Le dernier Comité préparatoire du traité international sur le commerce des armes (TCA) s’est achevé vendredi 17 février. Non sans douleur. C’est au forceps que les États participants ont arraché un accord sur le règlement intérieur qui encadrera la tenue des discussions dans le cadre de la conférence diplomatique de juillet.
Les derniers jours du Comité ont vu l’activisme forcené du Mexique s’imposer afin qu’un règlement soit adopté en conformité avec leurs attentes. Leur idée est de contrer toute influence négative potentielle des États-Unis sur le processus de négociation. Le dernier jour des discussions, l’ambiance était électrique. En l’absence d’un accord, aucune session formelle n’a eu lieu avant 17h. Les négociations se sont achevées dans la cafétéria des Nations unies, les mexicains rédigeant sur un bout de table un texte de règlement qui aurait leur assentiment. L’ensemble des participants était littéralement suspendu aux lèvres du Mexique.
Il a été finalement décidé que la prise de décision lors de la conférence de juillet se ferait au consensus de bout en bout, de la rédaction du texte du traité à son adoption finale. Ce mécanisme assombrit un peu plus l’avenir alors qu’il y a urgence à sauver des vies en adoptant un traité international sur le commerce des armes ambitieux. Plusieurs bémols à ce bilan inquiétant. Tout d’abord, les questions de procédure sont réglées, ainsi la conférence diplomatique pourra commencer dès le 2 juillet et traiter du fond sans attendre. La conférence pourra s’appuyer sur une proposition de texte de traité (« non paper ») qui rassemble une grande partie des recommandations des ONG, dont celles relatives à la protection des droits humains et du droit international humanitaire, rédigé en juillet 2011. Enfin la présence des ONG est aussi confirmée tout au long de la rencontre.

Roberto García Moritán (au centre) préside le Comité préparatoire ©A. Elluin
Tout au long de cette semaine de négociations, les ONG se sont activement mobilisées. Près d’une centaine de représentants de la société civile du monde entier étaient présents à l’image de la délégation d’Amnesty International. Leur rôle : profiter de chaque instant pour faire du lobbying auprès des États participants afin de les sonder sur leur position et de les convaincre du bien fondé de nos recommandations. Les discussions se faisant dans la salle principale, dans les couloirs, à la cafétéria... Les ONG ont également été très présentes sur les relais sociaux, twittant en direct des discussions pour reporter en temps réel l’état des discussions, publiant vidéos et documents.
Amnesty International a également organisé le 14 février un événement parallèle entre deux sessions plénières pendant lequel Oscar Arias, ancien président du Costa Rica et Prix Nobel de la Paix, a rappelé avec émotion les conséquences meurtrières d’un commerce des armes dérégulé, fondement de notre action.
Cependant, à l’instar de la communauté internationale, les acteurs non étatiques ne constituent pas un front uni. Parmi les grands détracteurs d’un TCA, il y a la National Rifle Association des États-Unis. Et elle n’est pas la seule. Ainsi, quand certaines ONG soutiennent un traité incluant le plus grand nombre d'équipements militaires et de maintien de l'ordre, d'autres organisations cherchent au contraire à exclure certaines armes du champ du traité. Il en va ainsi de la World Forum on the Future of Sport Shooting Activities (WFSA).
Le mercredi 15 février les ONG avaient à leur tour droit à la parole devant les États participants. La WFSA, qui représente un million de chasseurs et tireurs sportifs ainsi que les fabricants d'armes et de munitions, a exhorté les États à exclure du traité les armes à feu civiles et leurs munitions. Or, les recherches d'Amnesty International ont montré que ces armes servent notamment dans les actes de répression comme en Égypte lors de la révolution (munitions de chasse, entre autres). Dans ce sens, le directeur de la coalition Contrôlez les Armes, Jeff Abramson, a remis en perspective l'enjeu du traité, dans son intervention, en s’appuyant sur le rapport d’Amnesty International : « Les transferts d'armes à destination du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. Enseignements en vue d'un traité efficace sur le commerce des armes ».
En définitive, la vigilance est de mise tout autant vers les États opposés à un traité (Russie, Chine, Pakistan, Syrie, Egypte, Iran…) que vis-à-vis des organisations comme la WFSA qui font du contre-lobbying.
L’ampleur de la tâche qui attend les ONG comme Amnesty International d’ici la rencontre de juillet reste conséquente pour protéger tous ceux qui souffrent de la violence armée. Comme l’a indiqué Susan Waltz de la section étasunienne d’Amnesty International : « Les diplomates engagés dans ce processus ont l’opportunité d'instaurer des principes contraignant le commerce d’engins meurtriers, tout en permettant aux États de pratiquer un commerce légitime et de satisfaire leurs besoins légitimes en termes de sécurité. C’est une opportunité et un défi. »
Par Aymeric Elluin, envoyé spécial d’Amnesty International France.