L’heure climatérique

Le numéro 4046 du bulletin de liaison des insomniaques, qui porte le titre un peu long de Le Point de la Révolution Surréaliste en ‘ Pataphysique, de juin 2023, est tombé sur ma table de cuisine.  Ses 345 pages in-8° hésitant entre le raisin et le jésus n’en comportent qu’une seule qui m’intéresse, proposant une grande Enquête, réduite à une seule question: « Quelle est pour vous l’Heure Climatérique? » et son auteur, qui signe Aristoteles Harmensz, s’en explique ainsi dans sa note 1 (il y en a 666 en microfilm): « l’heure de la nuit où vous vous sentez le mieux ». Précisons quand même que pour «être en droit » de recevoir LPDLRSE ´P à son domicile, il faut être insomniaque patenté par la Faculté, c’est mon cas, heureusement, puisque j’excipe de sept années de sommeil de seulement une heure par vingt-quatre heures. Il faut pâlir sur les morts, disaient les vieux Grecs, pour signifier qu’il est bon de perdre son temps penché sur les Textes; mais être mort soi-même est encore mieux. Bien. Voyons. Il y a le grand texte de Francis Scott Fitzgerald, The Crack-Up, la Fêlure, qui mentionne trois heures du matin comme l’heure épouvantable. Ici encore s’applique le conseil donné naguère par Henri Michaux: ne désespérez jamais, faites infuser davantage. Nous dirons donc que c’est quatre heures et demi du matin qui nous semble pouvoir prétendre au Label d’Origine Protégée «Heure Climatérique »: là, les choses commencent à s’éclairer, deux à trois heures avant que ne survienne le matin, soir de la nuit, comme dit Beckett. Nous nous permettrons simplement d’introduire une variante en rebaptisant heure réticulaire cette climatérique, pourquoi? tout d’abord en hommage au cerveau réticulaire, je ne sais ce que c’est, j’en profite; et puis parce que c’est à ce moment qu’on a une chance de ramener quelque chose dans son filet. En faisant quoi? En pêchant? En péchant? Non. En contemplant. Tout est contemplation. Plotin, Énnéade, III, 8 Péri Phuséos kai Theorias, je cite, inexactement, de réticulaire mémoire trouée, de la Nature, de l’Un, peut-être y a-t-il aussi l’Un, kai Hénos, et de la Contemplation. S’il n’y avait, me disait Gilles Deleuze, qu’un seul texte à retenir, de toute la philosophie, ce serait celui-là.