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Sortie nationale (France) du 3 décembre 2025 : Que ma volonté soit faite de Julia Kowalski
Dans le contexte naturaliste d’une famille polonaise à dominante masculine dans une ferme d’élevage bovin, une jeune femme est en train de vivre sa propre révolution intérieure longtemps réprimée en réveillant une transmission féminine multigénérationnelle. Embrassant la lecture féministe de la mythologie des sorcières, Julia Kowalski emprunte ici la voix du cinéma d’horreur, du moins fantastique, sur le terreau d’une chronique initiatique adolescente où se situait déjà son premier long métrage Crache cœur (2015).
Ces dernières années la révolte intérieure féministe chez l’adolescente confrontée aux exactions patriarcales passant dans le cinéma par les codes du cinéma d’horreur, s’est imposée aux quatre coins de la planète en s’invitant successivement dans les sélections cannoises : Tiger Stripes d’Amanda Nell Eu à la Semaine de la Critique de 2023, Mi bestia de Camila Beltrán à l’ACID et en 2025 Que ma volonté soit faite de Julia Kowalski à La Quinzaine des Cinéastes. Cette concordance des temps inscrirait dès lors une sororité cinématographique transnationale en ajoutant à cela chez Julia Kowalski l’héritage de ses propres origines polonaises où elle va puiser dans le cinéma de Zulawski avec notamment Possession mais aussi le cinéma inspirant de Jerzy Kawalerowicz. Si l’on associe à cela le patriarcat catholique conservateur polonais qui a pu prendre en un temps les traits et la voix d’un Jean-Paul II, la nécessité de lancer un cri ardent du côté du corps d’une jeune adolescente confrontée au déterminisme local est d’autant plus fort dans le scénario imaginé par Julia Kowalski.
La décision de la cinéaste de tourner avec une équipe réduite mais soudée, en empruntant l’esthétique d’une caméra 16 mm dans le décor naturaliste d’une véritable ferme en activité, est d’autant plus déterminante qu’elle permet naturellement à ses propres intentions initiales qui traversent toute sa filmographie de s’enraciner pleinement dans son décor. La protagoniste fait d’ailleurs tellement corps avec son lieu que l’intrigue inSiste sur la fusion avec les éléments naturels, notamment le feu et la terre, tout en développant de sa part une forte empathie pour le monde vivant alors que le milieu masculin traditionnel est sans cesse déconnecté de cet épanouissement spontané au monde. Cet univers masculin notamment interprété avec conviction et implication par Jean-Baptiste Durand et Raphaël Thiéry, n’a pas cette empathie naturelle au monde et plonge la détresse de son impuissance dans les excès alcooliques les conduisant au viol. Nawojka et Sandra se lient de leur côté en projetant l’une sur l’autre leur vision d’elle-même à un autre âge et affrontant ainsi un présent inconfortable par ce voyage dans le temps dans leur dialogue à deux, d’un corps à l’autre, comme l’héroïne le fera également avec sa mère disparue. Cette symbiose entre ces femmes crée une émulation qui offre une lecture inattendue au scénario dont les lignes narratives ne laissent rien au hasard quant au déroulement de l’intrigue.
Julia Kowalski semble encore puiser dans la tradition folk horror britannique (cf. The Wicker Man de Robin Hardy) pour développer son univers singulier ouvert à diverses interprétations symboliques, à partir de l’implication profonde des différents corps de métier de son équipe artistique. Ainsi, l’image est ouverte à l’expérimentation de Simon Beaufils qui a également collaboré au scénario et qui s’inscrit avec les collaborations avec les cinéastes Patricia Mazuy, Justine Triet et Julia Kowalski dans le cinéma des réalisatrices contemporaines les plus audacieuses.
Quant à la musique originale de Daniel Kowalski, le frère de la réalisatrice, elle participe également à faire surgir la rage enfouie de la protagoniste pour la faire rayonner à travers les cordes vibrantes de sa guitare.
Devant et derrière la caméra, Julia Kowalski interroge ainsi des liens familiaux ancestraux dans sa démarche artistique où le cinéma devient outil de transe pour réveiller les fantômes passés bâillonnés à l’image de l’absence-présence omniprésente de la figure de la mère de l’héroïne qui traverse le film.
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Que ma volonté soit faite
de Julia Kowalski
Fiction
98 minutes. France, Pologne, 2025.
Couleur
Langues originales : français, polonais
Avec : Maria Wróbel (Nawojka), Roxane Mesquida (Sandra), Wojciech Skibiński (Henryk), Kuba Dyniewicz (Bogdan), Przemysław Przestrzelski (Tomek), Jean-Baptiste Durand (Franck), Raphaël Thiéry (Badel), Eva Lallier Juan (Alice), Laurence Côte (Nicole), Nathalie Bécue (Marylise), Brice Teillet (Étienne), Marta Corton (Jenna), Bernard Prouteau (Bernard), Arnaud Blais (Mika), Jules Tourlourat (Dylan), Maureen Laronde (Nawojka enfant), Audrey Golay (la femme en feu), Marvin Sendner (l'ex de Sandra), Taïg Allain (un villageois), Pierre-Emmanuel Longo (un villageois), Leny Tron (un villageois), Danièle Becque (une villageoise), Catherine Hoflack (une villageoise), Alain Guyau (un villageois), Maël Erraud (un invité au mariage), Jade Julien (une invitée au mariage), Camille Perrot (une invitée au mariage), Mattéo Mielle (un invité au mariage), Anthony Caldo (un invité au mariage), Enola S. Cluzeau (un invité au mariage), Julie Poignant (une invitée au mariage), Kylian Leturgeon (un invité au mariage), Philippe Neau (un invité au mariage), Nicolas Berno (un invité au mariage), Liv Henneguier (autour de la femme en feu), Emmanuel Curtil (autour de la femme en feu), Jean-Marc Allais (autour de la femme en feu), Ninon Paillard (autour de la femme en feu), Estelle Robin You (autour de la femme en feu), Gilles Le Petit (un paysan), Patrick Gladieux (un paysan), Philippe Le Hardy (un paysan)
Scénario : Julia Kowalski en collaboration avec Simon Beaufils
Images : Simon Beaufils
Montage : Isabelle Manquillet
Musique : Daniel Kowalski
Son : Olivier Pelletier
1er assistant réalisateur : Renaud Gast
Décors : Anna Le Mouël
Costumes : Jérémy Prudent
Maquillage : Bénédicte Trouvé
Coiffure : Jane Brizard
Effets visuels : Laurie Kotfila
Production : Estelle Robin You
Coproduction : Flavien Giorda, Magdalena Zimecka, Marta Krzeptowska
Sociétés de production : Grande Ourse Films, Venin Films, Orka
Distributeur (France) : New Story