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Billet de blog 3 mars 2011

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Réforme ISF: un mauvais choix économique, politique et sociétal pour l'avenir

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La fiscalité peut favoriser un fonctionnement économique plutôt qu’un autre. La ponction fiscale est nécessaire pour assurer, à l’Etat, son fonctionnement régalien, l’exécution des mandats de services publics (plus ou moins étendus en fonction de la politique choisie) et lui permettre d’apporter une stabilité économique et financière pour les agents économiques (équilibre entre l’endettement, le déficit budgétaire et la pression fiscale).La suppression du boulier fiscal et l’aménagement (suppression) de l’ISF concomitant tout en maintenant la fiscalité sur la transmission du patrimoine constituent un message fort pour les formes de patrimoine et les valeurs économiques que la France souhaite promouvoir. A l’inverse des années 80, où le patrimoine était d’abord industriel, celui-ci s’est tourné, avec l’arrivée des héritiers des fortunes industrielles, vers un patrimoine financier.Le lien patrimoine, investissement, croissance, emploi s’est délié puisque le patrimoine s’est tourné vers les fonds d’investissement (holdings d’investissement « family office », gestion alternative, gestion financière de tout type etc.) qui intermédient entre les ressources financières (avoirs des familles fortunées) et les utilisations (capitaux et financement des sociétés sous toutes ces formes).L’intermédiation financière a permis de diffuser plus globalement les financements issus de cette catégorie d’investisseur. Simultanément, la diffusion des financements a dilué l’utilisation des avoirs dans le tissu industriel local. Les héritiers des familles industrielles se sont portés vers l’unique recherche de rendement financier, au prix de délocalisation et de financement de pays dictatoriaux, au lieu d’y associer l’intérêt général.A titre d’exemple, la construction d’un empire industriel, comme celui de L’Oréal ou Peugeot, permet de générer un intérêt financier (recherche de rendement) tout en accompagnant l’économie du pays, dans lequel il s’installe, à travers la création d’emploi (direct ou indirecte à travers les fournisseurs), la répartition des richesses et l’amélioration des conditions de vie de toutes les catégories socioprofessionnelles etc.Le fordisme a bien expliqué ce lien entre les conditions financières des salariés (futurs consommateurs) et la demande pour les produits manufacturés. Mais la financiarisation de l’économie, a poussé vers la stagnation des salaires et le remplacement du financement de la consommation du salaire vers la dette. Les patrimoines financiers sont doublement gagnants : ils bénéficient d’une rentabilité des sociétés industrielles, dans lesquels ils investissent indirectement, plus importante puisque le coût salarial est sous pression, d’une part, et augmente les sources de diversification de leurs avoirs, en prêtant aux salariés – consommateurs, de l’autre.Le choix politique de notre gouvernement de privilégier le patrimoine financier (ou les héritiers des fortunes industriels) au détriment de l’endettement ou la création de taxes subies par la globalité de la population est doublement néfaste : d’abord, il pousse vers une financiarisation de plus en plus importante de notre économie (l’avantage fiscal donné aux patrimoines industrielles s’effrite), ensuite, il réduit l’aspiration des nouvelles générations pour s’enrichir grâce à partir du travail. Les deux effets poussent vers plus de délocalisation, plus de pression sur les conditions salariales et une plus forte paupérisation des plus faibles et un accroissement de la richesse des patrimoines les plus élevés.Selon l’Insee, entre 1997 et 2003 (le chiffre s’est détérioré entre temps) le rapport entre le patrimoine des 10% les plus « aisés » et les 10% les moins « aisés », s’est accru de 31% ! L’inégalité est d’autant plus forte que celle-ci ne se résume par uniquement aux écarts de patrimoine elle se retrouve aussi dans les écarts de niveaux de vie, d’accès à l’éducation, d’accès à l’enseignement supérieur etc.La réforme de l’ISF constitue un accompagnement des évolutions de nos sociétés contemporaines, qui privilégient l’enrichissement rapide et le loisir au détriment du travail et de l’effort. Il suffit de scruter les médias pour prendre conscience de la place donnée par notre société à l’industrie du divertissement (aux stars de cinéma, footballeurs et aux spéculateurs). Les programmes TV, tels que la téléréalité, les jeux concours etc. se sont transformés en 15-20 ans de programmes éducatifs et culturels en des programmes de « voyeurismes » où chacun essaie de capturer l’attention pour obtenir une célébrité d’un instant aussi éphémère soit elle.Cette forme de recherche de célébrité peut être aussi retrouvée à travers les réseaux sociaux, YouTube etc. où chacun se donne en spectacle pour attirer l’attention. L’expression (artistique) s’est individualisée à l’extrême (comme le présidait Andy Warhol).Malgré l’effort que constituent ces expressions artistiques, spéculatives, ou sportives, la différence de traitement entre les footballeurs (ou les golfeurs), d’un coté, et les autres sports de l’autre, montre qu’il existe une déconnexion entre effort et la récompense. L’utilité des métiers (médecin, ingénieurs, chercheurs) est moins valorisé que le rêve véhiculé (paillètes, célébrité, frivolité etc.).La réforme fiscale constitue un double langage de la part de la majorité de notre pays. D’un coté, celle-ci nous explique la nécessité du retour aux valeurs fondamentales (voir d’aller vers le repli sur soi à travers des débats comme celui sur la place des religions), de l’autre, elle agit pour tourner le dos au travail et à l’effort en privilégiant la spéculation, le divertissement et « l’argent facile ».Il s’agit d’une énième incohérence de la politique menée actuellement en France et qui se retrouve d’ailleurs dans d’autres pays industriels (Europe et US en premier lieu). Pendant, que les valeurs des pays industrialisés se tournent vers l’industrie de la distraction et du divertissement, les pays émergents se concentrent sur la recherche, le savoir et l’innovation. Les pays émergents essaient de récupérer le retard accumulé sur les sciences et le développement. Nous pouvons, à titre d’exemple, noter la proportion croissante dans les universités et dans les centres de recherche d’étudiants étrangers issus des pays émergents (Chine, Inde, Pakistan etc.).Il est grand temps que le monde industrialisé, arrête de faire la fête, et qu’il se remette au travail. Il est grand temps de soutenir les forces vives et de reporter l’attention de la nation, vers ceux qui travaillent, créent et font avancer la recherche, au lieu de privilégier ceux qui profitent de la chance d’une naissance. Il est grand temps de rétablir la valorisation des métiers en fonction de leurs utilités pour la société.Le rôle de l’Etat est d’assurer l’équilibre et l’équité. Nous en avons pris l’engagement en gravant le mot « fraternité » sur le fronton de nos mairies. Il est nécessaire de rétablir cette équité et la justice sociale pour faire face aux enjeux et aux risques auxquels nous faisons face.Amitié et fraternité chers lecteurs.

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