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Billet de blog 21 octobre 2012

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L'analyse économique et politique au risque de l'eau trouble. Réponse à Philippe Riès.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Philippe Riès à publié, sur Médiapart le 21 octobre courant, un papier un rien étonnant, car apportant sans aucun recul son soutien aux idées de Bill Emmott, ancien patron de The Economist durant 13 ans, sur l'Italie et sur l'Europe.

The Economist aurait vu juste concernant Berlusconi, en le jugeant indigne, en avril 2001. Certes, mais a-t-il été le seul à porter la critique? Il suffit de relire bon nombre de médias de l'époque, pour voir que non. Et cela sans parler des hommes politiques dont nombre d'entre eux n'avaient que mépris pour le "bouffon".

Mais prendre le prétexte que Berlusconi a duré longtemps, pour attribuer à la seule pression des marchés le mérite de l'avoir poussé dehors, c'est aller vite en besogne.

Mais on voit bien pourquoi. C'est pour mieux décrier, avec arrogance  "la qualité d'un régime démocratique qui voit les peuples se doter de tels dirigeants”. A ce stade, on pourrait tout aussi bien être interpellé  sur la qualité du régime démocratique d'outre manche, qui voir un peuple être incapable de se doter d'un gouvernement qui ne soit pas à la solde de la City, premier paradis fiscal au monde et notoirement opposante à l'idée de  l'Europe. Ou encore de ces peuples européens qui se dotent de chefs d'Etats incapables de se mettre d'accord, au sein du Conseil européen, pour faire aboutir le projet commun de la première zone économique du monde.

Un papier étonnant car paradoxal. Berlusconi serait, aux yeux des libéraux que sont Emmott et Riès, une insulte à leur libéralisme. On peut être d'accord. Mais affirmer que Berlusconi représente la volonté du monde des affaires de s'emparer de l'Etat et le mettre au service d'intérêts égoïstes, c'est refuser de voir que le capitalisme se comporte de la même façon là même où il est le mieux porté, c'est à dire aux Etats-Unis.

S'il y a un pays où le capitalisme, le "bon", pas le "mauvais" de Berlusconi, s'illustre, c'est bien celui là. A condition de ne pas voir que son capitalisme met souvent la main sur l'Etat, pour en obtenir dérégulations, baisses des impôts, subventions, etc.

L'ordre libéral classique, c'est à dire mesuré, est il porté aujourd'hui en un quelconque pays de ce monde?

Y a-t-il un seul pays où les hommes politiques, les économistes, les entreprises, ne portent pas, dans leur majorité, "la défense de l'ordre établi, à la faveur de réseaux fermés"? Comme dans l'Italie de Berlusconi. Vous pouvez chercher.

En fait, Berlusconi aura été "l'obstacle principal à la libéralisation", et nous y voilà, ça a été, nous dit Philippe Riès, plus ou moins la même chose depuis plus de trente ans en Europe occidentale qui a besoin: "De restaurer son dynamisme par une vague de libéralisation". Nous y voilà.

Et l'intertitre de l'article le montre bien: "La bataille du libéralisme n'est pas perdue".

Sommes nous dans un régime libéral ou pas?

Si jamais vous aviez l'impression que le libéralisme se porte bien en Europe, celui de Sarkozy, de Merkel, de Cameron, vous aviez tout faux. Non, je rectifie, Ariès reconnait que Sarkozy représentait également "cette droite européenne antilibérale"  que Berlusconi a illustrée en Italie.

En fait le libéralisme se porte mal, et c'est pourquoi il faut le remettre sur les rails nous dit on. Car "les gens ne sont pas spontanément favorables au libéralisme” et "ils ont besoin de protection". Donc, concession nécessaire, il faut de la protection sociale, "filet de sécurité et instance de redistribution". Mais "ce système a été abusé et utilisé dans le but de protéger des groupes d'intérêts particuliers".

Et donc. Mais donc quoi?

Le libéralisme vous dis-je. Il nous le faut, car nous ne l'aurions pas. Et il nous faut la défense de l'Euro. Et le départ de la Grèce de l'Euro.

Belle avancée libérale et démocratique! Mais justification: "La Grèce est incapable de respecter des règles budgétaires".

Vous avez peur pour demain? L'Espagne, puis le Portugal, sur le même tremplin d'exclusion? Vous devez être un craintif de naissance.

Mais de quel libéralisme nous parlent Riès et Emmott? On ne sait. Ils n'ont pas l'air de savoir. Ou plutôt ils ne le savent que fort bien. Mais nous, nous ne devons pas le savoir. Alors on enfume,  on emballe. "Nous avons besoin de participer à revigorer le marché unique et à créer un système beaucoup plus profondément libéral, correspondant à une vision de l’Europe qui va de Jean Monnet à Mario Monti". Essorage de mots, Langage dévoyé, Novlangue?

Un article donc, écrit au risque de l'analyse en eaux troubles. Et ne nous permettant  guère d'y voir plus clair. Car vous y trouverez aussi quelques idées un peu plus acceptables que celles sur lesquelles je me suis arrêté. Mais l'ensemble est bancal, car l'idéologie empêche. Une idéologie assumée par l'auteur. "Nous avons une idéologie" écrit-il.  C'est tout le problème.

Ne nous faut il pas sortir des idéologies désormais. Pour inventer un autre modèle. Ouvrir une autre voie. Le système communiste est mort. Le système capitaliste n'est il pas moribond? Les propositions de Jeremy Rifkin dans son ouvrage "La troisième révolution industrielle" ne reposent pas sur des présupposés idéologiques. Les prendre en compte permettrait peut être à nos libéraux de se donner un peu de liberté de pensée.

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