ZAHHAK*
À la mémoire de quatre ouvriers pendus en Iran**
Poème d’Hassan HESSAM
Traduit du persan : Behrouz AREFI
Ebahi, Ebahi,
Je fixe tes regards
Qui sont figés
Dans un cadre noir
Les milliers de questions se posent
Surgissantes de mille parasanges*** :
Est-ce que tu dors les nuits ?
Fais-tu des cauchemars ?
Le festin copieux de la cuisine te plait ?
Tu les savoure ?
Tandis que tes chers et doux enfants te distraient
dans ta "maison", ****
Ne défilent pas dans ta tête joyeuse
Les enfants des labeurs, les enfants faillibles,
Les enfants sans abris,
Les enfants qui construisent leur avenir
Dans les poubelles,
Et les enfants noyés dans le sang,
Par les des pasdarans,
Seuls maitres de leurs tirs ?!
Au service du « guide »
Au nom des «briseurs des insoumis »****
Qui prient le front sur Turbah
Et cela ne te secoue pas ?
D’entendre « A bas le guide » ;
Dans la mer agitée de
la haine du peuple,
Et les cœurs remplis de haine des mères endeuillées,
Et la rivière du sang des jeunes !
ZAHHAK !
Tu ne t’accable pas ?
Tu ne vomis pas de sang ?
Tu resurgis des tombes, mangeur des jeunes !
Attention !
De tous ces nœuds de cordes,
Cache un, seulement un
Sous ta soutane !
Ton frère,
Adolphe rusé et prudent !******
Avait réservé
Un bidon d’essence et
Une boite d’allumette,
A l’arrière-chambre de son palais
Pour le dernier jour
Au cas où !
Misérable commandant, la tempête s’approche !
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* ZAHHAK, Personnage mythique de la Perse antique, le mal incarné, présenté par un homme avec deux têtes de serpents posées sur ses épaules. Pour garder les serpents calmes, il devait les nourrir avec des cerveaux humains.
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1- Mohsen SHEKARI, employé en restauration
2 – Madjid-Reza Rahnavard, employé dans l’alimentation
Mohammad Hosseini, ouvrier dans l’élevage de poulet
Mohammad-Mehdi Karami, travailleur au marché
**** Mesure de distance chez les anciens Perses. La parasange répond à environ cinq mille mètres.
***** La traduction d’une expression théocratique « Ghassem el Djabbarine » qu’on pouvait lire sur les annonces des exécutions au début du régime islamique en Iran.
****** Adolphe Hitler avait donné l’ordre de le bruler ainsi que son amante fidèle, avant la chute complète de Reichstag.
Adieux Joyeux
(1)
A l’héros Madjid-Reza RAHNAVARD
D’Hassan HESSAM
Traduit du persan : Behrouz AREFI
Mon horreur, a dit la mort, froisse chaque créature,
Dans la peur.
La grandeur de mon nom,
Emeut les gens.
Prends la garde, jeune-homme !
Majid-Reza a dit :
Mais, je suis la vie ;
Parfumé à l’odeur de fleur d’oranger et baigné dans les fleurs de cerisier !
Et Toi, tu es le mensonge,
Éloignes-toi de moi !
Mort a dit :
Si je m’imprègne avec le fouet, le bâton et le feu,
Avec coup de grâce
Et la potence de pendaison !
Pour toi, ce sera le début de la fin !
Tes yeux sont sombres
Ton cœur ne bat pas
Et ta tête se vide
Du rêve d’un arc-en-ciel !
Majid Reza a dit :
Tu es obtus !
Sombre comme une tombe !
Mais moi,
Je suis la braise (2)
Comme "Khosro"
Je m'enflamme
Dans la roseraie
Pour rendre le monde meilleur !
« Alors », a dit la Mort, plein de la ruse, dans le désespoir,
Patience !
Que les chanteurs du Coran, récitent Ya-Sin*,
Pour ton salue divin, les croyants
Se rangent pour prier !
La mort, c’est toi !
A dit Mohammad-Reza,
Je suis un printemps frais,
Parfumé et rafraîchissant !
Je suis des grains qui se multiplient
Dans la plaine !
Pas dans un vase.
Je rends verte la terre brulée !
Quel besoin de tes versets sombres,
Et la prosternation des lâches ?
Pourquoi pleures-tu, maman ?
Amuses toi,
En écoutant une joyeuse musique.
Et les belles, les amoureux,
Les gracieux garçons
Dansent !
Ce jeune gendre
Irait à la potence,
Endurant, sobre,
Jubilatoire et joyeux.
Le narrateur a dit :
La vie prend source,
Du feu et de la passion
Et se purifie
De rosée claire de l’aube !
Et le hennissement de chevaux dans les près !
Et les danseurs victorieux à lever du soleil !
1 - Du testament de Yousef Aliari. Il est né en 1945 à Tabriz et a été exécuté en 1984 à Téhéran. Il avait été emprisonné par les régimes islamiques en Iran.
Une partie de son testament se lit comme suit : « Chère mère dévouée, frères et sœurs, je vais vous écrire ces quelques lignes en guise d'adieu heureux. Vous savez déjà qu'il s'agit d'une mort voulue.
2- Extrait d'un poème de Khosro Golsorkhi (1943 - exécuté en 1973).
Quelques jours avant son exécution, il écrit :
"Ne penses-tu jamais qu'il fait froid ici / J'ai planqué tout le bois de chauffage du monde / Derrière ma maison / Au milieu de cette rude tempête / Je prévois tout un jardin en feu / Je suis du bois de chauffage, frère / Coupe-moi / Et mets-moi dans ta cheminée froide / Et fais un feu.
* Une des sourates du Coran qu’on récite aussi, lors des deuils.
Regarde l’Horizon !
Pour le jeune pendu, Mohsen SHEKARI
D’Hassan HESSAM
La corde a dit :
Demande à la mère de
Pardonner
Je ne suis qu’un exécutant !
« Pourquoi moi ? demanda Mohsen.
"Pour donner une leçon aux autres", répondit la Corde.
Mohsen a dit :
Il y en a d'innombrables autres.
"Attendez au moins que le soleil se lève."
"Il n'y aura pas de soleil dans un brouillard aussi épais",
a dit la Corde.
"Regarde l'horizon",
a dit Mohsen.