Ce n'est pas la vie de Château

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Puisque le mot revient à la mode, une mode sur laquelle se dépose un flot tumultueux de mécontentement, il est bon de repartir aux sources de son existence pour expliquer comment, Freluquet qui rêve de nous voir échouer sur le sable au terme de nos vies professionnelles, nous jeter sur la grève pour mieux nous y abandonner tandis que le rafiot France ne vogue plus que pour les nantis de son clan.
La grève c’est grave et c’est précisément l'étymologie latine de ce mot qui vient de grava, sable, gravier, mot identique en gaulois du reste. Un petit caillou ou même un plus gros dans la chaussure des marches immobiles et souvent rétrogrades de la clique qui gouverne. De savants lexicologues affirment de plus la relation sémantique avec l’ancien verbe français, graver, qui serait proche de gravir, exprimant un déplacement de matière tout comme le sable se meut dans la rivière. Il y a donc grand risque d’escalade dans la grève si elle se met en tête de gravir les montagnes qui se dressent devant elle.
Alors que ceux qui restent sur le sable : Grensanos en gaulois, se mettent à battre le pavé, il y a là un raccourci qui ne peut qu’amuser l’amoureux des mots. La journée sera un gros pavé dans la mare, un caillou lancé aux marchands de sable qui nous endorment en vaines promesses, fausses mesures et honteuses régressions de nos droits. Et si par extraordinaire, le bras séculier venait à sortir les canons à eau, un grain de sable risquerait fort de gripper les rouages de l’état.
Si la grève accueille volontiers des oiseaux migrateurs pour leur reproduction, celle-ci peut tout aussi bien provoquer une éclosion de toutes les colères rentrées depuis l’élection de Freluquet, grand illusionniste qui s’est mis exclusivement au service des gros extracteurs de sables et de richesses. Il a dragué le peuple pour finalement le laisser tomber, lamentablement.
Le gros problème sur une grève c’est l’instabilité du terrain. Il y a des risques d’effondrement, si c’est le pouvoir en place, il y aurait plutôt lieu de se réjouir, mais ça peut être tout aussi bien ceux qui s’y trouvent et risquent alors à défaut de mordre la poussière, avaler une fois de plus des couleuvres et cette poussière de sable qu’on nomme mignonnette. Il existe encore la possibilité d’une cassure, d’une fragilité telle que le banc de sable se détache et modifie le régime de la rivière ou celui de l’état.

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Il demeure surtout le péril du cul de grève, cet espace diabolique en aval du banc de sable dans lequel il est possible de perdre pied, de ne plus être en mesure de se retourner et d’être pris au piège des tourbillons et du courant. Là, il est évident que les queues de cortège qui provoquent de tels tourments, les favorisent grandement du reste avec la complicité active de tous ceux qui ont intérêt à voir le mouvement s’échouer.
Les uns rêvent de retrouver une terre si ferme que nous pourrions la qualifier de terrain aride, sans liberté ni droit quand d’autres espèrent un véritable cloaque, une zone où règne le plus total désordre. Les uns et les autres sont des alliés objectifs contre les tireux de jars en colère, qui espèrent avec leur queue de singe, sauver quelques précieux grains pour améliorer l’ordinaire à moins qu’ils ne songent qu’à ne pas se retrouver une fois de plus à fond de cale, la toue sablière et les poches vides.
N’oubliez cependant jamais que lorsqu’une crue immense, celle d’un peuple en colère, passe sur la grève, après, si le pouvoir consent des concessions, des autorisations de prélèvement sur l’immense tas accumulé par certains, les flots se retirent. C’est alors la possibilité de voir germer des petites plantes qui vont coloniser l’espace ainsi découvert : des espèces rares qui se nomment fraternité, solidarité, humanité, toutes en voie d’extinction dans ce système libéral sans âme.
Hélas certains, beaux parleurs à la morgue sans pareille, ministres si peu intègres, parlementaires gavés de privilèges affirment, toute honte bue, que la grève vient du vieux français « Griès » qui tient à la fois de grief et de grivèlerie. Ce serait alors un sabotage, celui de mettre du sable dans la machine si bien huilée d’un pouvoir au service de quelques-uns. Les grévistes seraient alors des empêcheurs de tourner en rond, des gredins de la pire espèce, des égoïstes arc-boutés sur des avantages obsolètes. Seul l’enrichissement à outrance serait donc résolument moderne pour ces canailles !
Qu’ils se méfient donc ces nobles représentants d’un pouvoir désespérément monarchique, à la fin de la foire, puisque nous leur montrerons notre cul et nos bonnes manières, ils compteront les bouses ! Il se peut alors que certains restent sur le carreau de la mine ou bien de la grève. « Sous les pavés, la plage ! » affirmaient joyeusement les étudiants en 1968. Les grévistes qui mettront leur grain de sable aux affaires du pouvoir, apporteront leur pierre à l’édification d’un monde enfin plus juste et équitable.
Sablièrement vôtre.
