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Billet de blog 1 avril 2023

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"Paris 20e, Francophonie, Diversité" par Amadou Bal BA

Mairie du 20ème ardt de Paris : Francophonie, diversité, coopération et bien-vivre ensemble. La Francophonie ne peut fondée que sur le partage, une coopération mutuellement avantageuse. Le français est "un butin de guerre" pour les colonisés disait KATEB Yacine.

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«Mairie du 20ème ardt de Paris : Francophonie, diversité, coopération et bien-vivre ensemble»» par Amadou Bal BA -

Le 31 mars 2023, la Francophonie était à l'honneur à la mairie du XXème arrondissement de Paris, chez nos amis Éric PLIEZ, maire, Hamidou SAMAKE, adjoint à la maire de Paris, en présence de Mme George PAU-LANGEVIN, ancienne députée et ministre, vice-présidente de la Défenseure des droits, M. Arnaud NGATCHA et de M. Benjamin BOUTIN, président d’honneur de la Francophonie sans frontières, ainsi notre ami Foulo BASSE, ancien DGS de l’université d’Evry.

Il y avait eu à la Sorbonne cette rencontre autour des 20 ans de la disparition du président SENGHOR (voir mon article «Senghor, son héritage, 20 ans après», Médiapart du 21 octobre 2021) ; cette fois-ci c'est le 20ème arrondissement qui célèbre la Francophonie et 351 millions de locuteurs, symbole de la diversité, une civilisation universelle basée sur le respect des différentes cultures et de leurs particularités : «J'ai toujours rêvé de concilier francophonie et négritude. Ce rêve est maintenant une réalité» disait Léopold Sédar SENGHOR.

Tous les intervenants sont insisté sur la nécessité de faire vivre la Francophonie, dans la diversité, le multiculturalisme et l’échange entre les différents peuples. En effet, Léopold Sédar SENGHOR, président poète d'un «Grand petit pays, le Sénégal», académicien, membre fondateur de la Francophonie, avait chanté la Négritude, mais c'était aussi un citoyen de l'universel, convoquant «le rendez-vous du donner et du recevoir». Justement Paris, «capitale culturelle de l'Afrique», comme j'aime à le souligner, avec 116 nationalités vivant harmonieusement, représente le multiculturalisme, tant redouté par les forces du Chaos.

A l’origine, il semble que le mot «Francophonie» ait été inventé par Onésime RECLUS (1837-1916), un géographe né à Orthez ; ce terme désigne l’ensemble des populations parlant le français. La francophonie est indubitablement liée aux prétentions de l’Empire colonial, porteur de «civilisation» et de «liberté», avec son message prétendument universel, dans lequel la Nation française brandit le flambeau qui doit servir le monde par son exemple. «La Francité» est définie par le Grand Larousse, comme «l’ensemble des caractères propres à la civilisation française». Antoine de RIVAROL (1753-1801) est plus tranché dans son livre sur l’universalité de la langue française : «Sûre, sociale, raisonnable, ce n’est plus la langue française, c’est la langue humaine» écrit-il. Le français, parlé dans 19 pays africains, dont 11 c’est une langue officielle, représente un poids de 140 millions de personnes francophones, soit deux fois la population de la France métropolitaine. En raison, des refus massifs de visas aux étudiants africains par la France, cette population a tendance à s’orienter, désormais, vers les Etats-Unis, la Chine et le Canada : «Je me demande ce que dirait Rivarol s’il apprenait que c’est l’Afrique, qui n’avait à ses yeux aucune existence propre, qui pourrait bien sauver le français. J’ai l’impression que Rivarol accorderait sa faveur à cette nouvelle situation : tout bien pensé, il ne fut rien d’autre qu’un amoureux fou de la langue française, et ceux qui aiment ont toujours raison» écrit Dany LAFERRIERE, dans sa préface sur la nouvelle édition de 2014 de l’ouvrage d’Antoine de RIVAROL.

Par conséquent, il n’est pas donc étonnant qu’en raison de cette hiérarchisation des cultures de l’Empire colonial, que des revendications se font jour en Afrique, pour une promotion des langues nationales, et donc l’abandon du français, demeuré la langue officielle. Dans le passé, au Piémont, en Italie et en Turquie, en Russie et en Roumanie, sous des poussées nationalistes, le français, jadis langue universelle, a disparu dans ces pays. En Afrique, la Mauritanie et le Rwanda ont pris leur distance par rapport à la langue française. Le Sénégal, pays emblématique, par ses bonnes et anciennes relations avec la France, a privilégié, dans les médias et dans la sphère politique, l’usage du Ouolof. Cependant, Onésime RECLUS qui a voyagé en Afrique, voyait en la Francophonie, un «symbole et un résumé de la solidarité humaine du partage de la culture et de l’échange» écrit Xavier DENIAU. Un numéro spécial de la Revue Esprit, en 1962, fait renaître la Francophonie de ses cendres, sous l’impulsion Léopold Sédar SENGHOR (1906-2001) et Norodom SIHANOUK (1922-2012).

