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Billet de blog 10 mars 2011

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Maroc : réforme démocratique ou nouvelle illusion ?

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Le Roi du Maroc, Mohamed VI, s’est exprimé le 9 mars pour faire état de nouvelles réformes constitutionnelles. En un peu plus de 13minutes, le Roi du Maroc a anticipé la grogne, qui s’exprime à travers les sites internet, demandant plus de liberté et la réduction des inégalités.Si le discours royal s’est attaché à exprimer une volonté de modification de la constitution pour une plus grande démocratie, celui-ci est resté mué sur trois principaux éléments : le rôle du Roi, dans la nouvelle constitution, la vision royale sur la réduction des inégalités, notamment à travers la diminution de la corruption (qui touche toutes les franges de la population) et l’amorce du retrait de la famille royale des affaires économiques et financières du royaume.Lors de l’accession au trône, Mohamed VI a donné l’espoir d’un Maroc nouveau. La mise en œuvre de l’Instance Equité et Réconciliation a été une preuve du souhait du monarque de tourner la page des années de plomb. La réécriture du Code des Affaires Personnelles (équivalent d’un code civile pour les affaires familiales) a montré une volonté d’une égalité homme-femme et une impulsion pour plus de liberté.Mais comme l’indiquait Ali Amar, Mohamed VI depuis 1999 a créé un grand malentendu. Le nom des personnalités en poste a changé, mais le système Makhzani (càd Royal) ne s’est pas transformé. Le pouvoir de l’argent et de la politique est accaparé par une dizaine de personne tout au plus, qui se trouvent être, soit des généraux de l’armée, des conseillers de la cours ou des membres de la famille royale.La déclaration de Mohamed VI ressemble à celle du Roi Hassan II, en 1995, qui a impulsé la modification de la constitution. Malheureusement, rien n’a changé. Les chiffres économiques sont catastrophiques, même s’il est fort à parier que les chiffres officiels soient sous évalués par rapport à la réalité marocaine. Quiconque, qui a visité ce pays, comprendra le désarroi et la précarité des marocains.Le nouveau droit (1999) de la famille, qui donnait plus de pouvoir aux femmes, n’est pas appliqué. La corruption persiste. L’inégalité entre la minorité privilégiée et la majorité des sujets de sa majesté ne s’est pas réduite.Le monde a changé. Mohamed VI a l’intelligence d’anticiper ces changements. Malgré la contre-campagne internet, dont l’objectif est de décrédibiliser les appels pour la liberté et la démocratie (site internet contre l’appel du 20 février 2011), le Roi du Maroc est conscient du malaise de la jeunesse marocaine par rapport à l’ordre établi. Les commentaires du cousin du Roi, Son Altesse Royale Moulay Hicham, laissent présager une révolution du palais, si des soulèvements important se mettaient en place au Maroc. Moulay Hicham se présente comme une alternative à Mohamed VI. La pression est tellement forte que l’application par sa Majesté de la politique de l’autruche ne serait que catastrophique et rendrait toute action vaine.MM. Ben Ali et Moubarak auraient pu partir dans l’honneur (cf. post « les dirigeants arabes ont le choix entre le déshonneur et la guerre ») s’ils avaient anticipé et compris leur peuple en offrant d’eux-mêmes les moyens pour une réforme démocratique bien avant que le peuple ne descende dans les rues et acclame le fait d’être prêt à mourir pour ses aspirations.Entre la guerre et le déshonneur Mohamed VI, semble choisir l’honneur. Nous ne pouvons que saluer cette initiative, digne d’un décédant de Mohamed V.Cependant, les déclarations doivent être suivies de faits. Il n’est nul doute que la commission constitutionnelle englobera diverses idées pour réformer et moderniser le Maroc. Cependant, il est nécessaire d’insuffler aux participants le courage d’exprimer leurs aspirations. Que serait une consultation nationale, si celle-ci n’a pas un puissant appui pour donner à chacun le droit de s’exprimer et donner la liberté au peuple de choisir son destin.Voltaire disait « Je n’aime pas ce que vous dites, mais je me bâterai pour que vous ayez le droit de le dire ». Il est du pouvoir et de la volonté du Roi Mohamed VI, d’appeler à ses cotés, dans cette grande période annoncée, des penseurs, des opposants, des anti-royalistes, des laïcs… Le peuple marocain n’est pas constitué que de régions auxquelles il faut donner du pouvoir (pouvoir qui devrait être renforcé par la proposition d’un transfert des droits et moyens aux régions, dont les dirigeants seront élus au suffrage universel à l’inverse de la situation actuelle). Ce peuple est constitué de plusieurs aspirations. Elles ont été bâillonnées pendant les années de plomb, marginalisé dans la première partie du règne de sa majesté Mohamed VI.La participation de toutes les tendances politiques, même les plus marginalisées est nécessaire pour assurer une vrai transition politique et une vraie réforme démocratique.Pour réformer un ordre établi, il est nécessaire d’avoir l’adhésion de participants qui sont en dehors du cadre. Rappelons nous que les mêmes causes donnent les mes conséquences. Si la commission de réflexion pour la nouvelle constitution et les réformes est constituée des mêmes personnes qui bénéficient du système actuel (intellectuelles marocains à la solde du Makhzin, hommes d’affaires en relation économiques avec la famille royale et ses proches, politiciens corrompus, généraux à la solde de leurs intérêts privés …) elle n’accouchera que d’une souris.Le Maroc est face à un choix entre la réforme réelle et une nouvelle illusion. Les conseillers de sa majesté ne doivent pas oublier cette citation du Président Abraham Lincoln : « on peut tromper une partie du peuple tout le temps, on peut tromper tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps ».Il n’est pire sentiment que celui de la tromperie. Amitié et fraternité chers lecteurs.

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