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Billet de blog 6 août 2025

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La corruption des Ordres — Lettre ouverte d’un architecte citoyen

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La corruption des Ordres — Lettre ouverte d’un architecte citoyen

Par : Ilyes Bellagha

Il vient un moment où se taire devient une complicité. Ce moment n'est pas à venir : il est déjà là.

Nous y sommes.

Et face à cette déchéance, il n'est plus question de détourner le regard, ni de s’abriter derrière le confort des faux débats.

Depuis trop longtemps, nous, architectes, avons accepté d’être les spectateurs résignés d’un système qui a transformé la trahison en méthode, la compromission en habitude, et la médiocrité en modèle professionnel.

L’Ordre des Architectes, censé incarner la conscience éthique de notre métier, est devenu le dernier rempart des compromissions, la chambre d’enregistrement de toutes les déviances :

— Il enregistre des projets qui détruisent les villes et les consciences.

— Il valide des procédures qui écrasent les éthiques individuelles sous le poids des intérêts privés.

— Il garantit, par son silence et son indifférence, la conformité de pratiques qui humilient la vocation même d’architecte.

On voudrait nous faire croire qu’il s’agit de divergences d’opinion, de débats internes, de sensibilités différentes quant à la gestion de l’Ordre.

Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit.

Ce qui se joue ici, c’est une fracture plus profonde : une rupture entre ceux qui construisent et ceux qui exploitent.

Ceux qui construisent savent qu’un projet n’est pas une simple addition de mètres carrés, mais un acte social et politique, chargé de conséquences humaines et urbaines.

Ceux qui exploitent, eux, considèrent la ville comme une marchandise, et l’architecte comme un fournisseur de plans soumis à l’agenda des spéculateurs.

Dans ce contexte, l’Ordre a cessé d’être une boussole morale. Il est devenu un simple registre administratif, veillant à ce que la façade soit propre, pendant que les fondations de l’éthique professionnelle s’effondrent.

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Nous refusons de cautionner

Nous déclarons, aujourd’hui, publiquement :

— Que nous ne reconnaissons plus la légitimité morale de cet Ordre, tant qu’il continuera à abriter en son sein les pratiques de complaisance, d’indifférence et de silence érigées en méthode de gouvernance.

— Que nous nous plaçons en rupture avec ce système, et que nous en appelons à la formation d’un Cercle d’Architectes Citoyens : une structure libre, horizontale, affranchie des routines mortes, où la parole architecturale retrouve sa dimension éthique et responsable.

— Que chaque projet indigne, chaque compromission validée, chaque décision hypocrite prise au nom de la "conformité", sera dénoncée publiquement comme un acte de trahison envers la société et envers le métier.

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La dignité n’est pas une option

Il n’y aura pas de sauvetage de l’architecture sans une insoumission radicale face aux logiques qui ont détruit son âme.

Ce n’est pas un luxe de révolutionnaire que de poser cette exigence.

C’est une question de survie :

— Survie d’une profession menacée d’extinction morale.

— Survie d’une responsabilité citoyenne que nous avons trop longtemps reléguée au second plan.

Notre silence d’hier a enfanté la corruption d’aujourd’hui.

Notre insoumission d’aujourd’hui peut encore sauver ce qu’il reste de ce métier.

Ce texte n’est pas un appel à débattre.

C’est un acte de rupture.

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Ilyes Bellagha

Architecte Citoyen

Tunis, Août 2025.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.