Régina Louf
Elle a été décrite publiquement comme folle et mythomane [i]. Pourtant ce sont parfois les enquêteurs, les médias, la famille, qui ont menti à propos de ses déclarations. Pour quelle raison ? Quel besoin ressentent donc des journalistes, des flics, sa propre famille, de la ridiculiser, si c’est une menteuse pathologique ? Elle y parviendrait bien toute seule et donc il n’y aurait pas besoin d’en rajouter. Cela pourrait être une manifestation d’un simple « bolossage » (ce qui est déjà inacceptable), mais certains de ces mensonges sont si graves (à mes yeux), qu’il me parait utile d’en recenser quelques-uns.
1. Ses parents prétendaient ne pas savoir que leur fille était violée par Tony V. dès l’âge de 12 ans.
Le témoignage de Regina Louf, qui a déclaré avoir été violée dès l'âge de douze ans par un ami de ses parents, a été contesté par l'ami en question et par ses parents [ii]. Cependant, lorsqu’il s’est avéré que cela vérité ne pouvait plus être cachée, leur discours a changé : maintenant Louf était depuis le début une petite aguicheuse, demandant même à sa mère de donner les clés de la maison pour qu’il puisse la visiter à toute heure du jour et de la nuit. Tony V. n’était pas un violeur, mais un « amant », Louf était « déjà formée », presque une femme. Des propos qui n’ont pas choqué la justice en la personne de la substitut gantoise De Rouck, puisqu’elle-même dit que Louf avait recherché le contact sexuel [iii]. Elle insiste en affirmant que ce n’est qu’après le début de l’affaire que Louf interprète de manière négative les viols qu’elle a subi [iv].
2. Les enquêteurs auraient influencé les réponses de Louf à propos du meurtre de Christine Van Hees.
Dans son livre « L’enquête manipulée » [v], le journaliste Dawant a accusé les enquêteurs d'avoir influencé les réponses du témoin Louf en ce qui concerne certaines scènes de meurtres. Pour étayer ses affirmations, Dawant a inclus des transcriptions d’auditions qui semblaient le confirmer. Cependant, des comparaisons entre les transcriptions partagées par Dawant et les transcriptions originales montrent qu’elles sont différentes. Dans le livre de Dawant, des « oui » deviennent des « non », des propos prononcés par Louf sont mis dans la bouche des enquêteurs. Cela donne l’impression qu’ils guident les réponses de Louf, ce qui n’est pas le cas dans la transcriptions originale [vi].
3. Selon le gendarme Jan Vincent, la maison de Waarschoot ne serait pas entourée d’une douve rectangulaire, ne serait pas en brique.
Louf décrit la maison dans laquelle elle dit avoir assisté au meurtre de Dellaert. Elle donne la description d’une villa en briques entourée par un étang rectangulaire. L’enquêteur Jan Vincent se rend sur place pour vérifier et constate : l’étang existe mais n’est pas rectangulaire, présente un aspect « naturel », pas de trace de brique. Des journalistes se rendent également sur place, constatent que la description donnée par Louf correspond bien au lieu, à quelques détails près [vii]. Aujourd’hui encore on peut « visiter » les environs de la maison de Waarschoot [viii] sur Google Maps (coordonnées 51.132310, 3.613746). Pour donner un aperçu :
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4. Le commandant Duterme prétend que Régina Louf a dit des choses qu’elle n’a pas dite
Le commandant Duterme, un francophone qui ne maîtrise pas le néerlandais, opère une relecture des auditions originales, pourtant effectuées en néerlandais. Cela le conduit à faire des erreurs, comprenant par exemple que Louf affirme que sa grand-mère est présente lors du meurtre de Christine Van Hees, ou au contraire ne comprenant pas que la description d’un jerrican servant à bruler une victime est donnée par Louf et non par les enquêteurs [ix]. A noter qu’il n’a peut-être pas menti à propos de Louf mais sur ses compétences à opérer le travail de relecture.
5. Louf aurait prétendu que Christine Van Hees était allée au Canada
Pour ceux qui acceptent encore de laisser à Regina Louf le bénéfice du doute, fin avril 1998, c’est surtout la petite anecdote sur le voyage au Canada qui donne matière à réflexion. Cette histoire sera étalée non seulement dans Het Nieuwsblad et De Standaard, mais également à la télévision. Regina Louf s’est complètement trahie lors de la confrontation avec Pierre Van Hees et Antoinette Vanhoucke [NDLR : parents de Van Hees]. […]. Pendant la confrontation, elle a inventé une histoire selon laquelle sa fille avait fait un voyage au Canada peu avant sa mort. Regina Louf est tombée dans le panneau et a dit qu’elle se souvenait que Kristien en avait parlé. Difficile de faire plus humiliant.
