Moody’s a décidé d’abaisser de nouveau la dette de la Grèce. Cette fois la baisse de notation a été de trois crans. L’agence de notation justifie son action par ses projections de réduction de déficit budgétaire moins importantes que celles exigées par le plan de sauvetage FMI-Euroland et par la difficulté qu’aurait la Grèce à faire des économies pour atteindre les exigences de son pan de sauvetage.Cette critique est auto-réalisatrice. Un abaissement de notation, aussi important, se traduit par la hausse du coût d’endettement de la Grèce ce qui vient grever encore plus les finances publiques. La hausse des intérêts payés pour la dette exige alors des efforts supplémentaires pour assainir les comptes publics, ce qui induit une spirale dépressive sans fin. La situation de la Grèce n’est qu’un avant goût de l’avenir des autres pays membres de la zone Euro, si aucune action n’est entreprise.L’Espagne et le Portugal sont d’ores et déjà dans l’œil du cyclone. Les marchés financiers parient sur une nouvelle dégradation des comptes publics et exigent des rémunérations de plus en plus élevées pour le refinancement de la dette. L’exigence de rémunération plus importante participe à la dégradation du déficit public et justifie la dégradation ex-post. Face à ces dégradations, les agences de notation dégradent les notations de solvabilité financière et justifient ainsi les paris initiaux.De plus, la hausse récente des prix des matières premières (notamment le pétrole et les produits agricoles) et les conséquences inflationnistes qu’elle aura sur les économies eurolandaises exigeront une politique schizophrène : soutient de l’économie et du marché de l’emploi, d’un coté, et plans de rigueur pour rééquilibrer les comptes publics, de l’autre.Les difficultés prospectives de l’Espagne et du Portugal pourraient se généraliser à l’Italie, la France voir l’Allemagne si aucune politique Eurolandaise ou mondiale n’est mise en œuvre pour faire face à l’éclatement de la bulle obligataire.A la suite de la crise 2008, les Etats se sont endettés fortement profitant des conditions « accommodantes » offertes par les marchés financiers. Les investisseurs qui recherchaient à se défaire des actifs « à risque », se sont tournés après la crise de 2008 vers les Etats dans un mécanisme appelé « Flight to Quality ». Ce mécanisme pousse les investisseurs à détenir de plus en plus d’obligations souveraines et participent par un mouvement moutonnier à réduire le coût de la dette. Les Etats qui devaient gérer le risque systémique, lié à la déroute du système bancaire, en injectant des liquidités dans les marchés, se sont endettés et ont recyclé cet endettement dans les secteurs privés (à travers l’apport de liquidité aux institutions financières, programmes de rachat d’actifs toxiques, ou programme de soutient à des secteurs économiques tels que l’automobile ou l’immobilier).Une bulle spéculative s’est, dès lors, constituée. Le taux d’intérêt exigé par les investisseurs aux différents Etat était déconnecté par rapport aux risques et la situation économique des émetteurs étatiques. La contagion des risques entre les Etats et les Institutions financières a fragilisé la solvabilité des Etats. L’Etat est devenu un émetteur privé comme les autres. La fragilisation de la solvabilité des Etats s’est alors traduite par une aliénation plus forte de ceux-ci vis-à-vis des marchés financiers. La perception des marchés devient de plus en plus prépondérante. Une hausse du taux de rendement exigée se traduit très vite par une crise de refinancement. Cette traduction est aggravée par la nervosité exacerbée des marchés financiers (conscients de la bulle spéculative actuelle et du risque de son éclatement à tout moment).Les réformes en cours, qui tendent à réduire la présence de l’Etat en libéralisant au maximum les missions d’intérêt général, sont la conséquence de cette aliénation. Les dirigeants politiques conscients que la survie du financement de leur économie passe par le maintien de la notation financière (i.e. la perception du risque de défaut) la plus élevée (i.e. le plus faible), mettent en œuvre des politiques libérales pour réduire les déficits budgétaires dans une logique comptable (augmentation de l’âge du départ en retraite, réduction du périmètre du remboursement des médicaments, etc.).Cette aliénation constitue un risque politique très fort. Il est à parier que les citoyens eurolandais (et la Grèce est un exemple avant coureur) refuseront de payer pour les erreurs du passé et subir les plans de rigueur. La phase euphorique, où l’endettement était peu cher, ne leur a pas été profitable. En effet, la majorité a subit les ajustements de coûts, la délocalisation, la paupérisation et le chômage etc. lorsque une minorité d’initié a pu s’enrichir (et augmenter l’indice de GINI, des inégalités). Il est fort à parier que cette majorité ne souhaitera pas rembourser une dette qui ne lui a pas profité.Les marchés financiers et le FMI sont de plus en plus décriés, puisqu’ils n’ont pas offert le rêve de croissance, d’enrichissement et de pouvoir d’achats à la majorité comme ils l’avaient promis lors de la mise en place du système libéral. Les politiques, qui ont accompagné le système libéral de marché, sont décrédibilisés.Les citoyens se tournent alors, dès que l’opportunité de s’exprimer se présente, vers des parties politiques qui leur proposent des solutions alternatives. Ces parties proposent en règle générale des solutions populistes et réussissent à faire adhésion autour d’eux en stigmatisant les étrangers et en refusant le système économique global.Les résultats des élections en Ireland constituent un exemple. Le sondage récent donnant Marine LEPEN en tête des candidats aux élections présidentielles en 2012 en constitue un autre.La situation actuelle appelle à la mise en place d’une convention mondiale sur l’endettement qui passerait par une renégociation organisée entre les principaux créditeurs et débiteurs, qui se traduirait par une réduction du volume d’endettement. La nouvelle limite devra être cohérente avec la capacité des économies à créer de la richesse tout en réduisant l’aliénation à la dette.Cette convention devra inclure aussi bien les pays « riches » que les pays « du sud » qui devront bénéficier de cette renégociation pour investir dans les infrastructures. L’intérêt pour les pays du sud est d’autant plus important que des mouvements pour la démocratie se mettent en œuvre et devront être soutenus financièrement pour créer de nouveaux marchés et de nouveaux partenaires économiques (Tunisie, Egypte, Libye etc.).Elle devra aussi mettre en place les principes pour des réformes économiques qui accompagnent la création des conditions de croissance sans excès d’endettement.Elle devra, par exemple, mettre en œuvre des équilibres entre croissance et endettement, créer les contraintes efficaces pour limiter les bulles spéculatives (notamment la bulle des matières premières en cours).Pour les pays de l’Euroland, la mise en œuvre d’un fédéralisme économique est essentielle pour que tous les membres de la zone Euro puissent bénéficier des flux d’investissement sur l’Euro (flux qui bénéficient aujourd’hui qu’à l’Allemagne) et pour créer une zone économique suffisamment large capable de négocier le surplus d’endettement, dans le cadre de la convention proposée.Les plans d’austérité et l’assainissement des comptes des Etats nécessitent que l’effort soit partagé par tout le monde. Ces programmes devront être perçues comme équitables et éthiques, répondant à des valeurs démocratiques.Force est de constater que l’incapacité des politiciens à proposer des solutions concrètes et équitables face aux difficultés économiques constitue un carburant pour les partis populistes. Cette tendance qui s’accélère depuis les derniers mois, doit être prise au sérieux si nous ne souhaitons pas que la crise financière qui a déjà contaminé l’économie réelle, touche la politique. Une crise politique mondiale construite sur un nid de xénophobie et de populisme risquerait de nous mener à un chaos encore plus important que ce que nous avons cherché à éviter lors de la crise bancaire. Cette crise serait alors ingérable puisque trop importante pour être absorbée.Amitié et fraternité chers lecteurs.
Billet de blog 7 mars 2011
La spirale de l'endettement souverain est un carburant pour les partis extremistes
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