Les femmes d'Alep ont deux sortes de youyous, les tragiques "walawil" et les hilariques "zalaghit".
Aujourd'hui, elles s’en servent comme armes contre les djihadistes armés par l'Otan qui partent à l'assaut des quartiers qui entourent la citadelle millénaire, elles s'en servent comme sonnette d’alarme , comme SOS.
Dès qu'une femme aperçoit un barbu de « l’armée syrienne de libération » que les Alépins appellent l'armée qui fuit , elle pousse des youyous tragiques, immédiatement relayée par tous les gosiers de la gent féminine du quartier, des grand- mères aux petites filles.Les portes se referment rapidement sous le nez des assaillants, les enfants se dépêchent de regagner les jupes de leurs mères.
Des bruits courent qu'il y a eu des viols d'enfants et rapts de jeunes filles dans la pure tradition des caïds… En l’espace de quelques minutes, les ruelles et impasses du quartier retentissent des voix stridentes qui s'ajoutent au bourdonnement sourd et lointain des chasseurs bombardiers et aux explosions de la périphérie.
Différentes unités spéciales y accourent, alertées par les « walawil » des femmes, et les barbus de battre en retraite, poursuivis par les commandos de l'armée loyaliste.
Avant de recourir à ce système d'alerte, les barbus pénétraient dans les maisons, terrorisaient la population et se dépêchaient d'installer sur le toit des immeubles conquis, quelques snipers plantant le drapeau noir de la guerre sainte.
Les Alépines affirment que leurs youyous sont parfois plus efficaces que le sifflement des balles ou au moins autant.
Cette vieille ville classée par l'Unesco patrimoine de l'humanité, avec ses cris de détresse, n'est pas sans rappeler l'atmosphère tragique de Médée, film de Pasolini tourné en partie dans sa citadelle en 1969, dans lequel Maria Calas pour une fois ne chantait pas, mais hurlait un youyou de la nuit des temps.
La vieille ville et sa citadelle se souviennent sans doute de ces « walawil » lors des deux invasions de Mongols qui venaient de l'Est mais cette fois ci les Mongols destructeurs déferlent de l'Ouest avec la bénédiction de l'Occident chrétien.