Alice_D
Abonné·e de Mediapart

69 Billets

0 Édition

Billet de blog 28 mai 2014

Alice_D
Abonné·e de Mediapart

Réponse aux Pr Grimaldi et Vernant

Alice_D
Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans l'édition "les invités de Médiapart" intitulée "Réduire les dépenses de santé ...en les privatisant",  les Professeurs Grimaldi et Vernant, pointent le doigt dans la bonne direction. Car c'est bien vers la privatisation que notre système de santé publique est conduit à marche forcée.  Messieurs, au long de cette tribune pertinente, vous affirmez cependant que "En effet, le patient n’est pas un consommateur éclairé, même s’il est de plus en plus informé. C’est une personne anxieuse et donc manipulable. Il a tendance à croire que le prix est corrélé à la qualité, comme le démontre l’escalade en 10 ans des dépassements d’honoraires des médecins spécialistes (2,5 milliards en 2012) et des dentistes (4,5 milliards) ainsi d’ailleurs que des tarifs des mutuelles (plus 5 à 7% par an) soumises à la concurrence des compagnies d’assurances (AXA, AGF…). C'est faux pour la majorité des personnes, qui se retrouvent en revanche confrontées à la flambée des honoraires chez un très grand nombre de spécialistes, n'ont plus le choix de choisir leur praticien  en médecine de ville, mais également de plus en plus fréquemment également à l'hôpital,  nombre praticiens hospitaliers obligeant  à  passer par la case "secteur privé à l'hôpital' ou en clinique privée pour ne pas attendre un RV pendant 3 mois, voire plus. Flambée des honoraires, à qui la faute?

Le mercenariat dont vous dénoncez utilement et clairement l'existence et l'inflation des dépassements d'honoraires participent d'une même décadence, vont de pair (de façon paradoxale) avec cette nouvelle logique comptable imposée par l'Etat, la Sécurité sociale et l'Europe, vision partagée par nombre de médecins eux-mêmes, majoritairement très obéissants à leur hiérarchie et à leur directions de managers. Peut-être s'exprime-t-il là, un changement profond du rapport à ce métier si singulier où la personne et le soin étaient il y a encore peu- au coeur de cette noble profession : on le voit au travers des revendications des jeunes internes ou médecins, où la question de l'argent et des avantages demandés pour exercer à tel ou tel endroit  prime trop souvent sur les enjeux de santé publique. On le voit dans le refus d'exercer certaines spécialités majeures (psychiatrie, gériatrie, médecine générale) jugées non valorisantes et pas assez lucratives. Un comble.

Sur la question des maladies chroniques, on ne peut que vous suivre lorsque vous appelez de vos voeux la mise en place d'une médecine personnalisée. Mais ne trouvez-vous pas que confier la coordination des soins -ce qui est sous-entendu dans votre article- à une "infirmière clinicienne" statutaire, implique une régression de la qualité du diagnostic et du traitement, aussi grand soit mon respect pour le métier d'infirmier? Etre infirmier est une chose, être médecin en est une autre. N'est-ce pas là une façon de gérer la pénurie des seconds?

Et combien d'infirmier(ères) formés ces dernières années pour combler le déficit de personnel énorme, l'ont été au rabais? Raison pour laquelle, les plus passionnés (et les moins pauvres) vont faire leurs études en Suisse ou en Belgique et reviennent exercer à l'hôpital public, seul vrai lieu d'apprentissage selon les interéssés eux-mêmes?  En soin de ville, la course à la rentabilité, la surfacturation, sont devenus monnaie courante  et vont de pair avec la recrudescence "d'événements indésirables" -pour utiliser la novlangue de nos gouvernants- ou/et d'infections nosocomiales.

Souvent confrontés à des polypathologies, les malades chroniques  ont  au contraire grand besoin d' une coopération entre praticiens expérimentés, d'un travail en réseau qui ne soit pas a minima, d'une prise en compte de leur parole, de leur propre savoir, ce qui faitle plus souvent défaut, le malade étant encore regardé comme un assemblage d'organes et de viscères, coupé en tranches comme un saucisson. Même les compte-rendus de consultation ou d'hospitalisation n'arrivent pas toujours aux interessés et ni aux différents praticiens.

 Et si vous observez une multiplication des actes pour ces patients,vous devez voir aussi, qu'un nombre non négligeable d'entre eux, sont mis au rencart, mal suivis, voire refusés dans les services hospitaliers dès lors qu'il "coûtent prétendûment trop cher" et sont peu rentables (la T2A n'a en effet rien arrangé sur ce point)

Quant au développement de la médecine ambulatoire, il est  souhaitable chaque fois qu'elle ne met pas le patient en danger : problème, pour cela,  il faut alors que les budgets suivent pour la prise en charge à domicile des intéressés, ce qui n'est pas le cas. combien d'HAD et de centres de santé, services de soins à domicile sont aujourd'hui enfermés par le postulat "le temps c'est de l'argent", combien ont intégré les principes économiques de rentabilité à tout prix,  manquent de moyens pour construire des équipes stables de soignants qualifiés, expérimentés et complémentaires. Il suffit de recueillir le témoignage de patients ou de soignants y travaillant  pour constater combien la précarité de l'emploi, le turn-over sont la régle, sans parler des dysfonctionnements qui en résultent, au détriment des malades.

