Quand vous ouvrez les yeux, vous ne pouvez plus les fermer
La conscience, en ultime combat, plus définitive que la souffrance endurée,
La conscience, face à l’insultant et mortifère mépris du déni délibéré ?
Ou alors… Si les yeux se ferment, c’est que la mort, plus forte que la vie, les aura ravis.
Oui, je sais, la petite fille aux allumettes….Oui, je sais.
Eux le savent, les sans nom, les yeux ouverts, les yeux grand ouverts, sur l’impitoyable misère
Que Les mirages, les beaux mirages ne sont que poésie, cruelle et humaine poésie
Les yeux ouverts, les yeux ouverts face aux injustices, en toute justice, foudroyante, expéditive
Les yeux ouverts, les yeux ouverts face aux violences policières, aux indicibles haines, d’une omerta protégée, calculée
Face aux injustes traitements des humains, les pauvres, les très pauvres, les invisibles, les oubliés,
Ceux que l’on ne compte plus… Ils ne sont plus comptés, ils ne comptent plus, ils sont noyés
La misère, le froid, la faim, la violence de rue, des abris périlleux, les viols, les humiliations
Font désordre, vraiment, inquiètent, pervertissent l’image, -o combien vendable- des cités idéalisées
Devant les nantis, les puissants, les arrogants, les faiseurs de discours, de honteuse manipulation,
De ces misérables, façon Hugo, n’ont que faire ?
Sacrilège des mémoires du passé, trépassées
Si, l’on peut, d’une formule, grossièrement expédiée, en cynique provocation assénée,
Les mépriser, n’en faire que de piteux objets d’oubli, de distractions, d’inutiles et honteux délaissés
L’on pourra convaincre, en légitime action, le nettoyage, inhumain, des trottoirs, des porches,
Des boulevards, des bouches de métros, des sous-ponts, des sous pentes, enfin désaffectés, désinfectés …
Les yeux fermés pourront s’entrouvrir sans se blesser, pourront s’extasier d’une propreté retrouvée
Les yeux ouverts, sur d’autres réalités, les plus sincères, les plus colères, les plus délétères
N’auront, dès lors, que les larmes et les cris pour affronter les dénis et les hourras de tous ces nantis apaisés
Les yeux ouverts, sans ciller, sans orgueil à ménager, pour affronter l’innommable réalité,
Les yeux fermés, les yeux aveugles, les yeux gourmands, les yeux voyeurs, les yeux menteurs
Comment peuvent-ils encore, à l’ombre des paupières, lourdement plissées,
S’inventer un monde de faveurs, de couleurs, de bonheur, de ferveur, de fastueux honneurs
Comment peuvent-ils encore, à l’ombre de leur noirceur, de leur esprit menteur,
S’inventer un monde, en parfaite harmonie, au comble de leur insondable ennui
C’est que derrière leur fenêtre, en ombrelles d’illusions perverties,
Le monde, sous leurs yeux d’un vitrage du déni assombri
Ne leur laissera qu’une pauvre, pauvre et lamentable ineptie
Les yeux à semi-ouverts sur une improbable illusion consentie
Les yeux ouverts sur une impressionnante gabegie
Les yeux fermés sur les impardonnables carnages et oublis
Les yeux ouverts, les yeux fermés
En nombre, de ce monde en impensable vertige, qui va l’emporter ?
Conscience, Ô conscience et puis oubli.