LA RUE : La démocratie populaire d’émancipation, d’en-bas !
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La formule « démocratie d’émancipation », se comprend comme un mode de libération du peuple opprimé - peuple étant ici une large fraction d’en-bas (grosso modo 99%) du peuple-nation, fraction que l’on nomme parfois peuple-classe (C Delarue) . Par ce terme on a désigné au XIX siècle, dans un même ensemble, « l’en-bas », la rue, le peuple sans possession, celui qui a réapparu au XXI ème vêtu de gilets jaunes … Aujourd'hui, il s'agit de la très large fraction de la population sous la classe dominante.
De la réforme des retraites...
Au cas présent, il s’agit de le libérer des 7 réformes successives des retraites (93, 95, 2003, 2007, 2010, 2014, 2019, 2023) menées depuis 30 ans par la classe dirigeante, allant toutes vers le même objectif : effacer l’avancement de l’âge de la retraite de 65 à 60 ans concédé en 1982. La bourgeoisie assurantielle et financière en attente derrière M Macron et Mme Borne, compte bien imposer la capitalisation des retraites au peuple entier, pas seulement au 5% de salariés d’en-haut, qui eux la choisissent !
Le premier essai de réforme de M Macron attaquait de front le système par répartition pour conduire les salariés à cotiser dans des fonds de pension privés sans garantie qu’ils ne fassent faillite. L’essai actuel veut y pousser par dégradation des pensions au détriment des plus faibles. Laisser passer un tel projet serait l’une de nos pires défaites !
...à la question démocratique.
L’enjeu est encore plus énorme ! Outre celui de repousser la nouvelle réforme des retraites, il est d’aller vers plus de démocratie. La contestation populaire a mis en évidence la contradiction du paradigme démocratique de nos institutions : d'une part la gouvernance autoritaire d’en-haut, établie après des élections légales mais à résultat de fait illégitime - le kratos - et d'autre part l’intervention populaire : le demos qui conteste cette gouvernance six mois après les élections.
Il faudrait pousser à une modification constitutionnelle visant, à minima, à « moins de gouvernance autoritaire d’en-haut » fut-elle établie après élection - le kratos - et à « plus d’intervention populaire » : le demos. D’un point de vue maximaliste il s’agirait de construire aussi une démocratie éco-socialiste.
Le débat sur « la rue et les urnes ».
Le terme « démocratique » est certes contesté ici par celles et ceux qui mettent l’accent sur la composante « kratos », sur la gouvernance autoritaire , sur le pouvoir des élus , pouvoir obtenu du fait de l’élection. Mais une autre conception de la démocratie met l’accent sur le « demos » continué : le peuple intervient et s’exprime pour faire valoir une orientation qui lui convienne. Il dispose de la légitimité première et dernière et ne perd pas son droit d’expression, notamment par les pétitions, les interpellations des élus, les boycotts, etc. mais aussi et surtout par la rue, c’est à dire, on le sait, les manifestations.
Au plan des modalités, que cette expression passe par la rue (les manifestations) et non par les urnes (les votes et le travail des élu-es), au plan démocratique, tient au fait que dans notre histoire la République s’est installée par les deux types existants d’expression populaire : les urnes et la rue.
D’ou un certain nombre de questions récurrentes : trois ici :
1 - Qui porte l’intérêt général ?
M Samuel HAYAT (1) dit :« La rue manifestante n’est pas porteuse de légitimité politique car elle est interprétée comme ne représentant que des groupes particuliers. La République institutionnelle, au contraire, incarne l’ensemble des citoyens, et doit garantir leur droit à l’utilisation privée des rues ! »
C’est là tout le mensonge républicain et démocratique que d’incarner tous les citoyens du riche au pauvre, via le bien commun ou la république car - on le sait - c’est toujours une classe dominante qui a le pouvoir, un pouvoir qui la favorise ! Elle conserve ses privilèges sous l’intérêt général exhibé.
Quels sont alors les groupes particuliers ?
Selon nous il s’agit de l’inverse de ce que dit ici M HAYAT :
- La rue à dominante syndicale peut incarner un vaste peuple et derrière lui in fine l’intérêt général . La rue hors les syndicats est elle plus aléatoire et variable tantôt poujadiste tantôt porteuse de justice sociale et fiscale.
- La bourgeoisie n’a que des prétentions d’aller au-delà de sa classe sociale et de ses intérêts. Certes elle sait qu’elle doit déborder son étroitesse d’intérêts par des alliances avec les couches immédiatement en-dessous mais c’est toujours pour mieux défendre ses propres intérêts de classe : Mensonge donc sur l’intérêt général allant vers en-bas via la réduction des inégalités et non le soit-disant ruissellement d’en-haut vers en-bas : la démocratie réellement existante et la république sont trop liées au capitalisme et aux classes dominantes pour qu’il y ait un tel ruissellement !
