BERNARD AREFI

Abonné·e de Mediapart

6 Billets

0 Édition

Billet de blog 8 mars 2024

BERNARD AREFI

Abonné·e de Mediapart

Les Voix du Cimetière par Mahasti Sharokhi

Portrait de 8 Femmes, 8 Iraniennes … par Mahasti Shahrokhi

BERNARD AREFI

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les Voix du cimetière

Par Mahasti Shahrokhi

Parvaneh Zahiri

Je suis une jeune fille de dix-sept ans, comme un papillon à la fin de printemps,

Mon père était un colonel de l’armée du Roi. Comme mes sœurs et mon frère, j’ai grandi à Téhéran durant la monarchie mais mon adolescence a passé pendant la révolution. Être écolier à l’époque des premières années de la révolution nous a ouvert la porte vers la lutte pour la liberté. Nous étions une jeunesse révoltée comme un baril de poudre à canon prêt à exploser.

Nous avions une grande soif d'apprendre et une énergie débordante pour changer le monde.

Les partis politiques et les groupes avaient une attirance comme un magnétisme fort pour attirer les jeunes dans les écoles, les lycées et les universités pour les formater et les caser dans leurs services. Nous étions comme des papillons dans leurs filets.

Et justement puisque je suis un papillon, j’étais attirée par les Moudjahidins du Peuple.

Le vingt juin 1981, le dernier jour du printemps de liberté, le guide suprême a annoncé que tous les groupes qui ne sont pas ses disciples, seront considérés comme l’ennemi de Dieu (Allah) et donc ennemis de l'État Islamique.

Cet après-midi, nous étions réunis sous le pont du « Seyyed (descendant du prophète) khandan (riant) » pour manifester quand « les gardiens d’Allah » nous ont attaqués, attrapés, mis dans leur bus et envoyés directement vers la prison d’Evin.

Entre la date de mon arrestation et la date de mon exécution, il y a un jour d’écart. Mais en vérité c’était moins d’un jour. Ils nous ont tabassés, interrogés, torturés et condamnés en quelques heures.

Le lendemain, à l’aube du premier jour de l’été de la première année de la révolution, moi et six personnes d’autres étions mitraillées ou exécutées. Je n’ai rien dit, je n’ai même pas dit mon nom donc ils ont annoncé dans les journaux du soir l’exécution des six personnes en citant leur nom, et une personne inconnue pour moi. Mes parents ont mis du temps pour comprendre ce qu’il m’est arrivé.

Bien sûr qu’ils ne m’ont pas donné le temps. Ni pour devenir une adulte, pas le temps de finir le lycée et de passer mon bac, ni le temps de faire ce que je pouvais faire.

Je n’ai même pas eu de cercueil au cimetière. Ils ont jeté mon cadavre dans une fosse. Il n’y a pas eu d’accord pour faire une cérémonie à ma mort. La famille et les amis sont venus à la maison pour présenter leurs condoléances à mes parents, mes sœurs et mon frère. J’ai eu la chance de venir au monde mais ils m’ont privée de la chance de vivre ma jeunesse et de réaliser mes souhaits.

Comme un papillon, ma vie était trop courte.

Zan-Zendegi- Azadi

Effat

Je suis une mère, mère de dix enfants, deux de mes enfants sont morts quand ils étaient tous petits par les maladies. J’exerçais le métier d’institutrice alors mes quatre filles et mes quatre fils sont bien élevés. Mes deux grands garçons ont perdu leur vie après la révolution. Behrooz par l’accident de route et Heybat par l'exécution dans la prison. Mes six autres enfants ont quitté le pays et chaque enfant vit dans un pays différent.

Heybat, mon fils est arrêté et emprisonné, mais j’ai pu le voir après deux ans. La dernière année de la guerre, nous étions sans nouvelles de lui. Soudain, après huit années de guerre épuisante et absurde entre deux pays voisins Iran-Iraq, ils ont convoqué les parents et les familles des prisonniers politiques au dernier mois de l'été. Nous avons pensé que cette convocation était  pour rendre visite à nos enfants emprisonnés, je ne pouvais jamais deviner mais à l’accueil de prison, quand ils m’ont donné un sac rempli de ses vêtements et de ses affaires personnelles, j’ai tout compris. Oui, ils l’ont effacé et supprimé pour toujours. Ils n'ont pas dit où ils ont enterré le fruit de ma vie. Mon fils n’a pas de tombe alors pendant des années, j’allais à Khavaran et je mettais des fleurs sur toutes les tombes et je montrais sa photo à tout le monde et je racontais son histoire pour que son souvenir reste vivant. Si j’avais la force de ma jeunesse, je faisais tout pour l’amener à la vie. Mais sans mes enfants, j’ai beaucoup vieilli.

