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Billet de blog 16 avril 2022

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Réflexions sur un véritable vote blanc

Comment un vote blanc réellement comptabilisé pourrait participer à un renouveau démocratique

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Depuis ces élections présidentielles française de 2022, et dès après le premier tour en réalité, je n'ai entendu que défiance, mécontentement et résignation. Beaucoup de lassitude et d'incrédulité également ; comme en 2017, et comme - mais peut-être de façon moins forte - en 2012. Peu (pas ?) d'engouement ou d'adhésion à un programme, un projet ou une personne quels qu'ils soient.

Cette petite musique de la fatigue démocratique a maintenant de nombreuses années, elle est particulièrement frappante dans toutes les élections "de seconde zone", c'est à dire toutes, à l'exception de la présidentielle, où les taux d'abstentions sont vertigineux, et ne vont qu'en s'empirant.

Pour rappel des abstentions au 1er tours - les seconds tours sont généralement pires, sauf exception - lors des dernières élections (en gras les fois ou plus d'un électeur sur deux a considéré que ça ne valait pas la peine de se déplacer) :
Municipales : 2014 - 36,45% | 2020 - 55,25%
Départementales : 2015 - 49,83% | 2021 - 66,68%
Régionales : 2015 - 50,09% | 2021 - 66,72%
Législatives (synchronisées sur les présidentielles depuis 2002) : 2012 - 42,78% | 2017 - 51,30%
Européennes : 2014 - 57,57% | 2019 - 49,88%

Au-delà de l'abstention, c'est probablement un poncif de dire qu'une partie significative des votes allant à des partis considérés "extrêmes" reflète plus un mécontentement de la qualité de l'offre politique qu'une véritable adhésion aux programmes de ces partis - le fameux vote contestataire.

De façon générale d'ailleurs, il me semble qu'on vote surtout par défaut, pour le moins pire, et que le vote utile, les appels à "faire barrage à" et autre front républicain soulignent cruellement à quel point nos représentants se retrouvent sélectionnés principalement parce qu'ils ont eu la chance de se retrouver face à un candidat considéré comme dangereux.

Tout cela reflète sans aucun doute une certaine déliquescence de notre démocratie : de nombreuses personnes ne se sentent pas du tout représentées lors d'une élection, et aucune candidature ne leur convient. Les citoyens se retrouvent ainsi face à trois choix : s'abstenir - ça ne sert à rien, à quoi bon ? -, voter pour un extrême - le coup de pied dans la fourmilière -, voter pour un modéré (considération subjective) qui semble avoir le plus de chance de l'emporter - notamment pour contrebalancer ceux qui mettent un coup de pied dans la fourmilière.

Il est difficile d'évaluer le nombre de citoyens qui adoptent ces comportements, mais il semble clair qu'il est massif, et croit fortement.
Ces choix subis par les électeurs sont pourtant un véritable poison pour notre démocratie.

Tout d'abord l'acte de voter - ou de choisir de ne pas voter - est profondément insatisfaisant pour les électeurs. Il alimente l'idée que nos élections sont des exercices pénibles et inefficaces. Où est la démocratie dans tout cela ?
Ensuite, bien sûr, le danger qu'un parti extrême arrive effectivement au pouvoir "par accident" est réel.
Mais de la même façon, on peut considérer que les candidats plus modérés qui sont élus le sont également "par accident", par défaut, avec un niveau d'adhésion faible, ce qui met à mal leurs crédibilités et leurs facilités à gouverner, et au-delà - ce qui est plus grave - crée à nouveau du doute et du ressentiment à l'égard de notre système démocratique.
Enfin, ces comportements participent à l'appauvrissement de l'offre politique. Les abstentions, votes blanc et nuls n'étant pas comptabilisés, il ne faut pas proposer un projet sérieux pour être élu, il faut simplement être globalement moins pire que les autres. Ce constant nivellement par le bas aboutit à la campagne que nous avons eu pendant ces élections présidentielles 2022, où les différentes propositions et débats étaient hors-sujet, et d'une pauvreté inouïe.

