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Billet de blog 29 décembre 2021

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El pueblo unido jamàs sera vencido !

Tout le monde est l’ami du Chili et de Victor Jara depuis la victoire de Boric. Mais encore ? Alors que l’on se laisse emporter par la force du slogan, on voudrait une réponse à cette question : qui est le peuple ? Et comment l’unir ?

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Tout le monde est l’ami du Chili et de Victor Jara depuis la victoire de Boric mais encore ? Alors que l’on se laisse emporter par la force du slogan, on voudrait bien une réponse à cette question : qui est le peuple ? Et comment l’unir ?

Nous sommes comme écrasés par la petitesse de l’avenir, une étroitesse de vues qui nous prive d’espoir et nous maintient, et surtout les plus pauvres, les plus faibles, dans cette merde noire. Mais, non, Jadot et Mélenchon ne gagneront pas les élections dans ces conditions, Hidalgo non plus, bien sûr. Pourquoi ? Trop détestés, trop détestants, trop là depuis longtemps sans avoir laissé de traces mémorables, pas vraiment au pouvoir mais bien trop près de lui. Tout à la fois sans doute. Et surtout, trop seuls.

Le pouvoir

Si nous clamons partout que le pouvoir corrompt et qu’il a tout corrompu (surtout-les-socialistes-traitres-à-la-cause), se tenir à l’écart du pouvoir est vain. N’est-ce pas ce qu’ont compris encore une fois les Chiliens, chargés pourtant d’une expérience douloureuse 50 ans plus tard : il faut bien conquérir le pouvoir pour, non seulement, dire comment nous voulons vivre, mais le faire. Les autres n’ont pas peur du pouvoir, ils le prennent pour organiser et défendre leurs intérêts. A jouer les effarouchés, nous leur laissons le champ libre.

Comment être droit sans être intransigeant ? Comment négocier sans se compromettre ? L’urgence devrait nous y conduire. Mais, il faut alors mieux connaitre Jara : « Te recuerdo Amanda » ce n’est pas « Les mains d’or » de Lavilliers. Les situations ne sont pas les mêmes. La mystique révolutionnaire se pense universelle mais l’action politique est contingente.

Parce que c’est bien de cela qu’il s’agit si l’on veut inverser le rapport de force qui déconstruit chaque jour ce qui a été si difficilement bâti, porté par les luttes et traduit politiquement quand la gauche de près ou de loin, a gouverné. Il nous faut conquérir le pouvoir.

Une analyse de la structure sociale pour gagner

Si ouvriers, employés et chômeurs, majoritairement issus de leurs rangs, sont absents de l’Assemblée, ils sont également absents des partis et des partis de gauche où on penserait les trouver. Ils sont la plupart du temps absents également des mouvements sociaux. Ah stop me dit-on : et les gilets jaunes ? Et oui justement, les gilets jaunes, où sont les débouchés politiques ?

Le constat est pourtant imparable : la société se divise entre ceux « qui y arrivent » et « ceux qui n’y arrivent pas » : qui n’arrivent pas à se loger, à faire leurs courses, à partir en vacances, à satisfaire aux envies de leurs enfants, à aller chez le dentiste, à faire des choses superflues, à vivre quoi. Mais celles et ceux qui militent dans les mouvements qui peuvent conquérir le pouvoir sont plutôt dans le premier groupe. Peut-on le regretter ? Sans doute. Doit-on se rouler par terre ou taper du pieds en traitant les uns de bourgeois et les autres d’incapables, j’en doute. S’obstiner à séparer dans la conquête du pouvoir ceux qui le sont effectivement par leurs conditions de vie, alors qu’ils peuvent avoir des aspirations communes, est une erreur.

Reprenons la lunette de Karl. Dans ce cas nous distinguerons ceux qui possèdent et n’ont nul besoin de travailler et ceux qui, sous des formes et des contraintes extrêmement variées et inégales doivent vendre leur force de travail. Cette classe qui ne vit pas de ses rentes n’est pas homogène politiquement bien sûr mais c’est en son sein que l’on peut faire surgir une conscience à même de renverser l’ordre des choses. C'est même la seule force suffisante pour le faire. L’unité du peuple est là.

La preuve par la crise sanitaire

Le covid, et particulièrement la parenthèse du confinement, a donné l’occasion de vérifier à la fois la polarisation des inégalités et la convergence du mal-être. Les positions socio-économiques sont inégales entre ceux qui sont privés d’autonomie par la faiblesse de leurs revenus et ceux qui, au-dessus du revenu médian, ont pu mobiliser toutes les ressources accumulées et profiter de ce moment exceptionnel. L’interrogation sur le sens de l’existence, le sens de ces rapports de production, le sens d’une mondialisation appauvrissante, le rejet des inégalités, la vacuité d’une consommation matérielle infinie, est devenue manifeste et a rendu chacun plus responsable, plus consciemment responsable de sa participation au système économique qui est le nôtre.  C’est une opportunité pour une contestation commune d’une organisation qui certes traite différemment les insiders et l’armée de réserve, mais qui fondamentalement les maltraite tous chaque fois davantage : fonctionnaires dépossédés de leurs droits, cadres et professions intermédiaires pressurés par des objectifs de travail inaccessibles, contrats de travail plus précaires toujours plus courts, statut des chômeurs dégradé…

Et la démocratie alors ?

