piriña, el cantaor Duquende y su compañero David Maldonado, et Farru, talentueux et gracieux bailaor.
A toi, Paco qui n'as jamais oublié d'où tu venais, de la rue et de la misère, que le génie, -fruit d'un don presque céleste et d'un travail acharné-, avait rendu plus humble encore. A toi, silhouette sculpturale, dont l'être tout entier se tendait, accueillant et vibrant, vers tes frères cantaores, pour mieux accompagner leur chant, te mettre au diapason de leur souffle, leur donner le primat. A toi, dont les yeux souriaient avec une douceur et une tendresse inouïe, lorsque ton oreille ne voyait plus qu'eux, dans un colloque musical et sentimental si touchant, proche de l'amour. A toi, qui en 2010, alors que certains évoquèrent un concert d'adieu lors de ta sublime prestation au Zénith, démentit la rumeur, réaffirmant, fidèle, que tu serais toujours là, tant que ton public te réclamerait. Habité par le duende, au point d'y mettre toute ton âme, mais aussi toutes tes forces, tu aimais plus que tout la respiration de la scène. Ceux qui te suivaient depuis des années s'inquiétaient ces derniers temps de te voir exténué à la fin tes méga-tournées. Au sein de cette multitude toute entière penchée vers toi, dans une communion Majuscule, il y avait « celui qui croyait au ciel et celui qui n'y croyait pas », mais chacun priait en silence pour que tu lèves le pied, nous reviennes plus tard, murmurant en son for intérieur "Quidate querido Paco, descanse por favor". Prends ton temps, nous avons tout le nôtre. Pourvu que tu sois là.

A toi, Paco qui devais nous réunir, en décembre, à Paris, lors d'une nouvelle tournée européenne. Après avoir parcouru le monde pendant plus de cinquante ans, infatigable étoile, lumière du flamenco. J'attendais ton retour avec une impatience fébrile. J'apprends, ce jour, que tu ne seras pas au rendez-vous. Je m'effondre. Tu t'en es allé, à Cancùn, comme tu as vécu -libre dit-on-, au bord d'une mer turquoise, en compagnie de ceux que tu chérissais le plus, tus chicos y nietos. Taraudé par l’inquiétude créatrice, par le stress inhérent à ton perfectionnisme jamais rassasié, ton cœur a lâché, sous le soleil du Yucatan, ton paradis, ton refuge qui cette fois n’a pu te sauver.
Les larmes ne couleront plus sur ma joue, dès les premiers accords de Canciòn de amor, mélodie sublime de l’intime, qui dit, là où le Verbe échoue. Mon coeur ne s’emballera plus, au rythme de tes bulerias impétueuses, de tes tangos fulgurants. Qui m’emportaient si loin. Véritables bijoux, tes tarantas magiques m’enveloppaient dans un halo de grâce ineffable. Sous tes doigts d’orfèvre, Tio Sabas coulait dans mes veines, tel le chant perlé, cristallin du ruisseau. Sous l’emprise de ton duende satiné et délicat, je ressentais l’âme profonde du flamenco, véritable hymne à la vie, au-delà de la mort, du tragique.
Algeciras est en deuil. L'Espagne et le monde aussi. Je ne te parlerai pas de ma douleur. Le flamenco fut ta vie, ta vie fut flamenca, -un chaos murmuras-tu un jour, empreint de peine-. Figure poétique, unique et noble de cet art majeur, tu l'as servi comme un amant à jamais ébloui, tu as rejoins le sacré et nous l'as fait sentir, approcher.
Paco divino, estaràs siempre en mi corazon, en mi cabeza, en mis ojos. Eres mi canciòn de amor. Que no puedo mas escuchar. Tu silencio es el mìo. Anoche, buscando una consolaciòn impossible, miro el cielo, la estrella màs brillante. Me dijo que estas aca, tocando con el viento, la lluva y el sol, charlando con Moraito, para illuminar nuestras pobres vidas.
Pari ti, que amò tanto el jazz, me gustarià offercerte este ultimo regalito, que habla de flamenco, que habla de ti.
Canciòn de Amor
http://www.youtube.com/watch?v=b2nLO46TzIM&feature=share&list=RDb2nLO46TzIM