Pour ma part refusant toute assimilation paternaliste ; tout ce qui rabaisse et asservit, est à jeter dans les orties, sans ménagement. En effet,  la langue française est «un butin de guerre» au sens où l'entendait KATEB Yacine (voir mon article) un écrivain algérien. L'écrivain ivoirien Ahmadou KOUROUMA (voir mon article) a introduit dans ses romans de nombreux mots Malinké. Au Sénégal Ousmane Socé DIOP (voir mon article) et Abdoulaye SADJI ont introduit de nombreux mots Ouolof dans leurs romans de même que Cheikh Hamidou KANE a glissé dans écrits des termes Peuls. Il en résulte une créolisation de la langue française en Afrique. S'agissant de la diaspora africaine notamment SénéGauloise, c'est l'occasion comme l'avait fait Langston HUGHES (1901-1967, voir mon article), concernant les langues vernaculaires des afro-américains, d'enrichir la langue française.

Dans ce Code de l'indigénat ne disant pas son nom, de nombreux écrivains d'origine africaine sont qualifiés, à tort, de «francophones», uniquement en se fondant sur leurs origines ethniques, et non de «Français». C'est ainsi que Mongo BETI (voir mon article), Ahmadou KOUROUMA et Alain MABANCKOU sont des écrivains francophones, alors que Eugène IONESCO (1909-1994), un Roumain et Samuel BECKETT (Voir mon article), un Irlandais, sont des écrivains «français». Dans ce «contrat racial», pour reprendre le titre d’un ouvrage de Charles Wade MILLS, dans une démarche purement ségrégationniste, divers tests de français sont organisés, uniquement, à l’encontre des racisés, concernant le regroupement familial, les titres de séjour et la naturalisation. Ces tests sont si élevés que certains Gaulois de souche seraient recalés, ajournés. Naturellement, ces tests de français discriminants ne s’adressent ni aux Anglais sortis de l’Union européenne, ni aux Ukrainiens.

Pour ma part, la francophonie est une bonne occasion de passer du «contrat racial » que dénonce Charles Wade MILLS, au «contrat social», idéal que préconisait Jean-Jacques ROUSSEAU, mais resté jusqu’ici un «privilège de l’Homme Blanc» pour reprendre une expression Jean-Paul SARTRE (voir mon article). En la Francophonie ne devrait pas être un lieu de stigmatisation ou de calomnies à l’encontre des racisés, mais un remarquable espace de dialogue, de coopération, de solidarité, de partage, bref un bien-vivre ensemble, dans le respect de nos différences enrichissantes.

Aussi, depuis longtemps, je prêche dans le désert, mais je continuerai d’appeler à une Maison d’Afrique où dialoguent les cultures. Les mairies, maisons communes, peuvent ponctuellement prendre des initiatives culturelles et de solidarité. Ce fut le cas, quand la mairie du 19ème, sous l’égide de François DAGNAUD a organisé une journée du Sénégal, la maire du 6ème arrondissement en est à son deuxième festival du livre africain. Cependant, les questions du bien-vivre ensemble, en rapport avec la francophonie, notamment la lecture, sont des sujets permanents et un combat de longue haleine.

J'appelle, de longue date, pour l'avènement des études africaines dans les universités françaises afin d'explorer, dans une démarche apaisée et les multiculturaliste, les conditions pour l'avènement d'un bien-vivre ensemble dans le respect mutuel. Ces études ne peuvent être menées, essentiellement, que par les racisés. Jusqu’ici c’est d’autres qui s’expriment au nom des racisés. «Quand une chèvre est présente, il ne faut pas bêler à sa place» disait en substance, Amadou Hampâté BA (voir mon article).

Il faudrait surtout redonner goût à la lecture et faire exploser le mandarinat dans les universités françaises pour une promenade Dr cette génération montante de la diaspora africaine en France souvent qualifiés d'immigrés. Les universités américaines recrutent et ici les portes sont encore largement fermées. Il a fallu que Alain MABANCKOU aille aux Etats-Unis donne une leçon inaugurale au Collège de France pour que l'on se rende qu'il a du talent.

 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

BAZIE (Isaac), NAUDILLON (Françoise), Femmes en francophonie, écritures et lectures du féminin dans les littératures francophones, Québec, Mémoire d’Encrier, 2013, pages ;

BOURAOUI (Hédi), La Francophonie à l’estomac, Dakar-Fann, Ivry-sur-Seine, Editions les nouvelles du Sud, Silex, 2017, 102 pages ;

CANUT (Cécile), CAUBET (Dominique), Comment les langues se mélangent : Codeswitching en Francophonie, Paris, Harmattan, 1997, pages ;

CHAULET ACHOUR (Christiane), Les Francophonies littéraires, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 2016, 188 pages ;

DENIAU (Xavier), La Francophonie, Paris, P.U.F, Que sais-je ?, 1983, 127 pages ;

RIVAROL de (Antoine), De l’universalité de la langue française, présentation de Dany Laferrière, Paris, Flammarion, 2014, 144 pages ;

SCHOELL (Frank), La langue française, préface d’Albert d’Auzat, Paris, Bibliothèque du français moderne, 1936, 377 pages ;

THELIOL (Mylène), Léopold Sédar Senghor, de la Négritude à la francophonie, Paris, 50 Minutes, 2015, 70 pages ;

VIATTE (Auguste), La Francophonie, Paris, Larousse, 1969, 205 pages.

Paris, le 31 mars 2023, par Amadou Bal BA -

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