Dans un monde moins que jamais prêt face à un réchauffement climatique qui s'accélère nettement, dans une Europe qui redécouvre sur son sol la violence d'une guerre d'agression et de destruction brutale, dans une France à l'État perclus d'une myriade de défaillances de ses services régaliens - santé, justice, éducation, sécurité, armée, ... - nous voilà à rejouer nos anciennes et minuscules pièces de théâtre, interrompues par l'épidémie de Covid 19 (rappelons-nous les grèves de décembre 2019 contre ... une réforme des retraites).
Le jeu des acteurs fait au mieux bailler, mais ces derniers ne peuvent s'empêcher d'incarner leurs rôles mille fois réchauffés dans ce balet grotesque qui durera encore quelques mois. Le gouvernement communique en amont sur le projet, faisant mime d'envisager une option douloureuse - le départ en retraite à 65 ans, puis décide lors de la présentation du projet de loi de s'arrêter à 64 ans, en parrain magnanime, prêt à un geste de miséricorde pour adoucir une mesure nécessaire. L'opposition pousse ses cris courroucés de Cassandres effarouchées, taillant en pièce un projet si destructeur pour la France qu'elle se déliterait immédiatement au premier décret d'application. Les syndicats retrouvent quelques couleurs et se lèchent les babines à l'idées des grandes manifestations qui faisaient tout le sel de leur vie d'avant.
Tous insistent lourdement sur l'importance fondamentale de ce chantier. La réforme est le "marqueur du quinquennat", selon le bord politique, elle permettra de maintenir, ou sera la fossoyeuse du "pacte républicain", de la "solidarité intergénérationnel", on invoque à tout va la "justice sociale". On chouine pour les anciens et leurs durs années de labeur, on geint pour les enfants à l'avenir hypothéqué, on se drape de promesses de campagne, la main sur le cœur. Autant de mots, de concepts, de postures indignées qui ne résonnent plus, ne signifient plus rien.
Toute cette agitation pour une réforme qui n'en a que le nom en dit long sur l'état de la politique dans notre pays. Qu'un projet de loi accumulant des mesures de boutiquiers, vide de tout choix politique radical et ne répondant à aucune problématique de société fondamentale prenne autant de place dans notre vie politique souligne à quel point nos représentants ne jouent plus que sur l'impuissance, le cynisme et la communication.
Qu'on se demande ensuite, pourquoi les Français s'investissent de moins en moins dans la politique, boudent de plus en plus les élections, d'autant plus qu'ils sont jeunes. L'acharnement à présenter comme un point de bascule de toute la société des ajustements sur un système dont la plupart sont convaincus qu'ils ne verront jamais le premier euro sape toute crédibilité de notre monde politique. On étouffe d'écœurement.
Et pendant ce temps, la France sombre, l'Europe est saccagé et le monde brûle.