2017, ce n’est pas demain, c’est aujourd’hui. Les sondages sont déjà activés. Les pronostics sont lancés. Les stratégies s’affinent. Primaires à droite. A gauche, primaires ou pas ? Nous allons bientôt être noyés sous les programmes des partis et des candidats qui s’y voient déjà.
Vous tapez « Qui pour 2017 ? » sur Google et vous obtenez ceci :
Sur L’Express :
« Présidentielle : Juppé favori de la droite, Valls de la gauche.
« Jean-Luc Mélenchon se voit candidat à la présidentielle de 2017 ».
Sur Francetvinfo vous trouvez tout le monde. Sarkozy, Juppé, Lemaire, NKM, Wauquiez, Bertrand, etc.
Le Monde nous informe : « Cécile Duflot prépare sa candidature pour 2017 ».
Et bien entendu, l’ogresse à l’appétit d’enfer, Marine Le Pen, nous la joue « Je suis partout ».
Mais leurs programmes, pas encore dévoilés, ou un peu pour certains, annoncés par tranches pour d’autres, renouvelés, ou dupliqués du passé. S’interroge-t-on sur ce qui les rend crédibles, sur la façon dont il ont été rédigés, sur leur sérieux ?
Et la question politique, est elle réductible au programme ? La politique, est elle réductible au projet annoncé ? Pourquoi les partis ou les candidats, ou les candidats à la candidature, s’y perdent ils ? Car il faut une singulière batterie de compétences et d’outils pour vraiment donner à un programme un contenu indiscutable.
Et quel homme, quel parti, a toutes les compétences pour rédiger un contenu que le premier « expert », muni de sa calculette, de son programme de modélisation, de son idéologie, disséquera en direct, mettra à bas où contrera, parfois avec mauvaise foi, parfois avec justesse ? Et ceci d’autant plus facilement qu’en quelques jours le réel aura changé. On avait annoncé un lundi que la crise était finie, et c’est l’économie chinoise qui marque le pas le mercredi suivant.
Ecrire un programme, c’est donc rien moins qu’écrire une fiction basée sur l’art du « comme si ». Comme si le programme pouvait nous donner accès à un futur visible, à une réalité déjà là. Comme si écrire, c’était faire, ou tenter de faire croire aux citoyens que ce qui est écrit ou dit est comme déjà fait. Tous ces programmes sont en fait écrits par des Bartleby de la politique, ce personnage de Melville, qui pour Philippe Jaworski « est le merveilleux mystère d’une parole immobile, presque silencieux, presque inutile, presque mort, presque incompréhensible », ou qui pour Blanchot est « l’écrivain qui « désoeuvre le travail de concept ». (Analyse de Olivier Chelzen sur La Vie des idées (30/09/2011).
Alors les gens, fatigués par ces fables conjoncturelles, ces paroles envolées, ces écrits et ces promesses vite jetés au rebut de l’histoire, demandent des actes, des actes qui ne viennent pas.
Plus de programmes, des engagements contractuels.
Ont les avait noyés de mots, à l’écrit comme à l’orale. Mais le « comme si » n’est jamais advenu. Un exemple facile. A quoi nous a mené la longue litanie de Hollande, face à Sarkozy, ces « Moi président de la République je ne serai pas, je ne ferai pas, je ne participerai pas, je ferai, etc.», dans cet exercice appelé « anaphore », qu’il serait amusant de réécouter aujourd’hui afin d’en montrer l’artifice. A quoi nous a mené tout le papier gâché à chaque élection, des programmes électoraux du PS de l’UMP, du Modem, du PRG, de l’UDI, du PG, du PC ?
Alors, les gens, fatigués, ne votent plus, ou bien vote pour donner l’alerte. Jusqu’au moment où de l’alerte on basculera dans l’inconnu. Un inconnu déjà trop connu. Que nos parents ou nos grands parent ont déjà connu. Mais « c’était avant » comme dit la pub.
Donc, un conseil à tous ces partis, à tous ces futurs candidats pour 2017. Ne faites plus de programme. Prenez des engagements. Annoncez des mesures que vous vous engagerez à prendre dans les trois premiers mois de votre mandature. Des mesures qui soient en état de changer la vie des gens.
