Deux paralytiques. Le premier, aujourd'hui, n'a personne pour l'aider. Le second, dans les synoptiques (surtout chez Marc, 2, 3-12 ; parallèles chez Matthieu 9, 1-8 et Luc 5, 17-26) a quatre porteurs à sa disposition. Le premier gît, perdu, au milieu d'une multitude d'autres infirmes ; le second est apporté juste sous les yeux de Jésus, en le faisant descendre à travers le toit de la pièce où il enseignait : difficile qu'il ne le remarque pas ! Le premier ne demande rien à Jésus, ne sait même pas qu'il est là, de passage ; le second a été amené volontairement, peut-être de loin, jusqu'à lui, et implicitement, espère tout...
À part que les deux sont paralytiques, on trouverait difficilement à les placer dans des situations plus antagonistes que celles-là ! Les synoptiques semblent nous donner comme leçon que Dieu, à travers Jésus, vient au secours surtout de ceux qui ont d'abord tout fait pour venir à lui ; alors que Jean semble nous dire que c'est Jésus qui décide, apparemment en tout arbitraire, de prendre une personne parmi beaucoup d'autres pour faire un exemple. D'un côté la juste récompense d'un dur labeur, de l'autre le loto !
Sauf que, quand même, si Jésus distingue ce paralytique parmi tous les infirmes, c'est parce qu'il comprend qu'il n'a aucune chance de jamais pouvoir entrer le premier dans la piscine. Ce n'est pas qu'il n'ait pas fait tout ce qu'il pouvait, c'est qu'il n'y a absolument rien qu'il puisse faire, et ce depuis trente-huit ans. Trente-huit années à être resté dans cette situation, à gamberger dans sa tête qu'est-ce qu'il pourrait bien faire pour en sortir ; trente-huit années à ne rien trouver, parce qu'il n'y a réellement rien qu'il puisse faire ; trente-huit années à désespérer, s'effondrer, déprimer, gémir, pleurer, jusqu'à ce que le stock de larmes s'épuise définitivement ; trente-huit années à juste survivre, quand même, jour après jour, sans aucun espoir que quoi que ce soit change un jour, jusqu'à ce que la mort mette enfin un terme à tout ça.
Arbitraire ?

Agrandissement : Illustration 1

Après cela, c'est une fête des Juifs,
et Jésus monte à Jérusalem.
Or il y a dans Jérusalem, près de la porte des brebis,
une piscine (dite en hébreu : Béthesda)
qui a cinq portiques.
Dans ceux-là gisaient une multitude d'infirmes,
aveugles, boiteux, desséchés.
[Car l'ange du Seigneur descendait par moment dans la piscine
et agitait l'eau ;
le premier alors à y entrer,
après que l'eau avait été agitée,
se trouvait guéri,
quel que fût son mal.]
Il y avait là un homme :
trente-huit ans qu'il était dans son infirmité !
Jésus le voit étendu.
Sachant qu'il y a déjà beaucoup de temps,
il lui dit :
« Veux-tu devenir sain ? »
L'infirme lui répond :
« Seigneur ! je n'ai pas d'homme pour,
quand l'eau bouillonne, me jeter dans la piscine.
Le temps que j'y vienne, moi, un autre avant moi descend ! »
Jésus lui dit :
« Dresse-toi ! Prends ton grabat et marche ! »
Aussitôt l'homme devient sain.
Il prend son grabat... Et il marchait !
C'était un sabbat ce jour-là.
Les Juifs disaient donc au guéri :
« C'est le sabbat !
Il ne t'est pas permis de porter ton grabat. »
Il leur répond :
« Celui qui m'a fait sain, celui-là m'a dit :
Prends ton grabat et marche ! »
Ils le questionnent :
« Qui est l'homme qui t'a dit :
Prends et marche ? »
Mais le rétabli ne sait pas qui c'est.
Car Jésus s'est dérobé :
il y avait foule en ce lieu.
Après cela Jésus le trouve dans le temple et lui dit :
« Vois, tu es devenu sain.
Ne pêche plus, qu'il ne t'arrive pire. »
L'homme s'en va et il annonce aux Juifs
que c'est Jésus qui l'a fait sain.
Aussi les Juifs poursuivaient Jésus
parce que ces choses-là, il les faisait un sabbat.
(Jean 5, 1-16)