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Billet de blog 3 févr. 2023

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Le procès du 28 septembre 2009 et la stratégie de défense du camp Moussa Dadis Camara

Les audiences du procès des massacres du 28 septembre 2009, au stade éponyme, voient défiler les accusés mais il est loin de connaître son épilogue. C'est plutôt le contraire: connaitra-t-on un jour la vérité de ces jours meurtriers de septembre 2009? Tant la dénégation, la mauvaise foi, l'amnésie semblent être l'unique stratégie de défense des accusés.

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Illustration 1
Première journée d'audience du procès du 28 septembre 2009 © Le Lynx

"...aussitôt que naît une tyrannie dans un régime libre, le moindre mal qui peut arriver à de telles cités est de ne plus progresser, de ne plus gagner en puissance et en richesse. Mais le plus souvent, et même toujours, elles reculent. Si le hasard faisait qu’y naisse un tyran énergique, qui par son courage et ses capacités militaires augmente son pouvoir, seul ce prince en tirerait un profit, et non pas l’Etat." Machiavel, Discours sur la première Décade de Tite-Live

Le procès du 28 septembre 2009, après 4 mois d'audience au tribunal ad hoc, est très loin d'avoir livré tous les secrets entourant le massacre de 157 personnes, plus de 1400 personnes blessées et plus d'une centaine de femmes violées (chiffres de la commission d'enquête internationale de l'ONU. La commission d'enquête nationale parle de 58 victimes) au stade éponyme, sans compter les disparus et les corps qui n'ont jamais été retrouvés.

Actuellement, c'est au tour du Colonel Blaise Goumou d'être à la barre des accusés. Mais il y a une constante depuis le passage du Colonel Moussa Tiegboro Camara et Capitaine Marcel Guilavogui: personne ne sait rien de ce qui s'était passé dans ces quelques jours de cette folie meurtrière; le déni total en dehors du Commandant Aboubakar Sidiki Diakité dit "Toumba" qui, malgré des questions sans réponse à ce jour, a donné quelques éléments en cohérence avec les témoignages des victimes. Quant au Capitaine Moussa Dadis Camara, chef de la junte militaire, le CNDD et chef de l'état, il s'est muré dans des dénégations et des explications confuses, des contradictions. Ce n'est qu'aux trois derniers jours de son audition que les avocats du Commandant Aboubakar Sidiki Diakité, Me Paul Yomba Kourouma, Me Sylla et ceux de la partie civile l'ont poussé dans ses derniers retranchements pour lui soutirer quelques éclaircissements.

Ce que je trouve ahurissant, c'est le rôle de leurs avocats qui, pour certains, sont réputés être des ténors du barreau guinéen. Quelle tactique de défense ont-ils élaborée ou tout au moins, pourquoi laissent-ils leurs clients dans cette démarche de déni total ?

Il y a des évidences même s'ils estiment que l'instruction n'a pas été à la hauteur des enjeux et qu'il manque de preuves irréfutables pour l'instant. En revanche, dans ce genre de joutes judiciaires, tu ne sais jamais d'où et quand peut sortir la preuve fatale, celle-ci étant libre. Il en va ainsi du Colonel Moussa Tiegboro Camara (il dirigeait les services spéciaux de la présidence) qui prétend être venu au stade par hasard; du Capitaine Moussa Dadis Camara qui estime avoir dormi toute la matinée après qu'il ait essayé de convaincre les leaders d'y renoncer la nuit même des événements, il prétend n'avoir pas été informé par tous les services de renseignement militaire et civil; du Colonel Claude Pivi, personnage lugubre et central de toutes les mutineries de l'armée de ces 20 dernières années et soupçonné de violences diverses sur les populations civiles, la police et d'exactions au sein même de l'armée, il prétend être en mission hors de Conakry pour une histoire de voitures volées par des soldats indélicats ce jour fatidique et pourtant, plusieurs témoignages le désignent comme auteur des pillages en banlieue, des cas de mort, certains témoins affirmant qu'il était aussi au stade et les jours suivants en banlieue avec ses hommes; du Capitaine Marcel Guilavogui qui affirme n'avoir pas été au stade malgré les témoignages concordants, y compris ceux de ses co-accusés Colonel Moussa Tiegboro Camara, Commandant Aboubakar Sidiki Diakité dit "Toumba" et d'hommes aussi crédibles que les leaders politiques; du Colonel Blaise Goumou qui vient nous faire croire qu'il est victime de discriminations, lui, l'homme compétent, dévoué à la chose publique, sincère mais dont le parti pris pour le camp du Capitaine Moussa Dadis Camara ne tromperait même pas un enfant de 7 ans.

Que les choses soient claires: cela n'absout pas Commandant Aboubakar Sidiki Diakité dit "Toumba" d'une quelque responsabilité et encore moins dire qu'il soit innocent car, il y a des zones d'ombre dans ses propos, mais à ce stade du procès, il est plus cohérent dans l'enchaînement des événements et les témoignages des victimes:

- présence d'infiltrés parmi les manifestants et l'existence des recrus de  Kaléah;

- présence du Capitaine Marcel Guilavogui au stade;

- présence des bérets rouges de la garde présidentielle et soustraction des corps de victimes;

- rôle de l'entourage du Capitaine Moussa Dadis Camara;

- informations de la manifestation connues par Capitaine Moussa Dadis Camara et le rôle qu'il aurait joué;

- présence et rôle du Colonel Moussa Tiegboro Camara;

- présence du Colonel Claude Pivi et ses hommes à quelques encablures du stade...

Subséquemment, il faut avouer que ce n'est pas leur procès mais celui de notre pays, la Guinée: tout cela en dit long de l'état, la société qu'on aura construit pour mener notre destinée. Il est venu le moment où chaque guinéen doit regarder ses actes, mener son introspection pour décider de son mea culpa car ne dit-on pas qu'un peuple qui désapprouve les actions douteuses de ses dirigeants, mais incapable de développer une réaction décente et collective en conséquence, ne mérite pas sa patrie!

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