La première mesure à prendre pourrait être celle qui permettrait d’assurer le financement des autres mesures. Deux chemins sont possibles, l’un après l’autre.
Faire rentrer dans les caisses de l’Etat les impôts qui lui échappent : par le fait de l’évasion fiscale ; par celui des pratiques d’entreprises d’échappement à l’impôt, que des cabinets spécialisés, à la limite de la légalité, imaginent ; que des Etats comme le Luxembourg favorisent ; par des pratiques criminelles, comme celles des banques qui trichent, seules ou en bande organisée, etc. Puis lancer une réforme fiscale, en donnant le temps aux administrations concernées de consulter les partenaires économiques et sociaux.
La deuxième serait de s’attaquer sans timidité à l’oligopole bancaire, si bien décrit par François Morin. (Voir*).
La troisième sera de revoir toutes les aides de l’Etat aux entreprises, pour les conditionner à des engagements de création d’emplois ou d’investissements productifs.
La quatrième mettrait un terme à la spéculation financière facilitée par des instruments financiers multipliés à cet effet, et par le trading à haute fréquence. Une taxe sur les transactions financières a été discutée pour l’Europe. L’opposition majeure est venue de la France, par son ministre des finances Michel Sapin. Pour causes de connivence avec les banques françaises, dont la plupart sont dites systémiques, c’est à dire trop grosses et donc dangereuses en cas de nouvelles crises.
La cinquième mesure confierai à la Caisse des Dépôts et Consignations l’organisation d’un grand plan de financement des investissements en faveur de la transition énergétique. Elle en a la possibilité, la BCE l’ayant agréée comme agence nationale et parapublique pouvant recevoir une part des 60 milliards d’euros qu’elle distribue aux banques européennes chaque mois.
Une sixième mesure serait l’instauration d’une loi en faveur des PME, notamment en leur réservant 30% des achats publics. Ce qui se pratique aux Etats-Unis, qui ferment ainsi l'acces aux marchés publics américains aux entreprises étrangéres.
Une septième mesure proposerait de lutter lors de nos importations contre les pratiques de dumping social et environnemental des pays d’où proviennent celles ci. On pourrait ainsi sauver ce qui reste d’activité agricole et industrielle dans nos régions.
La liste ci dessus est largement à compléter. Certains s’étonneront de ne pas voir au nombre de ces premières suggestions des meures directement sociales. La simple raison est qu’une politique sociale demande des moyens. La recherche de ces derniers est donc la priorité. Les mesures ci dessus, et bien d’autres, y contribueront.
Mais il va de soit que la liste se poursuivra par des engagements sérieux :
Sur le partage du temps de travail, rendu nécessaire par les gains de productivité réalisés depuis 40 ans et la robotisation en plein développement, indissociable d’une réflexion sur les rémunérations, allant jusqu’à étudier sérieusement l'idée d’un revenu de base (avec son financement).
Sur l’élargissement de la possibilité d'organiser la semaine de travail sur 4 jours (32 heures), que la loi permet déjà et que pratiquent près de 400 entreprises, une chose que tout le monde fait semblant d’ignorer.
Une remise à plat des ressources consacrées à la formation continue, gérées à ce jour de façon très opaque et largement inopérante. Des ressources que la Dares a chiffrées à 32 milliards dans sa note de décembre 2013.
Tout ceci prolongé par les questions cruciales de l’éducation nationale, du logement… et une nouvelle donne démocratique, (non cumul des mandats en premier lieu), ouvrant la possibilité aux citoyens de contrôler au fil du temps les décisions des élus, parfois peu conformes avec la notion d’intérêt général.
Et de fil en aiguille on pourrait en arriver à rêver de faire sauter le verrou de Bercy, de voir levé le secret défense, qui n’est bien souvent qu’un moyen de protection des hautes sphères gouvernantes, voir attribué au parquet financier une indépendance totale appuyée par des moyens d’enquêtes élargies et une police attribuée, détachée de sa hiérarchie politique et administrative, comme en Italie.
I have a dream.
* http://blogs.mediapart.fr/blog/bernard-leon/190815/adieu-la-democratie-bonjour-la-finance