Or selon les transcriptions des auditions enregistrées sur vidéo, voilà ce qui s’est dit :
Antoinette Vanhoucke: «Et entre-temps, elle fait un grand voyage. Elle part au Canada. Elle n’en a jamais parlé?»
Regina Louf: «Je ne pense pas que nous ayons eu l’occasion de parler de ces choses-là.» [x]
Autrement dit, rien sur le Canada. Qui a inventé ce mensonge qui a fait le tour de la presse ?
6. Louf a prétendu que sa mère lui faisait prendre des contraceptifs dès l’âge de 11 ans alors que le nom du contraceptif qu’elle donne n’existe pas
Louf affirme que, dès l’âge de 11 ans, sa mère lui donnait des contraceptifs dont le nom serait "Marvolan". Aucun contraceptif de ce nom n'existe, disent les enquêteurs réexaminant ses dépositions. Mais il y a le "Marvelon" qui est un contraceptif produit par AkzoNobel [xi]. En 1996, Louf parle de faits vieux de plus de 10 ans. Les orthographes sont tellement similaires que ne pas faire le rapprochement est mentir.
7. Les gendarmes prétendent que Louf se trompe lorsqu’elle affirme que Dellaert n’était pas enceinte lorsqu’elle est morte
Louf décrit une scène durant laquelle Dellaert est torturée et violée pendant son accouchement. Le rapport d'autopsie indique que Dellaert était enceinte et qu’en outre, on retrouve dans son corps au niveau du bassin des fragments d'un dispositif destiné à provoquer l’accouchement (un dilatateur osmotique) [xii]. Plus tard la BSR de Gand affirme que Dellaert n'était pas enceinte au moment de sa mort, la justice suit et clos l’enquête [xiii].
8. Les enquêteurs prétendent que Louf ne connaissait pas l’adresse de Nihoul dans les années 1980.
Louf fournit l’adresse du domicile de Nihoul dans les années 1982-84. Les enquêteurs démentent : Nihoul n’a jamais habité à cette adresse avant 1984. Dans une audition antérieure, Nihoul dit lui-même avoir habité à cette adresse à cette époque [xiv]. Ces documents sont en possession du juge Langlois.
Selon la substitut gantoise Nicole De Rouck : “Nous avons vérifié les déclarations de X1 jusque dans les détails les plus infimes et les plus absurdes, et elles se sont toutes révélées fausses” [xv]
Notes
[i] Une liste non-exhaustive :
- « Régina Louf est une mythomane », Claude Eerdekens, député, bourgmestre, ministre (Belgium's X-Files - An Olenka Frenkiel Investigation)
- « Regina Louf délire. », René-Philippe Dawant, journaliste (Les dossiers X)
- « tout ce que raconte «notre Régine» n’est que fabulation » son père (Les dossier X)
- « Son esprit est dérangé, je ne vois que ça. Elle a toute une bibliothèque remplie de livres de Stephen King. », son père (Les dossier X)
- « Le terme de supercherie n’est pas trop fort au vu de ce qu’on sait aujourd’hui » et « Le récit de Regina Louf n’était que du vent » Nancy Ferroni, journaliste, x1 la supercherie démontée
- Des «témoins» auto-proclamés […] se fantasmèrent en co-victimes de Dutroux ou de ses puissants maîtres. […] Les témoins X […] exposèrent leurs fantasmes aux médias. Véronique Campion-Vincent, sociologue, Élites maléfiques et ”complot pédophile” : paniques morales autour des enfants
[ii] Des extraits :
- Le nom de Tony – qui est jusqu’alors nommé T. dans la presse – lui [le père] dit bien quelque chose, déclare-t-il. C’était un représentant de commerce anversois charmant, qui jusqu’en 1988 «venait régulièrement boire une tasse de café quand il passait dans le coin». Il n’a rien, absolument rien remarqué. Et il n’a plus entendu parler de Tony depuis des années, ajoute-t-il. (les dossiers X)
- Georges Louf pourra continuer à réciter imperturbablement la même histoire, notamment, plus tard, au cours d’une longue interview dans l’émission Au Nom de la Loi: sa fille a eu une jeunesse parfaitement normale et insouciante. (les dossiers X)
- Elle nie tout d’abord avec autant de force que son mari que Tony V. ait causé quelque problème que ce soit dans la famille. Il venait environ une fois par semaine et seulement la journée. «Il est resté dormir deux fois», se souvient-elle. (les dossiers X)
- – (...) Excuse-moi, papa, il avait même une clef.