 Mes enfants tous dispersés dans le monde, Je suis sûre qu’un jour ils reviendront à la maison mais mon cœur était impatient et très fatigué de battre et ne peut plus supporter tous ces coups graves et il sera arrêté d’un coup.

Taraneh Moussavi

Je m’appelle Taraneh (signifie : le chant), habitant Téhéran, à vingt-trois ans, je suis la directrice d’une école de coiffure et de beauté. Je suis bien habillée et élégante. Je portais une écharpe verte aux couleurs de mes yeux.

J’ai garé ma voiture dans une ruelle près de la mosquée Ghana, là où j’ai un rendez-vous avec une amie devant la mosquée. 

En juin et juillet 2009 beaucoup de monde a assisté aux manifestations et dans cette partie de la ville il y a beaucoup de manifestants et aussi beaucoup de gardiens d’Allah. Dès mon arrivée, tout juste avant que ma copine arrive, les agents m’ont arrêtée et envoyée dans leur véhicule.

Ce jour-là, par précaution, j’ai donné mes coordonnées aux personnes qui étaient arrêtées en même temps que moi en demandant au cas où elles seraient libérées avant moi, de contacter ma famille pour la prévenir de là où elle pourrait me trouver. Ils nous ont mis dans leur véhicule, ils emmenaient le groupe des manifestants pour les interroger à leur local mais ils m’ont séparée et m’ont transférée dans le bureau de leur supérieur.

Apparemment, leur chef du service sûreté, Hussein Taeb, avait reconnu mon nom parce qu’il avait une correspondance avec une fille au Canada du même nom que moi par Internet. Donc en voyant mon nom sur la liste, Taeb demanda de me transférer à son bureau. En me voyant, il a compris que c’était une simple ressemblance de noms. Mais il m’a gardée dans son bureau quand même pour...

Vous ne pouvez pas imaginer mais pendant trois jours et trois nuits j’ai été chez Taeb, il m’a violée et abusée sexuellement à plusieurs reprises. Après trois jours, il m'a offert à un de ses agents, Nasser Assiyabani, et son équipe et eux aussi ils m’ont violée plusieurs fois ensemble, ils m’ont tellement abusée que j’ai eu des hémorragies vaginale et anale. Lorsque j’ai perdu connaissance alors eux-mêmes, habillés en civil et sans uniforme, m’ont amenée aux urgences de l’hôpital de Karaj. À l’hôpital, de peur que leurs viols et leurs abus sexuels soient dévoilés et sortent dans la presse et les médias, ils m’ont reprise et emportée sur les routes loin de la ville et m’ont tué et ensuite ils ont brûlé mon cadavre. Le 14 juillet, cet événement a été diffusé sur les réseaux sociaux, donc à l’étranger aussitôt. Le gouvernement a déclaré cela comme une fausse histoire (fake) et un mauvais humour. Ils ont interviewé une femme de quarante ans avec ses parents à la télévision pour témoigner qu’elle est elle-même Taraneh Moussavi et vit au Canada.

Le mouvement vert et le printemps arabe n’ont pas donné de bons résultats dans le monde entier mais en revanche beaucoup de victimes et de changements de dictatures. La couleur verte de ce mouvement venait de mes yeux que leurs mercenaires ont brûlés et finalement ils m’ont anéantie.

Je suis un chant vert

Habillée en vert, les yeux verts

Je ressemblais à un arbre

À un cèdre, qui a levé la tête vers le soleil

Dans ce bureau de l’autorité, enfermée

J’allais mourir de chaleur sans oxygène

Pourtant je pouvais être un chant de liberté et crier

Un chant pour la résistance et crier un chant

Comme une mélodie prononcée partout

Un chant pour toute la verdure du printemps

Un chant pour que toutes les herbes se réveillent

Un chant pour renaître

Mais hélas j'étais une prisonnière bouche fermée.

