Il finissait sa journée de travail, à Sarrola-Carcopino, quand les balles l’ont fauché. Pierre Alessandri, 55 ans, secrétaire général de Via Campagnola la Confédération Paysanne en Corse, est tombé lundi 17 mars sous les tirs d’un ou plusieurs inconnus. Une exécution en règle, à quelques kilomètres d’Ajaccio, à l’heure où le soleil se couche, où les ombres s’étirent.
Le crime n’a rien du fait divers. C’est un message. Quelques jours, plus tôt, 1 500 personnes défilaient dans les rues d’Ajaccio pour dénoncer la mainmise du crime organisé sur l’île. Une foule inhabituelle, des élus sur place, un préfet qui s’exprime : la secousse était réelle. Et voilà qu’un paysan, mais pas n’importe lequel, tombe sous les balles.
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Un homme à abattre ?
Militant infatigable, Alessandri n’avait pas que des amis. Porte-voix des agriculteurs corses depuis plus de 20 ans, il avait mené bataille contre la spéculation foncière, dénoncé les détournements de subventions européennes, secoué des dossiers poussiéreux aux effluves douteux.
En 2019, on avait déjà essayé de le faire taire : un incendie criminel avait ravagé son hangar de stockage. Il s’était relevé. Jusqu’à ce lundi soir.
Dans un communiqué, Anticor ne mâche pas ses mots : cet assassinat s’inscrit dans "un climat de pratiques mafieuses et corruptrices qui gangrènent le territoire corse". La Confédération Paysanne, elle, exige "des mesures fortes pour que plus aucun militant ne soit pris pour cible".
L’enquête, confiée au parquet d’Ajaccio, promet d’être scrutée de près. "Des actes préparatoires ont manifestement eu lieu", admet déjà le procureur Nicolas Septe. Traduction : ce meurtre n’a rien d’un coup de sang, il a été pensé, organisé, exécuté.
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Mardi, au lendemain du drame, la Madunnuccia, grande fête religieuse d’Ajaccio, a pris un tour particulier. Dans la foule plus dense que d’habitude, le deuil et la colère se mêlaient aux prières. Car Pierre Alessandri n’est pas le premier à tomber. Depuis 2023, l’île a déjà enregistré 33 homicides, dont quatre depuis janvier.
Reste une question, lancinante comme le vent sur le maquis : combien d’autres avant que le silence ne craque ?