Amis, mes amis de Mediapart,
"Machine à broyer", comme ces machines qui fonctionnèrent sans désemparer durant et après le génocide, et qui éliminèrent de facto la reconnaissance d'une évidence: la France, notre France était complice.
j'ai, comme je suppose nombre d'entre nous, écouté le 7/9 d'Inter ce matin consacré au génocide des Tutsi. Le citoyen français que je suis, l'historien que je suis, ne cesse d'être choqué et j'ai honte. Vraiment honte.
Je n'ai pas lu le rapport mais j'ai écouté et lu Patrick de St Exupery et encore récemment sa tribune dans Le Monde. Elle fait mal, elle nous fait mal. En lisant, en écoutant, je sais que la France, contrairement à ce que dit ce rapport, a été complice. Mitterrand bien-sûr, son rôle, celui de son fils est effrayant, mais aussi Hubert Védrine, qui plastronne depuis des décennies et se répand partout comme l'innocent qu'il n'est pas.
Jadis, je l'ai accompagné une journée à Shanghai avec Jean-Marin Schuh, alors notre Consul Général. Védrine est habile. Il est remarquablement intelligent. Il est avenant, drôle. Il a de l'humour. C'est comme on dit à la radio et à la télé un "bon client". Mais il a fauté. Il a fauté gravement. Il se permet de plus de "féliciter" les auteurs du rapport tout en minimisant le rôle de l'Etat français et le sien. Or il n'a eu en ce terrible drame aucun courage. Même pas celui de transmettre plusieurs dossiers accablants à son voisin de bureau, le Président de la République française.
Quant à François Mitterrand, on fait des gorges chaudes de son comportement inique concernant Bousquet, mais qu'est-ce en comparaison d'un génocide? Mitterrand était machiavélique. Il a eu de plus l'incroyable impudeur - pardon je ne trouve pas les mots - indécence, d'avancer et de soutenir la théorie bidon des deux génocides, tuant ainsi l'idée même du génocide tutsi. De plus, ce n'est pas le plus important, mais que la droite ait réagi de façon moins négative me fait mal.
A propos de Macron, il faut le reconnaitre, il a su, comme Chirac jadis à propos du Vel'd'hiv, remettre ce terrible drame sur la place publique. Mais oui, comme le disaient des deux remarquables intervenants que je viens d'entendre - l'un d'entre eux, il faut tout de même le rappeler ayant été écarté par le même Macron de la commission lors même que c'est un des plus spécialistes de ce génocide - il faut maintenant qu'il passe aux actes, qu'il s'excuse au nom de la France. Aurai-je moins honte? Aurons-nous moins honte? Je ne sais et ce n'est pas là l'important.
L'important c'est que la France reconnaisse cette faute monstrueuse 27 ans après les massacres. Comme vous, j'ai aussi entendu le témoignage accablant de cette enseignante. Cela m'a bouleversé.
Enfin, je regrette une chose à propos de cet entretien, un entretien qu'il faut saluer et qui fait la force du service public, c'est que l'on ait pas mentionné la destruction massive des archives pendant et après le génocide, ce feu de documents brûlant dans la cour de l'ambassade, le fait que notre ambassadeur ait été l'un des pires acteurs de ce drame. Il aura, tenez-vous bien, des promotions. Brûler des archives comme au pire moments de l'hitlérisme. or tout porte à croire que ces archives prouvaient justement la complicité de la France. Ces gestes - et pas seulement celui de cet ambassadeur, la machine à broyer - l'expression est tellement juste - fonctionné dans nombre de bureaux à Kigali comme à Paris.

Agrandissement : Illustration 1

Pour revenir à Védrine, si nous en avions le courage, il faudrait lui demander à lui aussi qu'il reconnaisse ces fautes et qu'il ait la décence de se taire. Je m'emporte. J'ai mis cette image. C'est l'une des plus "parlantes". Elle dit non seulement le caractère quasi infini de ce génocide - 800.000 enfants, femmes et hommes tués, massacrés, cela dépasse l'entendement et l'imagination - mais aussi son caractère systématique, systémique. Cet "alignement", le fait que ces crânes semblent se perdre à l'infini en disent tellement. Les mots me manquent mes amis.