Akram Neghabi (mère de Saeid Zinali, étudiant)

Je suis une maman. En 2009 durant les protestations des étudiants, mon fils a disparu, trois mois plus tard nous avons eu un appel de lui. Il a dit qu’il est arrêté et tout va bien. C’est tout. Depuis plus de nouvelles. Un des camarades de Saïd témoigne :

Saïd était également membre du Front étudiant uni et de l'Union nationale des étudiants et diplômés d'Iran, ainsi qu'un jeune homme très compétent et réfléchi, qui parlait couramment l'anglais et aimait étudier. Quelque temps avant le mouvement à l'université, un après-midi, lorsque moi, mon frère Akbar et Saïd avons quitté le bureau du syndicat étudiant et sommes montés dans la voiture de Saïd, qui était une flèche blanche, il nous a dit qu'il se sentait surveillé et suivi depuis un long moment. Peut-être parce qu'il a raconté cette histoire sur un ton très calme ou à cause de la pression que nous avons tous endurée à cette époque, nous ne l'avons pas pris au sérieux. Je n'aurais jamais imaginé que le jour viendrait où je serais le seul survivant de ce trio dans cette voiture-flèche.

Nous ne savons pas ce qui est arrivé à mon fils. Depuis 2009, nous le cherchons. Je ne suis pas seule, il y a plusieurs parents qui cherchent leur fille ou leur garçon sans succès. C’est presque quinze ans ! Et depuis, l’autorité ne nous répond pas, ne dit pas ce qui est arrivé à nos enfants, ne dit même pas où ils sont enterrés. Ce silence, cette lâcheté et cette irresponsabilité nous tuent aussi.

Gohar Eshghi

J’ai quatre-vingt-sept ans, je suis une mère, je n’avais qu’un fils, Satar, âgé de trente-cinq ans, un ouvrier-blogueur, je l’ai perdu pour rien. Il exprimait ses idées dans son blog et pour cela, ils l'ont menacé, arrêté, torturé à mort. Mon Satar avait l’habitude de critiquer le régime et l’autorité sur son Facebook.

Mon fils a perdu la vie sous la torture. Je n’ai plus de fils alors je dénonce ce crime à voix haute et je demande justice. Je n’oublie pas le sang de mon fils. Satar, sur le dernier post de son blog avait écrit :

“Ils m'ont menacé hier : Dis à ta mère qu'elle devra bientôt porter une robe noire si tu ne fermes pas ta grande bouche. Je dis que je ne fais rien qui m'oblige à fermer ma bouche. Ils disent : Tu jures trop. Je dis que j'écris ce que je vois et entends. Ils disent : On fait ce qu’on veut, on se comporte comme on veut, vous devez vous taire et ne pas signaler ou vous serez enfermé sans nom ! Sans que personne ne sache ce qui t'est arrivé !”

N’importe quelle mère peut sentir mes douleurs, je veux savoir comment ils ont tué mon fils ; au cadavre de mon fils qu’est-il arrivé ?  L'autorité est responsable de l’assassinat de mon fils et elle doit me répondre.

Le cas de Satar a eu un impact international considérable dans les médias internationaux, la blogosphère internationale, la blogosphère iranienne ainsi que la blogosphère francophone.

De l’autre côté, l’autorité a toutefois poursuivi l’oppression sur notre famille, sur moi, sur ma fille, sur mon gendre. Une fois deux motocyclistes inconnus m’ont tabassée, une autre fois ils m’ont arrêté et m’ont gardée en prison un certain temps, ils ont arrêté ma fille et mon gendre pour que nous n’organisions pas de cérémonie pour anniversaire de l’assassinat de Satar.

Je vois dans les yeux des jeunes d’aujourd’hui que mon Satar n’est pas mort, il est vivant plus qu’avant.

Neda agha-soltan

Bonjour, je m’appelle Neda, en persan mon prénom signifie « un appel, une réclamation ». Née à Téhéran, j’ai vingt-sept ans. Quand j’étais très jeune j’ai commencé à étudier les sciences théologiques, mais ils m’ont critiqué à cause de mon apparence, mon voile et ma façon de m’habiller. J’étais très jeune aussi quand je me suis mariée. Les études en sciences théologiques ne me convenaient pas et mon mariage n’a pas marché non plus. Alors je me suis séparée et je voulais apprendre à faire des films et j’ai commencé la photographie et dans un voyage en Turquie j’ai rencontré Caspienne, mon fiancé photographe. Je fais de la musique aussi, je voulais apprendre un instrument de musique et je prenais des cours de musique chez Monsieur Hamid Panahi.

