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Billet de blog 9 février 2012

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Liberté d’expression oblige, l’Allemagne condamnée à Strasbourg

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Mardi matin, la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a rendu deux arrêts dans des affairesintroduites en 2008 contre l’Allemagne. Dans la première, le requérant était le groupe de presse Axel Springer AG: l’arrêt condamne l’Etat allemand pour violation de l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme concernant la liberté d’expression.

La deuxième faisait suite à une plainte de la princesse Carolinede Monaco et de son époux, le prince August von Hannover. Les juridictions allemandes n’avaient pas satisfait, à leurs yeux, à leurs requêtes successives de condamnation decertains médias pour non respect de la vie privée et familiale: la Cour de Strasbourg a conclu que dans  les articles et photos incriminés,  l’article 8 consacré à cette question, n’avait pas été violé et que le litige n’avait dès lors pas de fondement.

Deux faits divers assez banals qui ont cependant été suivis avec un grand intérêt par les médias allemands.

Une réforme de la Cour de Strasbourg vigoureusement réclamée

Dans le premier cas, un comédien de second ordrede série policière, s‘était dressé contrele «Bild» qui avait publié ses déboires avec la justice pour détention de stupéfiants. Condamné, il avait reconnu les charges retenues contre lui mais estimait que la mise sur la place publique nuisait à sa carrière. Il demandait doncla «condamnation» des articles et avait obtenu satisfaction de la première instancejusqu’à l’ultime. Condition requise pour ester à Strasbourg.

Certes, il y avait  là une atteinte à la liberté d’expression donc de la presse, ce que la Cour  a pris en compte. Dont acte !

Dans le second cas, il s’agit de problèmes récurrents touchant à la vie des stars surmédiatisées  qui, tour à tour, se réjouissent d’être connues et reconnues puis rejettent les aspects plus délicats de leur vie privée livrée au même public. Vieille histoire qui n’a pas trompé les magistrats ! Les princes ont été déboutés. Liberté de la presse sauve encore là !

L’Allemagne ne gagne donc pas sur tous les plans mais la CEDH y perd en crédibilité en laissant la porte ouverte aux abus ou au mauvais usage.

Les Britanniques, par la voix de David Cameron, demandent instamment une réforme de la Cour, notamment en ce qui concerne le seuil de recevabilité ou de «déclenchement» des requêtes.

Que les journaux allemands, surtout les tabloïds, de la presse Springer et les très médiatiques princes de contesoient pris en compte par la Grande Chambre (17 juges) peut choquer, quand il s’agit de litiges dérisoires alors que les dossiers sérieux et urgents s’accumulent

En France, pas de recours excessifs

Le bilan est éloquent. Quelques chiffres pour 2011 :

-     151 000 affaires pendantes au 1/1/2012 dont 26% pour la seule Russie.

-      En 10 ans on est passé de13 800 (en 2001) à  64 500 requêtes attribuées à une formation judiciaire de la Cour (juge unique, une chambre  ou  un comité)

-     Plus de 40 % des arrêts ont été rendus contre 4 Etats sur 47 (Turquie, Russie, Ukraine, Grèce).

-    1/3 des arrêts sont rendus pour violation de l’article 6 (droit à un procès équitable) et 15 %  pour l’article 3 ( interdiction de la torture et  de traitements inhumains et dégradants)…

 On  peut voir plus loin en consultant le bilan que  les affaires qui ont occupé la Grande Chambre (ci-dessus) sont à placer dans la rubrique « autres violations ( 4%) ».

Ainsi l’Etat allemand a été condamné à verser au pauvre groupe de presse Axel Springer (180 journaux et magazines) 50 000  EUR pour dommage matériel, frais et dépens et, de leur côté, les « Excellences » se sont déjà bien remises.

Et pendant ce temps là… des justiciables désespérés attendent, comme cet apatride (photo), sans domicile fixe, qui a dressé sa tente, en face de la Cour de Strasbourg, au bord de l’Ill par 10°  au-dessous de zéro. Sa requêteest toute récente puisqu’elle date de 2010 (N°14009/10) donc vraisemblablement du premier quart de l’année. Il réclame avec un humour tragique, une place sur la lune mais sa lanterne (une bougie) ne le réchauffe pas. C’était plus facile jadis, pour Diogène dans le climat grec, plus clément.

Les solutions globales pour la CEDH? Elles sont sûrement, en tout cas partiellement, dans un meilleur fonctionnement et une harmonisation des juridictions nationales pour dissuader les justiciables (potentiellement 800 millions d’Européens) d’y recourir pour des peccadilles ou des préjudices dérisoires. A moins qu’il ne s’agisse de questions de principe comme dans le cas «Springer». En effet, la liberté de la presse ne se divise pas.

Antoine Spohr.

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