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Billet de blog 16 août 2025

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La culture tunisienne : médiocrité systémique et art au service de la corruption

La Tunisie, jadis miracle civilisationnel, se retrouve engluée dans un système où la culture se folklorise et l’art se vend au plus offrant. L’architecte, complice ou victime complaisante, participe à l’enterrement de notre héritage. Il est urgent de briser ce cercle de médiocrité.

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La Tunisie fut un miracle. Un carrefour des civilisations, une terre d’échanges, une matrice où l’intelligence et la beauté se répondaient. Mais ce miracle semble aujourd’hui relégué au rang de légende. Dans l’espace culturel contemporain, l’authenticité s’étiole, remplacée par un spectacle sans profondeur.

La culture tunisienne est devenue une caricature : on nous vend du folklore pour touristes, une nostalgie arrangée, une mémoire en toc. Le mal n’est pas seulement esthétique : il est politique. L’art, au lieu d’être un instrument d’émancipation, est devenu une arme de corruption. Les institutions s’en servent comme d’un opium. On distribue des subventions, on achète des consciences, on anesthésie des générations.

Dans ce théâtre grotesque, l’architecte n’est pas épargné. Jadis bâtisseur d’avenir, il s’est transformé en simple exécutant, en bureaucrate de la pierre. Beaucoup, trop nombreux, acceptent de se réduire à des « bureaux d’études » au service des spéculateurs. Pire encore : certains en redemandent. Ils contribuent à bâtir un paysage urbain où la dignité s’effondre sous les gravats du profit.

Victor Hugo écrivait : « La forme, c’est le fond qui remonte à la surface. » Or, le fond de notre époque est pourri, et les formes qui en jaillissent ne peuvent être que des masques hideux.

Cette médiocrité est devenue un système. Elle est entretenue par un mélange toxique de corruption, de paresse intellectuelle et d’opportunisme. Les artistes comme les architectes s’en rendent complices en acceptant les règles du jeu. On célèbre la nullité, on promeut l’incompétence, on marginalise la révolte.

Mais il n’est pas trop tard. L’histoire nous enseigne que les moments les plus sombres sont aussi les plus féconds. Il suffit d’un sursaut, d’une génération qui refuse d’applaudir au vide, qui choisit de reconstruire plutôt que d’ensevelir.

Notre dignité culturelle ne reviendra pas d’elle-même. Elle exige une révolution des esprits. Elle exige que l’architecte redevienne un acteur de culture, un résistant, un bâtisseur de sens. Elle exige que nous disions enfin non aux mascarades, aux subventions clientélistes, aux applaudissements vides.

La Tunisie ne mérite pas des décorations en carton. Elle mérite des œuvres, des espaces, des architectures et des arts qui élèvent au lieu d’abaisser.

La question est simple : allons-nous continuer à applaudir notre propre effondrement ? Ou aurons-nous enfin le courage de dire que trop, c’est trop ?

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