– Je ne sais pas. C’est ce que tu dis. Et ma femme dit que ce n’est pas vrai. (les dossiers X)
- «Je n’ai jamais touché Regina.» Tony V. déclare qu’il venait simplement en visite chez les Louf pour «boire une tasse de café et lire les dépliants publicitaires, pour chercher de nouveaux clients et passer des coups de téléphone pour affaires. C’était avant l’invention du GSM.» (les dossiers X)
- A Bruxelles, Kathy Neukens raconte que les parents et les grands-parents de Regina Louf étaient des gens exemplaires. Elle croit savoir également que Regina Louf était encore vierge lorsqu’elle a rencontré Erwin., (les dossiers X)
[iii] Des extraits :
- « Lorsque j’ai connu cette famille, il s’est avéré qu’il y avait aussi une fille, qui avait douze ans à l’époque. Question physionomie, cette fille était déjà fort développée pour son âge, en d’autres termes: elle était déjà presque une femme adulte. » […] « Je peux d’ailleurs affirmer également que c’était le plus souvent Regina qui faisait mine de “monter”, pour ainsi dire. (...) Je me souviens avec certitude que Regina, lorsque j’ai couché avec elle pour la première fois, n’était certainement plus vierge. Je pense pouvoir l’affirmer d’expérience. (...) A un moment donné, j’ai effectivement reçu de Christiane une clef de la maison, à l’insu de son mari, pour que je puisse entrer dans la maison quand bon me semblait. (...) » Tony V., commercial, (Les dossiers X)
- De Rouck déclare dans des interviews que Regina Louf a bien eu une relation sexuelle avec Tony V. «dès l’âge de douze ans», mais que les faits sont prescrits et qu’«elle a elle-même recherché ces contacts. (Les dossiers X)
- C’est également «sur l’insistance de Regina» qu’elle avait donné une clef à Tony, dit [la mère]. (Les dossiers X)
[iv] [ce] n’est qu’après l’affaire Dutroux qu’elle a interprété cela comme des abus sexuels.» De Rouck, substitut gantoise (Les dossiers X)
[v] « L'enquête manipulée: les fausses pistes de l'affaire Dutroux » Dawant 1998
[vi] Selon le livre de Dawant :
– Enquêteur : Est-ce que vous sentez une odeur?
– Louf : Non.
– Enquêteur : Pouvez-vous décrire cette odeur?
– Louf : Si vous savez ce qui se passe, pourquoi voulez-vous que je vous le dise encore?
– Enquêteur : Ils la brûlent. Ne le voyez-vous pas? N’avez-vous pas une image de ce qui se passe?
– Louf : (pas de réponse)
Selon les transcriptions originales :
– Enquêteur : Y a-t-il une odeur à cet endroit?
– Louf : Oui.
– Enquêteur : Pouvez-vous décrire cette odeur?
– Louf : Non.
– Enquêteur : Y a-t-il quelqu’un d’autre qui puisse décrire cette odeur?
– Louf : Si vous savez ce qu’il se passe, pourquoi voulez-vous que je le dise encore?
– Enquêteur : Si?
– Louf : Si vous savez ce qu’il se passe, pourquoi voulez-vous que je le dise encore?
– Louf : Enquêteur : Non, non, je ne sais pas ce qui s’est passé. Peut-être que je sais ce qui s’est passé, mais alors
vous devez m’aider à... Vous ne voulez pas m’aider?
– Louf : Si. Ça s’est passé comme ça, comme ça... heu... Ils l’ont brûlée.
– Enquêteur : Ils quoi?
– Louf : Ils la brûlent.
Le livre contient d’autres dialogues «retravaillés» entre X1 et ses interrogateurs.
Dawant dit que ce sont des petites erreurs qui ne remettent pas en cause sa thèse.
