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Billet de blog 10 novembre 2014

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Noir ami et ami blanc, la «Mission» de Heiner Muller

1794: la Convention abolit l’esclavage sur les territoires français ; 20 mai 1802, le sinistre Bonaparte, Premier Consul, rétablit l’esclavage selon les lois d’avant 1789. 9 novembre 2014, sur la scène de la Colline, plusieurs envoyés de la Convention découvrent la décision des autorités qui ruinent leur attentive préparation de révolte noire dans une île des Caraïbes pour obtenir la liberté.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

1794: la Convention abolit l’esclavage sur les territoires français ; 20 mai 1802, le sinistre Bonaparte, Premier Consul, rétablit l’esclavage selon les lois d’avant 1789. 9 novembre 2014, sur la scène de la Colline, plusieurs envoyés de la Convention découvrent la décision des autorités qui ruinent leur attentive préparation de révolte noire dans une île des Caraïbes pour obtenir la liberté.

Il y a là le sire Debuisson (Charlie Nelson), propriétaire esclavagiste acquis à la cause révolutionnaire ; Galoudec paysan breton (Claude Duparfait)  et le Noir évadé, Sasportas  (Jean-Baptiste Anoumon). Une séquence, « l’ascenseur » transporte un employé (Stefan Kowarske), mandé par son supérieur afin d’accomplir une « mission » que lui, non plus, n’effectuera pas. Malencontreusement son texte est débité en langue allemande : on y comprend goutte.

Le metteur en scène Michael Talheimer, est lui même allemand, profondément marqué  par un précédent travail « Carnets de combat de nègre et de chiens », le texte fulgurant de  Bernard-Marie Koltès qui l’a mené à «  La Mission » d’Heiner Muller. Ce dernier l’un des « héritiers » de Bertolt Brecht  travailla notamment au « Berliner Ensemble » non sans avoir subi plusieurs interdictions de pièces de la part du pouvoir Est-Allemand. H.Muller qui a le sens du trapèze dialectique comme son référent, de plus introduit ici la saveur de la sexualité et le diabolique sang badigeonné sur chaque personnage quasiment des pieds à la tête.

La pièce est compliquée et la mise en scène a tendance à l’obscurcir ce qui paradoxalement, nous la rend plus proche de notre actualité . La dernière partie est cependant splendide d’énergie de la langue grâce à la traduction de Jean Jourd’heuil et de Heinz Schwarzinger, la vigueur d’un certain langage révolutionnaire peut-être d’époque, sans langue de bois. Sont évoquées la trahison un temps personnifiée par un bel ange féminin, Noémie Develay-Ressinger, incarnant également l’amour pur, primordial. Mais aussi les intérêts privés, particuliers, égoïstes pour tout dire.

« Ceux qui t’ont trahi aujourd’hui te tueront demain / La mort n’a pas une telle importance pour les sauveurs de l’humanité/ les nègres libérés tombent à bras raccourcis sur les mulâtres libérés ou l’inverse/ Je veux ma part du gâteau du monde/ La patrie des esclaves est le soulèvement/ L’esclavage a de nombreux visages, nous n’avons pas encore vu le dernier…. » fait dire H.Muller, entre autres propos, à ses porte paroles républicains : liberté, égalité, fraternité.

Claude Glayman

* Théâtre de la Colline » : « La Mission » d’Heiner Muller, jusqu’au 30 novembre 14.  

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