Boka Haram
Rapport succinct d’expertise de la vidéo des sept otages français
Analyse du discours :
Quant au fond :
-Le nom du groupe que l’on fait prononcer en arabe à l’otage français et qui apparaît dans le discours de l’islamiste : « les gens de la sunna pour la prédication et le Jihad », est précédé du terme « Jamaa »qui signifie groupe avec la précision qu’il s’agit bien de Boko Haram.
-Le nom du groupe en arabe est conforme à ce que nous savons de la littérature arabe de Boko Haram.
-Ce groupe se proclame donc du Nigéria, y prône le Jihad et revendique la prise d’otages
Il est en fait trois messages à trois présidents :
-Le message au Président français :
Il est l’ennemi de l’Islam, ils l’ont combattu et le combattront partout, reprenant un terme consacré employé par les sunnites mais très cher aux chiites « la défense des opprimés ».
-Le message au Président du Nigeria, seul président nommé (par son nom), annonce la victoire imminente du groupe, l’établissement d’un état islamique, exige la relaxe des femmes détenues, et le déclare mécréant et excommunié, comme les Français.
-Le message au Président du Cameroun : le menace d’enlèvement comme les otages, s’il ne libère pas les prisonniers.
Message des messages en guise de conclusion :
Les otages seront égorgés et non exécutés, fidélité à une certaine tradition, takfiniste mais les exigences sont très générales pour que le locuteur soit crédible.
Quant à la forme :
-L’arabe est d’un niveau simple et loin de l’arabe fleuri et châtié des grands prédicateurs des groupes jihadistes, bien qu’émaillé de formules clichés.
-Les transitions s’articulent mal avec la répétition de « nos objectifs », toutefois malgré la syntaxe d’un arabe de cuisine, l’ensemble demeure clair et sans aucune ambiguïté.
-On relève des emplois pas très arabes, si l’on se réfère à l’arabe standard, par exemple pour expliquer la guerre contre l’islam ou « garder en prison » qui est traduit mot à mot d’une langue étrangère ou qui est une interférence du dialecte du locuteur.
-On compte sept fautes de grammaire élémentaires concernant l’accord du nombre, le cas du pluriel régulier, les déclinaisons, confusion entre cas sujet et cas direct.
-Le locuteur sait lire, mais il ignore la grammaire et n’est sans doute pas lettré ni locuteur natif de l’arabe.
-La facture rhétorique et stylistique demeure médiocre et contredit le ton emphatique solennel de l’orateur et la mimique menaçante de même que la gestuelle.
-L’omission des compagnons dans la formule cultuelle au début relève peut-être du trac de l’orateur.
Conclusion générale :
Il s’agit sans doute d’un petit groupe isolé, loin de la Centrale Boko Haram.
Cela pourrait être un appel pour communiquer avec les hauts responsables du groupe, un appel à la mobilisation et à l’aide des autres petits groupes au Nigeria et dans les pays voisins.
La vidéo est adressée donc à plusieurs destinataires, les destinataires « dits » et les destinataires « non-dits » d’où le danger qui plane sur toute la zone.
Cela peut être un message un peu codé, une sorte d’appel au secours.
Enfin, les exigences maximalistes et très générales ôtent au discours tout caractère de crédibilité et de pragmatisme.
N.B : Pour ne pas porter préjudice aux otages, plusieurs éléments de l’expertise au niveau sémiotique ont été occultés.