Cette année, en 2009, je n’ai pas voté mais j'assistais aux manifestations, car les gens qui ont voté, leurs votes n’étaient pas comptés pour l'élection présidentielle. Entre voter ou pas voter il n’y avait aucune différence, parce qu'à la fin le choix du guide suprême est prioritaire. C’est honteux, il n’a même pas un petit respect pour les gens qui ont voté, il les considère comme rien du tout.

Le président choisi par lui, lui aussi, compare le peuple avec « la poussière et les déchets ». Nous manifestons notre mécontentement, nous sommes pacifiques. Connaissez-vous une action plus pacifique que marcher ensemble en silence dans la rue sans sans un mot ? Laquelle ? Hier, après l'annonce du résultat des élections présidentielles, plus d' un million de personnes ont manifesté dans la rue et ont réclamé leur vote. Ça, c’est rien ?

Alors on assiste à toutes les manifestations pour qu’arrive un changement.

J’ai déjà dit à mon fiancé « Si j’avais un enfant, j’emportais mon enfant et j’allais à la manifestation. » Aujourd’hui ma mère est malade et ne peut pas venir, mais j’y vais. Avant de partir, j’ai dit « Pas de souci, il n’y a qu’une balle, après, tout va finir. » Aujourd’hui, le vingt juin 2009, dernière journée du printemps, je vais avec mon prof de musique à la manifestation, on est en voiture mais on n’avance plus, les rues sont bloquées, il y a beaucoup d’embouteillages. Nous sommes loin des manifestants qui courent dans les ruelles mais nous sentons l’odeur du gaz lacrymogène qu’il ont jeté vers eux. Dans une des ruelles d’Amir-Abad, nous sommes descendus et avons continué à pied.

Vous pouvez nous voir dans les vidéos prises par les mobiles des manifestants diffusés par C.N. N., vous nous voyez clairement quand j’ai reçu une balle sur mon cou et que le sang est sorti. On dirait que le monde me regarde et que c’est une séance d’un film. Je me voyais tomber en arrière, avec mes grands yeux, je fus étonnée et j’ai mis ma main sur ma poitrine ensanglantée, le sang et ma vie partaient rapidement. Celui qui a tiré sur moi, un agent motocycliste, a été arrêté par les gens. Ils l’ont arrêté et ils ont pris des photos de lui et sa carte de service, mais qu'est-ce qu’ils pouvaient faire ?  Le mettre dans les mains du régime ? Déposer une plainte chez un régime assassin et menteur ? Finalement les gens l’ont laissé partir. Il s’appelle Abbas Kargar Javid.

Ma vie était presque finie, mais un jeune médecin qui marchait près de moi, a essayé de me réanimer sans succès. Depuis que j’ai reçu la balle jusqu’à la fin, au total, j’ai vécu sept minutes. J’ai déjà dit qu’il y aura une balle et après tout va finir. N’est-ce pas ? Le monde a vu mon cinéma, même le président Obama. Il a présenté ses inquiétudes pour le peuple iranien. Mais quand même il a donné un milliard et demi dollars,l’argent bloqué du pétrole pendant des années, il l’a rendu en spéce au gouvernement des mollahs.

Je m’appelle Neda, une voix, un appel, une étincelle dans la nuit qui réveille, une muse, une inspiration pour les poètes, le monde entier a entendu mon appel, il y a beaucoup de jeunes garçons et filles qui sont sortis et venus dans la rue par mon appel, il y a beaucoup de chefs politiques qui ont entendu mon appel et ont parlé de moi dans leurs discours. Tous les médias et réseaux sociaux ont raconté mon histoire et montré ma photo, cela m’a privé de la vie mais mon appel et mon message sont passés partout. J’étais Neda, je suis Neda et je resterai vivante dans la mémoire du peuple iranien.

