FIFIP de Carcassonne 2022 : "Les Promesses" de Thomas Kruithof

4^e édition du Festival international du film politique de Carcassonne 2022 : Les Promesses de Thomas Kruithof

"L’Exercice du pouvoir" cher à Pierre Schoeller dans son film éponyme est ici analysé non plus à partir des hautes sphères de la République française contemporaine mais à l’échelle de la réalité politique qui fait appel à davantage de connexion démocratique en dialogue avec les citoyens immédiatement concernés. C’est bien ici l’enjeu de cette plongée cinématographique dans les coulisses du dernier espace d’exercice démocratique que constitue actuellement la charge d’un.e maire que le réalisateur Thomas Kruithof s’est plu à décrire et interroger.

En effet, cette responsabilité politique est en mesure théoriquement de rendre des comptes à chacun des habitants d’une commune qui le requiert, ce qui conduit à développer une démocratie directe. Les arcanes du pouvoir sont multiples et à cette échelle encore dans une démocratie à la hiérarchie pyramidale, au sein d’un parti politique comme des institutions en place, les rapports de force se négocient en permanence de personne à personne en fonction de ce que chacune représente.

Thomas Kruithof s’est associé au scénario au cocréateur de la série Le Baron noir, Jean-Baptiste Delafon, alors que celui-ci avait déjà commencé à se documenter sur un maire de banlieue. Leur collaboration s’est notamment concentrée sur l’interaction de travail entre un duo politique déterminant dans les prises de décisions : une maire et son directeur de cabinet, respectivement joués par deux artistes parmi les plus talentueux du cinéma français, à savoir Isabelle Huppert et Reda Kateb. Et la subtilité d’un scénario des plus perspicaces consiste à mettre au second plan la thématique de la conquête du pouvoir, thème récurrent du cinéma qui explore les coulisses du pouvoir, en plaçant notamment au second plan la figure qui l’incarne ici : la maire. Dès lors, le directeur de cabinet est au centre de l’intrigue, lui qui n’est pas l’élu des électeurs mais qui porte les valeurs immédiates de la population locale. Il représente également l’homme issu des quartiers défavorisés qui a réussi à s’imposer par ses études et son intelligence pour dépasser sa mise à l’écart du centre des décisions politiques nationales au-delà du périphérique à la différence de la maire aux références bourgeoises mais à la maison cossue délabrée car non entretenue. Reda Kateb assume ce rôle avec élégance et sobriété dans un rôle souvent invisibilisé dans une intrigue utilisant les codes du film noir et du thriller.

En effet, Thomas Kruithof prend délibérément ses distances avec le réalisme social pour assumer pleinement son récit fictif construit sur d’importantes sources d’informations. Il en résulte une description des rapports de force de l’exercice politique rarement mise en œuvre avec une telle perspicacité et surtout une finesse dans les profils psychologiques mis en œuvre au service du récit. Les personnages secondaires jouent pleinement leur partition sans jamais être délaissés dans le développement de l’intrigue où il est question de comprendre les différents acteurs de terrain dans la prise de décision politique. Les choix de mise en scène savent aussi bien se servir de acteur.rices que des espaces dans lesquels ils évoluent ce qui concourt à faire de la réalisation de ce film une mécanique parfaitement huilée dans chacune de ses séquences comme dans l’ensemble de son montage.

Les Promesses
de Thomas Kruithof
Fiction
98 minutes. France, 2021.
Couleur
Langue originale : français

Avec : Reda Kateb (Yazid), Isabelle Huppert (Clémence), Naidra Ayadi (Naidra), Jean-Paul Bordes (Michel Kupka), Soufiane Guerrab (Esposito), Laurent Poitrenaux (Jérôme Narvaux), Hervé Pierre (Pierre Messac), Walid Afkir (Kamel), Stefan Crepon (Guillaume Mars), Vincent Garanger (Chaumette), Anne Loiret (Catherine Messac), Youssouf Wague (Wayne), Bruno Georis (Jean-Marc Forgeat), Mama Prassinos (Karine Kupka), Gauthier Battoue (Vincent), Christian Benedetti (Bertrand), Mustapha Abourachid (Thierry), Rosita Fernandez (Madame Cuaron)
Scénario : Jean-Baptiste Delafon, Thomas Kruithof
Images : Alex Lamarque
Montage : Jean-Baptiste Beaudoin
Musique : Grégoire Auger
Son : Nicolas Provost
1^er assistant réalisateur : Ludovic Giraud
Décors : Olivier Radot
Costumes : Carine Sarfati
Maquillage : Thi Loan Nguyen, Nelly Robin
Production : Thibault Gast et Matthias Weber (24 25 Films)
Coproduction : Wild Bunch, France 2 Cinéma, Les Films du Camélia
Distributeur (France) : Wild Bunch

Sortie salles (France) : 26 janvier 2022