Tous les jours, je me dis qu’il y a une bonne raison de juste aller s’assoir sur le trottoir d’à côté. C’est facile, chaque jour des êtres humains se noient après que leur radeau a fait naufrage entre Calais et les côtes anglaises ou au large de la Lybie.

Nombreux sont ceux qui connaissent cette indignation : un gros siècle de démocratie a forgé des esprits qui souffrent de l’injustice et sont sensibles aux inégalités. Pas assez c’est sûr, d’ailleurs personne ne vient s’assoir. La désignation d’un bouc émissaire responsable de tous nos maux qu’il s’agisse des étrangers, des migrants, des jeunes de banlieue, des jeunes tout court, des musulmans, des juifs, des faignants… semble gagner les esprits et vider nos chances de faire valoir un monde solidaire et fraternel. Mais soyons clair, ce fond, ce mauvais fond n’avait jamais disparu d’une partie des esprits, et même aux époques du syndicalisme conquérant et de l’union des gauches, il était simplement mis en sourdine pas les effets positifs des politiques de redistribution et de progrès social, de démocratisation scolaire et amélioration des conditions de logement. D’autre part, la diffusion de ces idées est inversement proportionnelle à notre capacité, à nous organiser, à transgresser l’ordre quotidien, à voler du temps à notre activité productive pour fabriquer du collectif, à aller porte après porte contrecarrer le discours qui empêche l’émancipation. Qui nous en empêche ? L’égoïsme, la flemme ? Peut-être. Mais surtout, l’absence de perspective. Que nous ne sachions pas quoi faire de notre indignation quotidienne ne la rend pas moins réelle.

Créer un débouché politique

On peut quelques fois se poser en looser héroïque, c’est romantique. Mais, dans ce cas, c’est qu’on sauve quelque chose. Il n’y a aujourd’hui, ni principe, ni fierté à sauver, uniquement de la rancœur et du mépris. Wow, Valls n’est pas de gauche ! Quel scoop ! Mais qui a dit “ceux qui sont pris à Dijon dans des bandes armées et qui sont en train de demander l’asile politique ne doivent pas l’avoir”. Aïe Jean-Luc, ça craint cette contamination du discours d’extrême droite. Evitons le concours de la pureté politique, il offre uniquement de petits prix.

Perdre parce que « plus de gôche que moi tu meurs » ou perdre parce qu’on ne peut-pas-gouverner-avec-ces-gauchos-qui-n’ont-aucun-sens-du-réel ou perdre parce que c’est-l’abandon-du-nucléaire-ou-la-mort, c’est perdre.

C’est perdre et laisser le champ libre à ceux qui achèveront définitivement la condition salariale, déconstruiront ce qu’il reste des solidarités de la sécurité sociale au profit d’une assistance minimale, feront de l’école publique une école inutile, ne s’opposeront jamais aux lobbies qui bloquent toute transition énergétique, construiront des murs pour faire croire que la faim et les dictature resteront derrière, ne règleront jamais les inégalités entre les femmes et les hommes car le patriarcat est constitutif de leur pouvoir, continueront d’alléger les droits de successions et réduiront la progressivité de l’impôt car ils défendent une société d’héritiers.

Tu crois qu’il faut en passer par là pour « faire bouger les masses » ? Sans doute que tu ne fais pas partie « des masses ». Ceux que tu appelles « les bourgeois » sociaux-démocrates, n’en souffriront pas jusqu’à ce que les plus pauvres, les plus en colères viennent bruler leur bagnoles, hybrides mais chères quand même. Et toi aussi on viendra mettre le feu à ton local syndical ou militant, à l’école, à la bibliothèque, parce que si l’on n’a que les os à ronger, on devient enragé. Et jusqu’à preuve du contraire ça n’a ouvert la porte qu’au fascisme.

Concrètement

C’est vrai que nous sommes dans un régime présidentialisé qui pousse davantage à rechercher le sauveur qu’à débattre des idées. Mais, dans un régime démocratique, cela ne fonctionne que parce que les élections législatives lui offrent une majorité pour faire de ses décisions des lois. Nous sommes dans un régime semi présidentiel d’accord, donc dans un régime semi parlementaire. Sans doute la victoire présidentielle est encore un passage obligé pour donner un élan pour le deuxième round : celui où on choisit ceux et celles qui votent la loi. Et pourquoi pas une nouvelle constitution. Cela peut sembler naïf mais nous n’avons rien de mieux à nous mettre sous la dent.

Faisons l’unité pour la première élection, elle nous donnera l’envie de gagner la deuxième. Passons par une primaire populaire ou des discussions et choisissons. Choisissons une personne qui ne sera qu’un symbole. Une majorité pour gouverner n’a pas besoin d’être absolument homogène. Elle a besoin d’un horizon et les chemins pour l’atteindre se négocieront, parfois avec un coup d’épaule de la rue, parfois avec des paliers imposés par nos relations au monde extérieur. Mais dans tous les cas, il est possible de la construire et de réaliser que la fatalité qui nous emprisonne n’est qu’une ruse… du capital.

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