Kurdistan

Le Kurdistan est une région montagneuse et de hauts plateaux d'Asie centrale. Le territoire du Kurdistan s'étend de la Turquie à l'ouest jusqu'en Iran (golfe Persique) en passant par l'Irak et la Syrie, avec quelques îlots de peuplements kurdes en Arménie, Géorgie, Azerbaïdjan, Turkménistan, Kirghizistan et Kazakhstan.

Le Kurdistan est considéré comme appartenant au rameau iranien de la grande famille des peuples indo-européens. Aux temps préhistoriques, d’autres peuples ont régné sur ces territoires montagneux situés entre le plateau iranien et le cours supérieur de l'Euphrate. Au VIIème siècle av. J.C., ce furent les Mèdes, qui sont aux Kurdes ce que les Gaulois sont aux Français.

Le Kurdistan se situe dans le nord de l'Irak (Kurdistan irakien), dans les monts Zagros à l'ouest de l'Iran (Kurdistan iranien), au sud-est de la Turquie (Kurdistan turc) ainsi qu'au nord-ouest et au nord-est de la Syrie (Kurdistan syrien). Le Kurdistan est une entité autonome, unie par sa langue, sa culture et sa civilisation mais politiquement morcelée en une série de principautés. Sur ces quatre pays, seuls deux reconnaissent officiellement une région sous la dénomination de Kurdistan : l'Iran avec sa province du Kurdistan et l'Irak avec sa région autonome du Kurdistan.

Les femmes et les hommes kurdes participent à des danses mixtes pendant les fêtes, les mariages et d'autres événements festifs. Les femmes kurdes ont toujours participé aussi aux côtés des hommes aux travaux des champs, à l’élevage…

ژن، ژیان، ئازادی

Femme, Vie, Liberté

Mahsa (Jina) Amini

Je m’appelle Jina (en kurde signifie « la vie ») et je m’appelle  «Mahsa » aussi (en persan, langue officielle du pays « comme la lune » ou « Luna » chez vous), née à l’aube du troisième millénaire, à Saghez, une des villes du kurdistan en Iran.

À la fin de l'été 2022, avant de commencer mes études  de microbiologie à l’université, à vingt-deux ans, comme mon nom je suis plein de vie, j’aime tout, ce qu’il y a de bon, la musique, la danse, le voyage, la nature. Nous avons voyagé en famille dans la capitale. Dès notre arrivée à Téhéran, nous avons pris le métro pour visiter Le jardin de la nature. En sortant de la bouche du métro, quatre gardiens du hijab, deux femmes en tchador et deux hommes sont venus vers moi et m’ont arrêtée pour ne pas avoir totalement couvert mes cheveux.

Ils voulaient m’emmener avec eux. Je n’étais pas d’accord et surtout je ne voulais pas me séparer de mon jeune frère. On ne connaissait pas une grande ville comme Téhéran. J’ai essayé de leur expliquer comment nous étions passagers et il y a fortement des risques de se perdre. Ils ne m’écoutaient pas du tout. J’ai insisté et résisté pour ne pas me calmer et ne pas leur obéir donc ils ont commencé à me tabasser et j’ai eu des coups de bâton sur ma tête. J’ai eu des vertiges. Pour ne pas tomber, finalement je me suis assise dans le minibus. Pour ne pas me perdre, mon frère a suivi leur voiture jusqu’à leur local où je devais passer une séance pédagogique sur l’orientation du hijab mais avant leur cours idéologique, je suis tombée au sol, j’ai perdu la connaissance pour toujours, sans réveil à jamais.

Je suis jeune et plein de vie

Avec ce coups de bâton sur ma tête,

Comme un arbre qui a eu un grand coup de hache

Quelques choses à l'intérieure de moi à arrêté

JE reste encore debout comme dans un rêve ou les vaps

Des brumes et des brouillards

Quand je me suis levée

Pour la dernière fois

Mon cerveau était déjà mort mais ils ont quand même mis deux heures pour appeler les urgences. Transportée à l’hôpital, j’étais sous le masque d'oxygène au service des soins intensifs pendant trois jours. Les gens sont venus manifester autour de l'hôpital Kasra. Deux journalistes ont pris des photos de mon état, envoyées à la presse et diffusées aux médias. Elles étaient arrêtées et elles ont passé un an et demi en prison.

L’assassinat de moi, c’est tout à coup comme une bombe à exploser, les gens  sont venus rasambler devant l’hôpital et  les agent d’etat, la police de sûreté a jeté la Gaz de crimogene vers les manifestants.

