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Billet de blog 20 mai 2019

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Julian Assange : L'étape manquante

Le billet du 20 mai 2019 de Craig Murray, historien et activiste des droits de l'homme, ancien ambassadeur britannique...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

En Suède, les procureurs ont demandé aux tribunaux suédois d’émettre un mandat d’arrestation contre Julian. Cette simple affirmation est une énormité.

Le mandat d'arrêt européen doit être émis d'un pays à l'autre par une autorité judiciaire. La demande suédoise initiale d’extradition d’Assange n’a été émise par aucun tribunal, mais simplement par le procureur, cela était particulièrement étrange car le procureur en chef de Stockholm avait initialement classé l'affaire après un non-lieu, puis un autre procureur très politisé avait rouvert l'affaire et avait émis un mandat d'arrêt européen sans s'adresser à un juge pour confirmation.

L’appel initial d’Assange devant la Cour suprême du Royaume-Uni, reposait en grande partie sur le fait que le mandat n’était pas celui d’un juge mais d’un procureur, qui n’est pas une autorité judiciaire. Je ne doute pas que, si une autre personne au Royaume-Uni avait été accusée, les tribunaux britanniques n'auraient pas accepté le mandat d'un procureur. Le parti pris hallucinant et décomplexé des tribunaux contre Assange est évident depuis le premier jour. Mon affirmation est corroborée par le fait qu'immédiatement après la défaite d'Assange contre le mandat de la Cour suprême, le gouvernement britannique a modifié la loi, pour préciser que les mandats futurs doivent émaner d'un juge et non d'un procureur.

Ce n’est là que l’un des faits incroyables sur l’affaire Assange que les médias traditionnels ont cachés au grand public.

Le jugement contre Assange devant la Cour suprême du Royaume-Uni, du point de vue de savoir si le procureur suédois constitue une «autorité judiciaire» est sans précédent.

Lord Phillips a conclu que dans le texte anglais du traité EWA, le terme «autorité judiciaire» n’inclue pas le procureur suédois ; mais dans la version française, ce terme inclue le procureur suédois. Face aux deux textes ayant la même validité, Lord Phillips a préféré le texte français au texte anglais ; une décision absolument stupéfiante dans la mesure où les négociateurs britanniques sont présumés avoir travaillé à partir du texte anglais ; de même que les ministres et le parlement britannique quand ils ont ratifié leur décision.

Je n'invente rien. Vous trouverez une incroyable gymnastique linguistique chez Lord Phillips à la page 9, paragraphe 21 de son jugement. Encore une fois, il est impossible que cela soit fait à quiconque, en dehors de Julian Assange ; et si cela avait été le cas, le la préférence donnée au libellé français aurait produit un tollé de la part du MSM ; la tradition juridique française aurait été assourdissante ; mais étant donné l’hostilité caché de l’État contre Assange, tout a été adopté à voix basse, la loi a été simplement modifiée immédiatement après la procédure, pour empêcher que cela ne se produise.

A présent, la loi ayant été modifiée, les Suédois doivent le faire correctement et s'adresser à un tribunal pour décerner un mandat. C'est ce qui se passe maintenant. Comme d'habitude, The Guardian ne peut résister à la tentation de mentir carrément à propos de ce qui se passe aujourd’hui.

Illustration 1
© Capture d'écran

La Suède demande l'arrestation pour allégation de viol

Un procureur demande un mandat pour entamer le processus d'extradition du fondateur de Wikileaks depuis le Royaume-Uni.

Ce résumé est complètement faux. La Suède n'a pas déposé de demande d'arrestation. La Suède suit ses procédures judiciaires, ce qu’elle n’a pas fait au début, afin de décider de déposer ou non, une demande d'arrestation. Cela donne à Assange la possibilité de commencer son combat contre ces allégations, qu'il nie avec vigueur, devant les tribunaux suédois. Cependant, son avocat suédois ne peut actuellement pas le voir dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, ce qui symbolise les abus de procédure dont il est victime.

Ce n’est pas le « politiquement correct » qui empêche les grands médias du Royaume-Uni d'enquêter sur la nature extraordinaire des accusations contre Assange en Suède. Par exemple, dans le cas de Nafissatou Diallo, l’ensemble des médias britanniques n’a pas hésité à publier le nom de la victime présumée dès les premiers instants de l’affaire DSK, et la vraisemblance de l’histoire a été étudiée en détail par chaque journal national, et surtout par la BBC.

Je n’ai jamais entendu personne tenter d’expliquer pourquoi il était acceptable que les grands médias examinent en détail les accusations de Diallo et divulguent son nom, alors que Anna Ardin et Sofia Wilen ne doivent jamais être nommées et leur histoire, en aucun cas être mise en doute. La réponse ne vient pas du droit suédois : lequel stipule que ni l’accusateur ni l’accusé ne peuvent être nommés, droit qui a été largement enfreint, tous les jours depuis neuf ans, dans l’affaire Assange. Lorsqu'il s'agit d'Assange, il doit simplement être insulté.

Il est prouvé qu'il est traité différemment par les deux États et les grands médias, à tous points de vue. Peu leur importe que son mandat d'arrêt ne vienne pas d'un juge, ou que les médias appliquent des méthodes d’investigations inhabituelles dans son cas, et soient influencés par une sphère féministe, qu'ils ne suivraient pas dans d'autres affaires. Il doit simplement être détesté sans poser de question.

Pourquoi n’y a–t-il pas eu en Angleterre de documentaire aussi brillant que Sex, Lies and Julian Assange de l’émission phare Four Corners de l’Australian Broadcasting Corporation ?

S'il vous plaît jetez-y un coup d’œil si vous ne l'avez pas déjà fait ici

Julian Assange a révolutionné l'édition en apportant au public un accès direct à des quantités énormes de matières premières révélant des secrets que le gouvernement souhaitait cacher. En donnant cet accès direct au public, il a éliminé le rôle de filtrage et d’arbitrage de la classe journalistique et politique. Cela contraste par exemple avec les Panama Papers dont, contrairement aux promesses, moins de 2% de la matière brute a été publiée, protégeant de grandes entreprises occidentales et des particuliers, en raison de l’utilisation d’intermédiaires par les grands médias. Ou bien comparez Wikileaks à l’affaire Snowden, dont la grande majorité des fichiers ont été enterrés et ne seront jamais révélés, après qu’il ait été trompé par le Guardian et à l’Intercept. Assange a supprimé le rôle de filtre médiatique de l’intermédiaire et, en permettant au peuple de connaître la vérité sur la manière dont il est gouverné, a joué un rôle majeur dans la perte de confiance du public dans les politiques qui l'exploite.

Il existe un parallèle intéressant avec la réaction face au travail des érudits de la Réforme consistant à traduire la Bible dans toutes les langues pour donner à la population un accès direct à son contenu, sans les filtres de la caste des Prêtres. De telles actions provoqueront toujours la haine chez ceux dont la position est menacée. Je vois un parallèle historique entre Julian Assange et William Tyndale à cet égard. C’est quelque chose qui mérite d’être pris en compte pour tenter de comprendre la profondeur de la rancune de l’État à l’égard de Julian.

Traduction Céline Wagner et Mehdi Benaïssia

Source ici

Illustration 2
© Céline Wagner, Craig Murray d'après capture d'écran

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