C'est pourquoi je publie ici le reportage de l'excellent Roni Gocer journaliste à Rue89 Strasbourg, tout aussi excellent quotidien numérique.
À Strasbourg, Manon Aubry dénonce "la troïka Macron-Glucksmann-Bellamy" (rue89strasbourg.com)
Après une semaine de campagne chaotique, le passage à Strasbourg ressemble à une accalmie. En quelques jours, La France Insoumise a connu l’annulation par la préfecture de sa conférence sur la Palestine à Lille, puis la convocation pour « apologie du terrorisme » de sa candidate Rima Hassan (7ème position) et de la présidente du groupe à l’Assemblée nationale, Mathilde Panot. En comparaison, le meeting que tenait le mouvement, ce mardi 23 avril, semblait presque tranquille.
Rima Hassan et Mathilde Panot, absentes omniprésentes
À quelques sièges près, les insoumis ont rempli l’une des salles du Palais de la musique et des congrès, d’une capacité de cinq cents places. Dès l’introduction de la soirée, le député de la 2ème circonscription du Bas-Rhin, Emmanuel Fernandes, revient sur le contexte de la campagne, en appelant à soutenir Mathilde Panot et Rima Hassan. Durant la soirée, les huit intervenants auront un mot pour elles.
Derrière, la mécanique du meeting est bien huilée. Après ce bref préambule, suivi d’une pastille vidéo, les prises de paroles s’enchaînent jusqu’à celle de Manon Aubry. Le dispositif scénique reste classique : devant une rangée de néons vert et mauve, une dizaine d’interlocuteurs est disposée sur scène en arc de cercle, derrière le pupitre. Parmi eux, plusieurs eurodéputés attendent de monter à la tribune. Ils se succéderont pour présenter le bilan de la France insoumise, sur lequel les orateurs s’épanchent davantage qu’au cours des précédents meetings, à Montpellier ou Roubaix.
Combats et victoires européennes
Première eurodéputée à la tribune, Leïla Chaibi (5ème sur la liste) évoque le vote prochain d’une directive instaurant une présomption de salariat aux travailleurs des plateformes en ligne – type Uber ou Deliveroo. Salve d’applaudissements. Suite à un accord des États membres autour d’un projet de directive, le 11 mars dernier, le texte sera entériné par le Parlement européen, ce mercredi 24 avril. « C’est la dernière étape d’un rapport de force qui a duré cinq ans, contre Macron et les lobbies », martèle l’élue, en évoquant son implication personnelle. Des livreurs engagés en faveur du texte montent rejoindre l’élue sur scène.
Après elle, l’eurodéputée insoumise Marina Mesure (3ème position) insiste à son tour sur le combat que son groupe mène contre la libéralisation du marché de l’électricité : « Vous savez qui est la seule tête de liste à s’y être opposée ? Manon Aubry. Monsieur Glucksmann ne s’est même pas donné la peine d’aller voter. (…) Et qu’a fait monsieur Bardella ? J’ai fait 200 amendements sur le marché de l’électricité, monsieur Bardella n’en a pas fait un. » Et l’élue de conclure : « Venez aider, le 9 juin, le seul groupe qui défend au Parlement européen les tarifs réglementés ! »
Marina Mesure devient eurodéputée en 2022, lorsque Manuel Bompard est élu à l’Assemblée nationale.
À sa suite, l’eurodéputé Younous Omarjee (2ème position) évoque l’adoption au Parlement européen d’une résolution appelant à un cessez-le-feu permanent dans la bande de Gaza, le 18 janvier.
« C’est l’honneur de Manon Aubry d’être montée à la tribune du Parlement, pour peser les mots, dire ce qui doit être dit, et exiger que le Parlement européen demande un cessez-le-feu à Gaza. À force de déposer des amendements, nous l’avons obtenu ! »
Younous Omarjee (LFI), député européen
En face, l’auditoire se réveille et acclame copieusement l’orateur, alors que des drapeaux palestiniens s’agitent et se mêlent aux fanions insoumis.
Élu depuis 2012, Younous Omarjee est le plus ancien eurodéputé de la délégation insoumise.
En soutien, les eurodéputées Anabela Rodrigues et Malin Bjork, respectivement portugaise et suédoise, viennent également prendre la parole. D’autres parlementaires européens, moins à l’aise en français, se contentent de rester spectateur.
Glucksmann copieusement hué
S’ensuit une nouvelle coupure, le temps d’un clip de campagne. Lancée par une musique techno générique, Manon Aubry débarque sur scène avec entrain. Après avoir égrainé, elle aussi, la liste des combats menés par son parti au sein de l’hémicycle européen, la tête de liste revient sur la situation judiciaire du mouvement, en raison de ses prises de position sur la Palestine. « Quelle est la prochaine étape ? La dissolution de la France insoumise ? C’est ça qu’ils veulent ? Vont-ils criminaliser les militants de la paix comme ils l’ont fait avec les militants écologistes et syndicalistes ? »
Après avoir partagé sa fierté d’appartenir à un groupe « n’ayant jamais donné aucune voix à un accord de libre-échange », la candidate poursuit en taclant les « petits arrangements » bruxellois. « La réalité, c’est que les socialistes, la droite et les macronistes gouvernent ensemble au Parlement européen. Et ils gouvernent ensemble pour le pire. Ils viennent de voter la funeste réforme des règles budgétaires, qui nous condamne à l’austérité à perpétuité. » Après la troïka européenne (sobriquet datant de la crise grecque, désignant la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international), Manon Aubry avertit l’audience : « On a maintenant la troïka Macron-Glucksmann-Bellamy ! » Les huées s’intensifient.
En 2019, Manon Aubry était déjà désignée pour mener la liste de la France insoumise durant les élections européennes.
« Démacroniser » l’Europe
La candidate réserve la seconde partie de son discours à cibler Emmanuel Macron. « La Macronie à la dérive n’utilise pas que la répression dans cette campagne, mais aussi les moyens de l’État. » L’eurodéputée raille le soutien du président de la République à l’égard de la candidate Renaissance Valérie Hayer dans une vidéo partagée sur le compte X de l’Élysée (ex-Twitter), ou sa manière de s’impliquer dans la campagne, en organisant un discours à la Sorbonne, jeudi 25 avril. À sa manière, l’insoumise résume son bilan européen :
« Les plans d’austérités qui se succèdent, le maintien du glyphosate, l’élection d’une anti-IVG à la tête du Parlement européen, le gaz et le nucléaire classés comme des énergies vertes (…) L’Europe de Macron tient toutes ses promesses antisociales de 2017, et aucune de ses annonces progressistes. Il va falloir démacroniser l’Europe, en finir avec la politique d’Emmanuel Macron en Europe. »
Manon Aubry (LFI), députée européenne
Après un dernier appel à la mobilisation, la candidate clôt son discours par une Marseillaise collective. Copieusement hué, Raphaël Glucksmann tiendra à son tour un meeting à Strasbourg le lendemain. Et le jeudi 25 avril, un troisième meeting se tiendra autour de la tête de liste Les Écologistes, Marie Toussaint.