2 - Quel effet sur le régime existant ?
Malheureusement, les fondateurs de notre République ont eu peur d’une démocratie non délégataire ou moins délégataire et ont rédigé une constitution instaurant une sorte de gouvernance détachée du peuple, une sorte d’aristocratie élective. D’où des représentants du peuple avec des mandats absolument libres de faire ce qu’ils veulent de leur programme et de leurs promesses sans qu’ils soient poursuivis. D’où les combats incessants depuis la Révolution entre le peuple et le pouvoir politique, tout comme entre le peuple et le pouvoir économique des possesseurs de l’outil de travail.
Pour notre propos retenons qu’il y a donc bien, au plan démocratique, un ensemble démocratico-social à considérer comme tel, et que l’on nomme ordinairement « la rue et les urnes » .
On dira aussi que pour nombre de syndiqués et de citoyen-nes engagé-es, ils-elles savent fort bien que ce rapport des forces hors phase électorale est des plus utile . Nécessaire même. Pour certain-es c’est même surto »ut la rue qui fait gagner et assez peu les élections (surtout à elles seules). On se trouve alors avec une « mobilisation d’en-bas, par en-bas et pour en-bas ».
Quand la rue ne semble plus offrir de changement pour une fraction de peuple alors c’est la solution électorale qui retrouve son importance, à moins d’avoir une population « déprimée » se réfugiant dans l’abstention démocratico-sociale du type : ni rue, ni urne. Et là on a alors une classe sociale dominante qui profite et accroit sa domination de classe sur divers paramètres.
3 - Quel cadre d’alliance ?
Abordons un autre niveau : Pour une certaine conception stratégique il s’agit, de poser en théorie, un cadre d’alliance , celui d’un peuple-classe 99% inclusif (le chiffrage du % n’est qu’indicatif), donc avec ouverture à l’expression revendicative des résidents extra-nationaux. Ce format apparait pertinent pour fournir un cadre d’alliance des diverses classes sociales dominées sans oubli .
La classe capitaliste dominante est elle nettement exclue de ce cercle ainsi que la ou les castes bureaucratiques - la Haute Fonction Publique d’Etat - dans la mesure ou elles sont ordinairement en forte alliance avec le grand patronat. Les choses peuvent certes bouger ici mais il est dangereux de ne pas être d’abord fort nous-mêmes. Ne pas présupposer une alliance possible de net progrès avec des pactisants continus de la bourgeoisie assurantielle et des autres bourgeoisies.
Retour sur Macron.
Au cas d’espèce, entendons que Macron se targue d’avoir été élu sur ce projet. Or, ça n’est pas vrai. On sait qu’on vote « pour » au premier tour et qu’au second tour on élimine. Or, au premier tour, Macron n’a reçu que 20, 07 % des voix du corps électoral, soit moins de 15 % des Français. Comment peut-il prétendre imposer aux 79, 93 % de ceux qui n’ont pas voté pour son programme sous prétexte qu’une minorité l’a choisi ? D’autant, qu’au soir du second tour, avec un report des voix moins important que lors de sa première élection, Macron avait lancé : « Ce vote m’oblige pour les années à venir ». Or, il n’en est rien. Alors que le sondage le moins favorable à la rue, 61 % des sondés sont contre sa réforme, il s’est arrangé en plaçant son projet de loi dans celui de la sécurité sociale, à le passer en force avec l’entourloupe non démocratique de l’article 49.3.
On le voit, l’enjeu de ce mouvement social ne doit pas s’arrêter au retrait de cette réforme des retraites mais à mettre un terme à des agissements autocrates d’un président qui en appelle régulièrement à la démocratie de la manière la plus hypocrite qui soit. A force de modifier la constitution, la 5e République a accouché d’un roi aux pouvoirs jupitériens qui parvient à passer au-dessus d’une chambre des députés dont il n’a obtenu qu’une majorité relative. Il faut que cela cesse. Il faut que la mobilisation fasse plier Macron jusqu’à le chasser du pouvoir pour déboucher sur une refonte totale de notre République.
Christian DELARUE avec Jean-Luc PICARD-BACHELERIE
membres d’ ATTAC DEMOcratie
1) Lire ici Samuel HAYAT explique in La République la rue et les urnes Revue Pouvoirs 2006
https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2006-1-page-31.htm
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Ce texte fait suite à :

Construire le peuple-classe contre la réforme
https://blogs.mediapart.fr/christian-delarue/blog/140123/construire-le-peuple-classe-contre-la-reforme

Le peuple-classe tient à l’Etat social et à la démocratie
https://blogs.mediapart.fr/christian-delarue/blog/220120/le-peuple-classe-de-france-tient-l-etat-social
NB : Pour un très bon texte de Guillaume LIEGARD sur un sujet assez proche
http://www.regards.fr/actu/article/legitimite-de-la-rue-du-parlement-du-gouvernement-mais-qui-decide