(Les dossiers X)
[vii] Les différentes déclarations
- Déclaration de X1
X1 a parlé en outre d’une «espèce d’étang, mais pas un étang naturel, un truc assez rectangulaire». Cet étang, a-t-elle précisé, faisait le tour du bungalow, comme des douves. Concernant la maison, elle a dit: «Un machin carré, en briques. Avec une petite fontaine devant.»
- Déclaration du premier maréchal des logis Jan Vincent
Jan Vincent est bien obligé d’admettre que l’étang est là, mais – nous citons mot pour mot: «Ces douves présentent un aspect plus naturel qu’artificiel. Le plan d’eau n’est certainement pas rectangulaire, et nulle part, on n’aperçoit des briques, ni une fontaine.» […]
- Déclaration des journalistes
que découvre-t-on? La maison de Waarschoot est presque entièrement entourée d’un étang, aussi rectangulaire que possible. Des arbres et des buissons déforment les droites dessinées au moment de la construction, mais compte tenu du fait que X1 déclare être venue là en 1983 et que la végétation a poussé depuis lors, on ne peut conclure autrement qu’en disant qu’à l’époque, l’étang devait être parfaitement rectangulaire. Comme peut le constater n’importe quel passant, la maison est bel et bien en briques. (Les dossiers X)
- Google Earth :
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[viii] voir « dutroux-dossier-summary-2005 (wikileaks) »
[ix] Quelques passages :
- Jean-Luc Duterme est francophone et parle un néerlandais très approximatif.
- Elle parle d’un «groene bus» («bidon vert») qui se trouvait par terre, dont elle précisera qu’il contenait le «spul». Il semble parfaitement clair qu’un «bidon vert qui contient un liquide inflammable» peut s’appeler un jerrycan. A la page 100, X1 revient sur les objets décrits précédemment: «Là, il y a ce jerrycan, il y avait encore quelques sacs avec des affaires...» Duterme entoure le mot «jerrycan» d’un trait sauvage et ajoute: «Ce n’est pas l’objet dont elle parle au début.»
- L’ignorance linguistique de Duterme, doublée de sa prétention à comprendre le néerlandais, en devient pitoyable. […] X1 parle de trois crochets de boucherie accrochés au plafond. Elle dit que sa «grand-mère aussi avait ça dans sa cuisine». Le fait qu’elle veut expliquer ainsi pourquoi ces crochets sont restés dans sa mémoire échappe complètement à Duterme. Il lit le mot «grand-mère» et en déduit que X1 déclare qu’elle était présente lors du meurtre. Duterme note: «Donc on la retrouve ici aussi.»
(Les dossiers X)
[x] (les dossiers X)
[xi] Voir les extraits de PV publiés sur le compte Facebook d’Aimé Bille :
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[xii] «une femme pourvue de fesses et de seins grands et gras». […] il indique que la jeune fille portait un soutien-gorge de taille 90, bonnet C. […] une taille bien supérieure à celle de Carine Dellaert […] «La présence, dans le bonnet, d’un petit morceau de gaze rectangulaire, ce qui indique un gonflement mammaire et une perte de liquide. Ceci arrive fréquemment chez les nullipares.» […] Le médecin signale qu’il s’agit là d’«un fragment de crayon laminaire». Légiste Timperman (Les dossiers X)
Voir également « dutroux-dossier-summary-2005 (wikileaks) » PV 100.242 et 100.405 De Pauw
[xiii] «Aucun élément n’a été découvert permettant d’affirmer, comme le fait Louf Regina, que Carine Dellaert aurait continué à mener une vie clandestine ou qu’elle aurait été enceinte, voire sur le point d’accoucher. Dans le rapport d’autopsie du professeur Timperman, il n’est pas dit non plus que Carine Dellaert aurait été enceinte.»
Le procureur Soenen parle avec beaucoup de conviction, quand il annonce la fermeture définitive du dossier Dellaert, lors d’une conférence de presse, le 12 juin 1998. (Les dossiers X)
[xiv] « J'ai effectivement habité Rue des Atrébates, nr 124 durant deux ans entrer 1982 et 1984 avec DECOCKERE Marleen. » Nihoul, audition de la PJ, extraits de PV publiés sur le compte Facebook d’Aimé Bille.
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[xv] En néerlandais : “We hebben de verklaringen van X1 tot in de kleinste en absurdste details nagetrokken en ze zijn allemaal onjuist gebleken” (Knack)