Vous avancez parmi les solutions possibles, notamment la suivante : La Sécurité sociale devrait rembourser complètement, c’est-à-dire à 100%, « un panier de soins solidaire » correspondant aux besoins de santé « socialement reconnus » et plus du tout les soins sans bénéfice démontré, comme les médicaments remboursés à 15 ou 35%, les médecines dites « alternatives » non rigoureusement évaluées, les cures thermales…Question : qui va définir ce qu'est le panier de soins  solidaire" et selon quels critères alors que vous parlez d'individualisation nécessaire des soins.  Tous les malades, même s'ils sont atteints de la même pathologie, ne répondent pas de la même manière aux traitements, n'ont pas besoin des mêmes aides, a fortiori si ceux-ci deviennent standardisés . Je m'arrête sur ce point car si l'on regarde la question du déremboursement des médicaments, ou leur passage à la vignette 35 ou 15%, on se pose parfois la légitimité de certains de ces déremboursements, la pertinence de la notion de service rendu. Très souvent, ces mêmes médicaments laissent la place à d'autres, plus récents, chers et avec plus d'effets secondaires. Ou continuent d'être prescrits et vendu, 2 à 3 fois plus cher. Economies pour qui? Vigilance donc. 

Et s'il apparaît logique de ne plus rembourser les cures thermales de confort, dire qu'il faut cesser de rembourser les médecines alternatives (qui ne le sont quasiment pas) ne va ni dans le sens de l'efficacité thérapeutique, ni dans le sens de l'économie.  Ainsi, de l'acupuncture et plus généralement de la médecine traditionnelle chinoise unanimement  reconnues pour leur efficacité dans bien des domaines où la médecine occidentale échoue, ou complémentaire à celle-ci, au point que votre hôpital de la Pitié-Salpétrière a ouvert le 1er centre de recherches intégré de médecine chinoise, composé de médecins occidentaux et médecins traditionnels chinois. L'acupuncture (pratiquée par des médecins) n'est hélas remboursée à l'acte qu'à hauteur de 18 euros (sauf la première consultation à 23 euros), alors que ces praticiens passent en général 1 heure et demie avec leur patient! elle est non seulement efficace sur le plan thérapeutique (y compris pour mieux supporter les chimiothérapies anti-cancéreuses) mais  bien souvent l'occasion de s'éduquer, au plan nutritionel et d'apprendre à connaître son corps, maîtriser ses affects, son stress.  Hélas, les quelques grands maîtres asiatiques qui la pratiquent en France  n'ont pas le droit d'exercer . L'homéopathie, souvent jugée comme de la poudre de perlimpimpin,  ne coûte quant à elle quasiment rien par rapport aux médicaments allopathiques et se révèle aussi très efficace pour certaines affections légères.  Sans compter l'ostéopathie dès lors qu'elle est exercée par des gens compétents , mais la question de la compétence  vaut aussi pour la médecine occidentale et ceux qui la pratiquent. Sur ce point, les associations de malades auraient matière à dire. Aussi, votre parti-pris contre ces médecines déçoit. Parmi les pays occidentaux dotés d'un régime de protection sociale, seule la France  continue à s'arc-bouter, à refuser de reconnaître, donc rembourser, certains actes de médecines alternatives, alors que ces spécialistes travaillent avec des praticiens  hospitaliers dans maints pays. Pour soigner, pour chercher aussi.

 Merci en revanche de dévoiler le système de mercenariat à l'oeuvre et le recours à la sous-traitance des factures (ou plus exactement des surfactures) par des personnes ou agences privées  à l'hôpital... solution choisie depuis plusieurs années  à la Sécurité sociale où le traitement des feuilles de soins (maladie et accident du travail) est géré par des boîtes privées qui coûtent beaucoup plus cher à la collectivité que les agents autrefois chargés de ces tâches. (Idem à Pôle Emploi au passage).

La Droite veut vendre la santé aux assurances, "la Gauche au pouvoir", aux mutuelles : c'est, au final, du pareil au même. Il est bon de le dire haut et fort, partout où c'est possible. Mais c'est insuffisant.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Bienvenue dans Le Club de Mediapart

Tout·e abonné·e à Mediapart dispose d’un blog et peut exercer sa liberté d’expression dans le respect de notre charte de participation.

Les textes ne sont ni validés, ni modérés en amont de leur publication.

Voir notre charte