Il y avait des manifestations dans ma ville natale, des grèves dans les bazars et la crise des protestations dans toutes les régions. Le grand mouvement de « femme, vie, liberté » commence. Dans les premières manifestations au Kurdistan, ces trois mots sont prononcés en kurde. Le lendemain à l’université de Téhéran, les étudiants manifestaient aux mots de « Femme, Vie, Liberté » en persan et tout de suite le slogan est traduit en persan dans toutes les villes. Un mouvement était né qu’ils ont essayé d’étouffer mais quand même il existe encore. Regardez la lune! Elle brille dans le ciel. Alors elle existe toujours. Oui, Jina n’est pas morte, la vie ne meurt jamais.

Nika Shakarami

Je m’appelle Nika, une collégienne de seize ans. J’aime l’art : la musique et la peinture. Après l’école, je travaille dans un café et je veux me lancer dans l’art : devenir chanteuse ou peintre comme ma mère ou ma tante . J’ai une tête pleine d’idées, avec beaucoup de projets, des rêves, et plein d'espoirs pour l’avenir.

Je suis orpheline, j’ai perdu mon père par un accident de voiture quand j’avais huit ans, ma mère m’a envoyé vivre chez ma tante peintre à Téhéran pour que j’aille à l’école d’art.

Après la mort de Jina, tout le monde était furieux en manifestant leur mécontentement, moi aussi. Je fais partie d’une nouvelle génération, la génération d’internet. Les jours après la mort atroce de Mahsa, j’ai assisté aussi aux protestations.

La nuit du vingt septembre, je suis monté sur la voiture et j’ai brûlé un foulard en répétant le slogan de ce jour « femme, vie, liberté » Ils, les gardiens d’Allah habillé en civil, m’ont vu, m’ont repéré et m'ont suivi. J’étais au contact régulier avec ma mère et je lui envoyais des messages. Mon dernier message était à ma mère vers minuit de Boulevard Keshavarz.

Mon mobile s’était éteint vers sept heures du matin. Après  plus rien. Pendant neuf jours ma famille m'a cherché partout, aux postes de police, aux hôpitaux, mais sans succès.

Dans les cinquante vidéos envoyées pour C.N.N., Vous pouvez constater que dans cette bataille inégale j’étais au premier rang.

Toujours sans armes, j’ai monté les mains vides sur une voiture, brûlé un foulard en criant des slogans. Dans d’autres vidéos vous voyez que j'étais en train de se défendre en jetant des cailloux vers la force de l’ordre. Dans une autre vidéo vous me voyez cachée entre deux voitures. Je suis une battante, une guerrière.

Au dixième jour, mon oncle a identifié mon cadavre parmi les victimes des manifestations de prison de Kahrizak. Tandis qu’en déplaçant du corps, l’autorité voulait faire croire au monde qu’en se jetant d’un immeuble de voisinage. Dans une séance une personne habillé en noir comme moi rentre à trois heures du matin dans l’immeuble à côté. Eux par un faux-documentaire diffusé à la télévision ont montré que je me suis suicidée.

Mon corps était cassé, mon crâne, mon nez, mes dents. Sur le certificat de mon décès était écrit « La cause de décès : Des coups d’un objet dur sur la tête ».

Je suis une jeune pousse

Un jeune arbre

Je peux encore grandir

Mais ils ne m’ont pas laissé

Les bûcherons sont arrivés avec leur hache

Les bûcherons ont scié mon corps

Ils m’ont donné des grands coups de hache

Un Document est sorti plus d'une année après ma disparition ; ce rapport de biopsie est marqué qu’il y avait des traces de rapport sexuel en partie vaginal et il y a des points de coudre sur la peau qui témoignent de l’enlèvement de ses organes principaux.

J’étais plein d’espoir

Les bûcherons m’ont mutilée et morcelé

Les gardiens ont anéanti mes rêves

L’enterrement par ma famille était organisé dans l’après-midi mais la veille ils l’ont volé et mon cadavre a disparu. Ils m’ont enterré dans un petit village méconnu, quarante kilomètres plus loin du cimetière là où sa mère a choisi.

Ils ne savent pas que les fantômes circulent facilement et nos fantômes vont rendre visite aux parents discrètement.

Femme, vie, liberté

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.