à John Mc Mullen, Baams et autre membres du collectif contre Exhibit B
J'ai signé votre pétition contre l'exposition" Exhibit B", car selon l'idée que je m'en fais, il ne s'agit pas d'art, mais d'une sous-culture mercantile, comme vous le dénoncez. Une insulte à la mémoire de tous les êtres humains, en l'occurence les peuples noirs ayant subi l'infâmie de l'esclavage, de la Traite. Je pense profondément que cette "performance" est en effet la réplique d'un zoo humain, une vision étroite et humiliante de l'histoire et n'est là que pour faire vibrer la corde du sensiationnalisme, choquer, culpabiliser, surtout pas analyser, ni faire réfléchir. Depuis quelques jours, il est impossible de vous contacter aussi je vous livre mes réflexions via ce blog.
Je m'interroge d'ailleurs sur la conscience historique des figurants français d'ascendance africaine qui participent à cette ignominie : comme tous les autres citoyens, ils ne sont pas à l'abri du simplisme, de l'absence de réflexion politique quant à leurs actes. S'exhiber ainsi derrière les barreaux d'une cage n'est pas faire honneur à "leurs ancêtres", et je me demande quelle conception de l'histoire, du politique et d'eux-mêmes ils ont : les figurants participant à cette tromperie, ne sont pas eux, des victimes ; ils ont la liberté de choisir, mais se prêtent à un événement à mes yeux inique, fidèle à l'époque dans laquelle nous vivons.
Lorsque j'ai signé la pétition, j'avais également signalé que le combat pour la dignité des personnes, pour le devoir de mémoire était un combat universel. Je n'ai pas besoin d'avoir la peau noire pour m'offusquer du business de Brett Bailey, lequel à mon sens est plus un opportuniste décérébré qu'un raciste invétéré, comme le démontre son parcours. Cela n'enlève rien à l'indignation et la colère que provoque en moi, sa pseudo-création engagée.
Vous citez sur votre site, Nelson Mandela (1), l'un des hommes qui nous manque le plus. Figure majestueuse qui a contribué à forger la conscience du monde contemporain sur l'apartheid, il a sacrifié sa liberté pour son peuple, porté haut et personnifié le combat contre l'asservissement, l'oppression coloniale d'un peuple, parce qu'il portait en lui l'universel.
Or qu'ai-je vu, vendredi soir, chez Taddei ? Rien qui ne fut à la hauteur de ce combattant admirable, aimé aux quatre coins de la planète. Invitée pour représenter le collectif dénonçant l'événement Exhibit B et expliquer sa démarche, la chanteuse Bams, également à l'origine de cette pétition, s'est contentée de réduire cette protestation justifiée à un combat "Noirs" contre "Blancs", comme si d'autres Français d'ascendances diverses ne s'étaient pas joints à ce mouvement. A aucun moment, Baams n'a signalé le soutien de Français n'étant pas de descendance africaine. Elle a au contraire renvoyé certains interlocuteurs peu suspects d'ignorance et de racisme à leur blanchitude, comme si la question se résumait à une opposition entre les méchants "Blancs" et les bons "Noirs". (je déteste ces qualificatifs réducteurs, d'où les guillements).
Je ne regrette pas du tout d'avoir signé cette pétition et le referais, qu'il s'agisse d'une insulte à la mémoire de Noirs, de Juifs, d'Arabes, ou d'Européens dits de type caucasien. Bams aurait d'ailleurs pu signaler -ce qui là n'est pas dans les livres scolaires- que l'esclavage, la Traite atroce des Africains ne fut malheureusement pas l'apanage de vils Européens. Qu'elle continue en Afrique subsaharienne et dans les monarchies pétrolières. Mais de cela, il ne faut pas parler.
En revanche, entendre Bams soutenir Dieudonné (et donc son ami Soral, les deux étant notoirement antisémites et venant de fonder un parti d'extrême-droite au service de le Pen,) me choque profondément, m'interroge sur l'humanisme sélectif de certains signataires, sur leur ignorance aussi. En mettant au même niveau la Shoah et cette Exhibition scandaleuse insultant de fait les victimes, j'ai eu froid dans le dos et me suis dit que vous gâchiez là, un beau combat, que l' idéal universaliste était désormais difficile à atteindre, miné qu'il est par le communautarisme, la concurrence mémorielle, par le révisionnisme historique instrumentalisé par des Faurisson mais aussi par des Dieudonné et Soral (alliance d'un "Blanc" et d'un "Noir" s'unissant pour le pis) ce qui finalement ne rend pas hommage aux victimes de l'esclavage, quels qu'ils fussent, quels qu'ils soient.
Fort heureusement, Le biologiste Jacques Testart (favorable à la tenue de l'expo) a remis les pendules à l'heure, précisant : «Cette comparaison [entre la Shoah et Exhibit B... et non entre la Shoah et la Traite des Noirs] est totalement fausse: il s'agit ici de montrer l'horreur, alors que "Mein Kempf" est un programme politique». Si l'esclavage fut aussi le fruit d'un programme économico-politique ségrégationniste, Exhibit B, tout aussi criticable quelle soit, ne rentre pas dans ce cadre.Tout ne se vaut pas.
Je crains fort qu'avec une telle vision compartimentée de l'humanisme, Bams et d'autres, se fourvoient, se trompent de combat, ne contribuent pas à la clarification de l'Histoire, qui nous est commune, que nous devons regarder en face et transmettre. Contrairement à ce qu'elle affirme, des milliers d'enseignants font ce travail, jour après jour. Les historiens aussi, une partie des politiques également.
Que Fleur Pellerin ministre de la Culture soutienne "Exhibit B" est dans le droit fil de ce qu'elle est. Et surtout de ce qu'elle défend, à savoir une sous-culture qui ne serait plus qu'un marché prometteur pour la filière numérique. Considérant que "la vieille culture" [celle des livres, du théâtre, du grand écran , des concerts in vivo, de l'art pictural honoré dans les musées, où le frisson du beau, le pouvoir de l'imaginaire transcendent tout un public à l'unisson ], cette vieille culture est has been selon la ministre, laquelle déclare sans scrupules qu'elle ne lit pas. On ne peut que se sentir affligé et lui conseiller la lecture de Victor Schoelcher, de Léopold Sédar Senghor, d'Aimé Césaire, mais aussi d'Edouard Glissant, d'Alexandre Dumas et de tant d'autres. La liste des ouvrages de référence abordant la question de l'esclavage est fournie. Il suffit, Madame la ministre, d'un simple clic sur votre Smartphone pour la trouver sur le site de la BNF...
(1) HOMMAGE A NELSON MANDELA
Voici un an, Le 5 décembre 2013, Madiba, le père de l'Afrique du Sud plongeait dans le deuil les Sud-africains, ainsi qu'une grande partie du monde. Une soirée-hommage lui est consacrée, demain lundi 1er décembre sur France Ô.
- 20h45 : film de Richard Attenborough Cry Freedom : le cri de la liberté (1987).
- 1h05 : portrait réalisé par Marianne Tavennec en 2012, Nelson Mandela, libre à tout prix ;
- 2h : documentaire australien, One man, Nelson Mandela : l'histoire non autorisée (2010)
- 2h55 : spectacle enregistré en 2012 à Saint-Quentin-en-Yvelines.