On se met alors à chercher un système qui permettrait aux citoyens d'exprimer démocratiquement cette frustration, ce malaise face à des offres politiques qu'ils jugent mauvaises sans être réduit aux trois choix précédents qui blessent notre pays. Je crois personnellement que le comptage plein et entier du vote blanc pourrait significativement améliorer la situation actuelle - et particulièrement dans le cas de l'élection présidentielle.

Le mécanisme est très simple : le vote blanc compte comme un candidat à part entière dans les résultats de vote. N'étant a priori pas incarné par un candidat (dans l'absolu, rien n'empêcherait qu'un candidat se présente et fasse activement campagne pour le vote blanc), il n'a pas besoin de temps de parole, mais il devrait être présent dans les sondages. Si le vote blanc remporte une élection, celle-ci est considérée nulle et doit être rejouée plus tard. Les mêmes règles s'appliquent lors de ce rejeu.

Cette mesure nécessite évidemment des arbitrages techniques (combien de temps, et quelle gouvernance entre l'élection nulle et la nouvelle élection, les candidats battus par le vote blanc peuvent-ils se représenter, ...) mais il me semble que ce serait un puissant rafraichissement pour notre système démocratique.

Tout d'abord, le paysage politique gagnerait nettement en clarté : en ouvrant un choix refusant explicitement les autres options, nous aurions d'abord un signal très clair de la quantité de citoyens qui ne se retrouvent dans aucune offre politique et refusent qu'une d'entre elles soit choisie. Mais aussi, inversement, le vote pour un parti et l'abstention deviendraient principalement des choix d'adhésion sincères.
L'offre politique serait nécessairement sensible à ça - ne serait-ce que parce que les seuils de remboursement des frais de campagne se trouveraient plus difficiles à atteindre.Un vrai travail idéologique et programmatique deviendrait nécessaire pour aller chercher l'adhésion des citoyens.
Il est de ce fait probable que, pour accomplir ce travail, de nombreux partis, plus petits, plus spécialisés, se créent, ce qui générerait une augmentation de la participation des citoyens dans ces partis, qui serait nécessairement bénéfique pour notre démocratie. On peut anticiper des accords et alliances électorales entre certains de ces partis qui, en apportant une culture du débat et du compromis, nous ferait également beaucoup de bien.
Enfin les candidats élus bénéficieraient également d'une crédibilité solide pour l'ensemble des citoyens, et seraient soutenus par des programmes plus cohérents et travaillés.

On m'opposera qu'il n'est pas acceptable que la France puisse se retrouver sans président pour une période a priori indéterminée, puisque toute élection peut voir gagner un vote blanc, sans qu'aucun candidat n'emporte l'adhésion. Il est certain qu'une telle période de flottement n'est pas en soit désirable ; néanmoins l'argument inverse est tout aussi valide : est-il tellement acceptable d'accepter durant 5 ans d'être présidé par une personne qui ne doit son poste qu'à l'indigence de son opposant ? Qui ne pourra que difficilement appliquer un programme mal ficelé, jamais expliqué et qui n'emporte qu'une adhésion très faible ?
Il me semble contre-productif d'accepter notre système actuel clairement défaillant, qui met pour des années au pouvoir des personnes faiblement plébiscitées, pour simplement éviter quelques hypothétiques mois sans vainqueur désigné.
Les anciens élus en poste seraient d'ailleurs probablement encouragés à conserver leur position, et continuer à gouverner dans un cadre restreint, comme c'est déjà le cas dans plusieurs pays, dont d'ailleurs la France, ou la tradition veut qu'un gouvernement démissionnaire continue d'expédier les affaires courantes entre les élections présidentielles jusqu'à la nomination du gouvernement du président élu.

Certainement, cette mesure seule ne peut prétendre résoudre les nombreux problèmes de notre démocratie. Elle permettrait néanmoins, a minima, de rendre l’expression des citoyens plus impactante et transparente.

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