Appelons "Dieu" la réalité ultime de cet univers, quelle qu'elle soit : matérielle ou spirituelle (mais de préférence les deux à la fois, comme le disaient il a un siècle, et Aurobindo pour la tradition orientale, et Teilhard de Chardin pour la tradition occidentale : l'esprit est la face interne, et la matière la face externe, d'une seule et même réalité), personnelle ou impersonnelle, etc.
Appelons maintenant "mystique" l'expérience directe que nous pouvons faire de cette réalité ultime. Une telle expérience, lorsqu'elle est finale, définitive, s'appelle selon les traditions : nirvana (extinction ?) chez les bouddhistes, moksha (délivrance ?) chez les hindous, royaume (béatitude ?) chez les chrétiens.
Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que lorsque nous faisons une telle expérience, elle ne nous donne en elle-même aucune explication de ce qu'est cette réalité, aucun message à transmettre à l'humanité. De telles compréhensions, de telles explications éventuelles, ne nous viennent qu'après, une fois que nous revenons de l'expérience et nous retrouvons aux prises avec notre réalité, disons, ordinaire.
Une telle situation est celle de tous les mystiques, et Jésus n'y a pas échappé. Prétendre qu'il n'aurait pas "appris les lettres" est sans doute excessif : Jésus connaissait certainement les Écritures, mais cette remarque voulait vraisemblablement traduire la surprise de ceux qui l'écoutaient devant l'originalité et la compréhension profonde que manifestaient ses propos, alors qu'il n'avait pas été élève d'aucun des rabbis prestigieux de la capitale.
Quant à la prétention à savoir d'où il était originaire, elle n'est évidemment pas du tout pertinente en l'occurrence. Peu importe que Jésus ne soit qu'un obscur Galiléen né dans le "trou du cul du monde". Peu importe que tel maître taoïste ait eu comme profession celle de balayeur municipal. Peu importe que nous ayons de l'instruction ou pas, de la culture ou pas, que nous soyons grand ou petit, riche ou pauvre, l'expérience mystique transcende évidemment tout cela.
Ce qui nous est difficile, c'est d'en rendre compte. Rendre compte dans des formes de ce qui n'en a pas. Rendre compte dans une culture donnée de ce qui est au-delà de toute culture. Rendre compte avec des mots de ce qui est indicible. Rendre compte dans une tradition religieuse, ou métaphysique, de ce qui les dépasse toutes. Gare aux quiproquos !
Mais ce qui nous console, au moins, c'est qu'en tout état de cause, nous ne craignons plus la mort, puisque nous sommes déjà passés au-delà...

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Après cela, Jésus circulait dans la Galilée,
car il ne voulait pas circuler dans la Judée :
les Juifs cherchaient à le tuer.
Or la fête des Juifs était proche, celle des Tentes.
Ses frères lui disent donc :
« Pars d'ici et va dans la Judée
pour que tes disciples aussi voient les œuvres que tu fais.
Car nul n'agit en secret
s'il cherche à être connu en public.
Si tu fais ces choses,
manifeste-toi au monde. »
Car même ses frères ne croyaient pas en lui.
Jésus donc leur dit :
« Mon temps à moi n'est pas encore là.
Votre temps à vous est toujours prêt.
Le monde ne peut vous haïr,
mais moi il me hait,
parce que je témoigne sur lui
que ses œuvres sont mauvaises.
Vous, montez à la fête.
Moi, je ne monte pas à cette fête :
mon temps n'est pas encore accompli. »
Ayant dit ces choses, il demeure dans la Galilée.
Mais quand ses frères sont montés à la fête
alors, lui aussi, il monte,
non au grand jour, mais comme en secret.
Les Juifs donc le cherchaient à la fête et disaient :
« Où est-il, celui-là ? »
Et il y avait force murmures sur lui
dans les foules.
Les uns disaient : « Il est bon. »
D'autres disaient : « Non, mais il égare la foule. »
Cependant nul ne parlait de lui en public,
par crainte des Juifs.
Déjà le milieu de la fête ; Jésus monte au temple.
Il enseignait.
Les Juifs donc s'étonnaient, ils disaient :
« Comment celui-là sait-il les lettres
sans avoir appris ? »
Jésus répond donc et leur dit :
« Mon enseignement n'est pas de moi,
mais de celui qui m'a donné mission.
Si quelqu'un veut faire sa volonté,
il connaîtra si l'enseignement est de Dieu,
ou si moi, c'est de moi-même que je parle.
Qui parle de lui-même cherche sa propre gloire.
Qui cherche la gloire de celui qui lui a donné mission,
celui-là est vrai,
et il n'y a pas en lui d'injustice.
N'est-ce pas Moïse qui vous a donné la loi ?
et nul parmi vous ne fait selon la loi !
Pourquoi cherchez-vous à me tuer ? »
La foule répond :
« Tu as un démon ! Qui cherche à te tuer ? »
Jésus répond et leur dit :
« Une seule œuvre que j'ai faite,
et tous vous en êtes étonnés !
Moïse vous a donné la circoncision,
– non qu'elle soit de Moïse, mais des pères –
et le sabbat vous circoncisez un homme.
Si un homme reçoit la circoncision un sabbat,
pour que la loi de Moïse ne soit pas enfreinte,
comment êtes-vous fielleux contre moi
parce que je fais sain un homme tout entier un sabbat ?
Ne jugez pas sur la face,
mais jugez d'un juste jugement. »
Certains donc de Jérusalem disaient :
« N'est-ce pas lui qu'ils cherchent à tuer ?
Et voici qu'il parle en public,
et ils ne lui disent rien !
– Si pourtant les chefs avaient connu pour de vrai
que c'est lui le Messie ? –
Mais celui-ci nous savons d'où il est,
tandis que le Messie, quand il viendra,
personne ne connaîtra d'où il est. »
Jésus donc qui enseigne dans le temple crie en disant :
« Vous savez qui je suis
et vous savez d'où je suis ?
Or je ne suis pas venu de moi-même,
mais celui qui m'a donné mission est véritable,
et vous ne savez pas qui il est.
Moi, je sais qui il est,
parce que je suis d'auprès de lui,
et c'est lui qui m'a envoyé. »
Ils cherchaient donc à l'arrêter,
mais personne ne jette la main sur lui :
son heure n'est pas encore venue.
(Jean 7, 1-30)