Les technocrates obtus de la droite antisociale, comme les chantres éclairés de la social démocratie, n'ont pas encore compris le message de la rue. Ces élites pensantes, quoiqu'elles disent, quoi qu'elles prédisent, sur l'avenir catastrophique des pensions "si on ne fait rien aujourd'hui", campent sur des postures de déni :
arc-boutées sur les principes basiques de la conservation de leur statut et avantages y afférents, qui forment le noyau dur de leur sentiment d'exister, leurs intelligences, pourtant bien développées, se heurtent à l'horizon indépassable de ce qui ne doit surtout pas changer.
La férocité cynique des propositions des premiers comme la compassion condescendante des propositions des seconds, concernant l'avenir des retraites, n'ont pour résultat que de faire monter la colère. Et la colère fait descendre le peuple dans la rue.
Le peuple, c'est vous, c'est nous ( "ceux qu'on ne voit pas" dirait hêtre, cet arbre énervant à la sensibilité à fleur de feuille ;-) )
C'est nous, les obscurs, les sans grade, ceux qui ne sont ni spécialistes, ni économistes, ceux qu'on n'invite pas sur les plateaux télé, ceux qu'on n'interviewera pas dans la rue, sauf pour leur faire dire des banalités à propos d'un fait divers : d'ailleurs le peuple de la rue, quand il commence à exister par la petite lucarne, est laid et pour cause : on le filme de préférence façon micro-trottoir, pas maquillé, pas apprêté, ce qui rend très mal à la télé et pour parfaire l'image, on lui colle la focale à 20cm centimètres pour lui faire un gros nez.
Le peuple en a donc marre de voir les élites qui ont voix au chapître, sapés et attifés comme des Milords devant la caméra, mis en pages centrales dans Le journal de référence ( ou de révérence ? ), leur ressasser en boucle des arguments qui s'appuient sur leur une vision volontairement tronquée du monde. Tout le monde sait que derrière la loi du marché, il y a les vautours, les charognards et les grands prédateurs. Tout le monde, sauf, apparemment, l'"élite" pensante, les politiques et les décideurs. Les Attali, les Minc, et autres conseillers chenus soi-disant bourrés de compétences, à force de faire les ânes, vont avoir du son :
Le peuple obscur descend donc dans la rue, manifester en premier lieu son refus d'une réforme bâclée, dont il est le bouc émissaire.
En second lieu, il manifeste son dégoût de l'existence que depuis trente ans, ces dirigeants, ces décideurs, ces conseillers, ces élites bien ou mal pensantes, entendent lui faire mener.
Le slogan : "On n'en veut pas, de cette société là " a battu régulièrement le pavé depuis l'automne 2007 : on aurait tort de l'oublier.
C'était avant que l' annonce brutale de la réforme des retraites ne devienne la mèche qui n'attend plus qu'une allumette, c'est toujours d'actualité.
Tout en manifestant son dégoût pour cette vie imposée d'en haut, on découvre, au fil des manifestations, que nous le peuple de l'ombre, nous, la rue, face au monde, on se met enfin à exister : "On" ne peut plus nous cacher aux infos, même si "on" se dépêche le lendemain de passer à autre chose : Un chien mordeur de nourrisson, un crime crapuleux ou un accident sanglant, pour faire bien gore. Consigne, ou suggestion de l'Elysée ?
Les chiffres annoncés en baisse (quel que soit le mode de calcul ) cherchent à nous désespérer.
Pour la troisième fois consécutive, le ministère de l'intérieur s'est dépêché de fournir un chiffre à la mi journée, inférieur à la manif précédente, et pour cause : plusieurs cortèges des grandes villes comme la mienne partent l'après-midi le samedi, et le matin en semaine.
Mais le désespoir n'atteint pas les cortèges, ce n'est plus possible :
Hier, j'ai vu des hommes et des femmes inconnus, bourrés de talents et de compétences, bouillonnants de vie et d'énergie, prendre le goût à l'existence . J'ai vu des gens qu'on ne voit jamais, et bon sang, qu'ils étaient beaux, dans leur légitimité, leur dignité, à travers la parole retrouvée !
C'est plus qu'un combat pour le droit à la retraite, face à la Sarkozie, c'est un combat pour la VIE
Les gens ont redécouvert le bonheur d'exister, comment voudriez qu'ils lâchent maintenant la bataille ?
Surtout si le pouvoir, et les medias complices continuent à les snober. Quand on a goûté à l'existence, la vraie, on ne retourne pas comme ça, mourir à petit feu devant un écran plat .