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Billet de blog 23 janvier 2011

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Indigons nous contre la censure de la pensée économique alternative

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La confiance ne se décrète pas elle se mérite.

Nous assistons depuis quelques mois à une escalade de doutes sur toutes les actions du gouvernement. A chaque décision, les opposants s’indignent de réformes qui privilégient les plus riches et le gouvernement répond à ses critiques en les catégorisant de populistes.

Les affaires Woerth-Betencourt, les régimes de retraites confortables des députés et sénateurs, le sauvetage des banques etc. constituent une accumulation de faits qui créent un malaise où les citoyens considèrent que la majorité paie les privilèges d’une minorité.

Seules des actions de transparence et d’indépendance pourront aider le gouvernement à mener des réformes nécessaires compte tenu de l’état des finances publiques.

Le déficit budgétaire et la dette abyssale doivent être réduits. Cette réduction nécessite un effort de chacun, mais doit être perçu comme juste et équitable pour être acceptées et porter ses fruits.

Il est difficile pour la majorité de nos concitoyens de comprendre que le sauvetage des banques ait pu mobiliser rapidement quelques centaines de milliards d’euros de fonds publiques (entre garanties et prêts donnés aux institutions financières) lorsque l’Etat souhaite faire payer le déficit des régimes de retraites aux seuls travailleurs (déficit qui se chiffre en quelques dizaines de milliards d’euros).

Il aussi difficile pour cette majorité d’accepter de réduire les prestations sociales octroyées aux ménages ou le nombre de fonctionnaire (ou le gel de leurs salaires) lorsque les entreprises bénéficient d’allégement de charges sociales importantes et des réductions d’impôt sans qu’une démonstration du bénéfice de ces aides ne soit établie ou qu’un control ne soit exercé (nous rappelons d’ailleurs le rapport de la cours des comptes qui indique que une majorité de ces aides n’apportent pas le bénéfice attendu sur le plan économique).

Le recul du populisme et de l’extrême droite ne pourra être obtenu que par une transparence sur tous les sujets fiscaux. L’Etat devra justifier devant les contribuables (devant le peuple) ses choix fiscaux et ses réformes sociales. Cette justification devra faire la part entre choix idéologiques et réalités économiques sur lesquelles toutes les fractions politiques pourraient s’accorder.

Durant la réforme des retraites, le gouvernement nous a expliqué que la réforme était nécessaire (et tout le monde s’accorde sur ce constat). Cependant, il a affirmé que les choix pris étaient mathématiquement les seuls possibles et ce malgré que d’autres alternatives existaient et pouvaient être envisagées. La décision du gouvernement de privilégier une forme de financement du régime crée la suspicion, la frustration et l’indignation des citoyens.

Un rallongement de la durée du travail serait accepter par la majorité si celle-ci concernait une catégorie de travailleurs spécifiques : cadres ou cadres supérieurs pour lesquels les carrières ont moins de risques d’être interrompues ou d’être affectés par une forte pénibilité du travail.

Nous ne sommes (malheureusement) pas tous égaux en termes de gain d’espérance de vie. Les démographes parlent d’un écart d’environ 7 ans entre les cols blancs et cols bleus. Le poids de ce rallongement de la durée de la vie ne doit donc pas être supporté de la même manière par toutes les catégories de travailleurs puisque ceux-ci ne profitent pas de la même manière.

La solidarité entre génération doit tenir compte de la souffrance des catégories les plus faibles. La mise en place de la retraite par Bismarck avait pour objectif d’offrir une fin de vie digne. La réforme des retraites n’a pas pris en considération cet élément. La pénibilité a été traitée comme un sujet annexe dans cette réforme lors qu’il est essentiel dans la dignité des travailleurs en fin de vie. Cette réforme devait démontrer une équité dans l’effort. Le gouvernement n’a pas jugé nécessaire de mettre en œuvre cette équité puisque la solution était dictée par la pensée libérale qui fait son chemin en France.

Le gouvernement n’a pas pris la peine de nous expliquer ce qui justifiait que plusieurs entreprises bénéficiaient d’allégement de charges sociales, lorsque la situation financière de la sécurité sociale est vulnérable.

Aucune solution de financement alternative comme la réforme de l’emploi des seniors (pour réduire le taux de chômage au delà de 50 ans) ou le rétablissement de l’équilibre démographique, à travers des aides au soutient de la natalité n’ont été évoquées, étudiées ou présentées.

Le peuple est souverain et capable de comprendre des sujets complexes. Il demande que les réformes soient expliquées. Il exige que les choix de valeur qui les sous-tendent soient explicités.

La suspicion du peuple est d’autant plus forte vis à vis de cette réforme que le lendemain de son vote, les institutions financières se sont lancées dans la promotion d’épargne retraite privée.

Les institutions économiques libérales s’accaparent le débat sur les choix du modèle social, économique et politique. Les approches alternatives sont marginalisées. Le front de gauche par exemple est taxé de populisme. M. Melenchon est considéré le pendant masculin de Mme Le pen. Les écologistes sont décrédibilisés puisque leur programme est considéré comme utopiste ou irréaliste. Enfin, le PS se cherche entre la volonté de présenter un programme différent (pour revenir au pouvoir après 19 ans d’absence lors des élections présidentielles de 2012) tout en acceptant les valeurs de marché et les idées libérales qui sous-tendent la mondialisation.

Selon la « pensée unique », les valeurs sociales doivent disparaître pour laisser la place à la charité. Il nous fait croire que seul ces valeurs sont possibles puisque dans le cas contraire, notre pays serait marginalisé, sortirait du concert des nations etc.

L’expérience du Brésil est un exemple des prévisions de ces analystes. Lors de l’accession du Président Lula au pouvoir, la communauté financière s’est fortement inquiétée de l’arrivée d’idées de solidarité et sociale dans ce pays. Elles applaudissent maintenant la croissance importante de ce pays, sans bien entendu revenir sur leurs anciennes analyses. La croissance n’est pas antinomique de la présence de valeur sociale. La bonne gestion n’est pas un monopole du modèle libéral.

Le modèle libéral vit actuellement des années aussi sombres que celles de la fin du communisme. Le modèle connaît des fissures, mais son maintient passe par la censure des valeurs différentes. Le communisme a censuré les idées, qui lui étaient opposées, par la force, le libéralisme les censure en les décrédibilisant.

Le malaise que nous ressentons dans toutes les couches sociales, à travers les soulèvements dans tous les pays contre les plans d’austérité, la montée de l’extrémisme etc.

Il est nécessaire de s’indigner contre la pensée unique, s’indigner contre la censure des idées économiques alternatives, s’indigner contre la camisole appliquée aux nouvelles propositions politiques, dès qu’elles respectent le pacte républicain.

Voltaire disait « je n’aime pas ce que vous dites, mais je donnerai ma vie pour que vous ayez le droit de le dire ». Soyons digne de notre héritage. Indignons-nous contre les pensées uniques et donnons le droit à l’émergence de nouveaux modèles économiques.

Amitié et fraternité chers lecteurs.

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