On se souvient d’abord de son accusation tonitruante d’’’absentéisme’’ à la rentrée 1997 : « Il y a beaucoup d’absentéisme dans l’Education nationale, et il faut mettre fin à cela. 12% d’absentéisme, c’est beaucoup trop. Il y a des gens qui considèrent qu’ils ont droit à des congés de maladie, pas moi ; on n’a pas droit à des congés de maladies systématiques. Cette institutionnalisation d’absences, cela me déplaît fondamentalement ». Et c’est ce qui est resté dans les souvenirs de beaucoup, avec colère et amertume dans le monde enseignant.
Dans la soirée de ce même 4 septembre 1997, le taux allégué de 12% est pourtant ramené, par Claude Allègre lui-même (!), à des statistiques qui « oscillent entre 4,5 % et 8% ». Il se trouve en effet que les statistiques publiées par les différents services du ministère se révèlent très en deçà des 12% avancés initialement par Claude Allègre...
On se souvient le plus souvent aussi de sa célèbre expression « dégraisser le mammouth » qu’il a lancée dès juin 1997 et qui a eu – si l’on peut dire – un succès paradoxal. Il ne s’agissait nullement pour Claude Allègre de diminuer le nombre de fonctionnaires dans l’ensemble de l’Education nationale (mais c’est ce qui a été compris par la plupart des acteurs de l’Education nationale) ; il s’agissait uniquement de ceux du ministère (de l’administration centrale, à Paris) afin que le système scolaire soit gouverné de façon moins centralisée, plus ‘’déconcentrée’’ voire ‘’décentralisée’’.
L’expression a fait florès en étant entendue pour l'Education nationale tout entière. Pour celle-ci, Claude Allègre préfèrait le mot « dinosaure », comme il l' a expliqué dans son livre « Toute vérité est bonne à dire » (paru chez Fayard en 2000) : « L'image du dinosaure correspond mieux au gigantisme et à l'inertie du système ; et les dinosaures ont disparu parce qu'ils n'ont pas évolué ».
Par ailleurs et c’est en fait le plus important en l’occurrence, mais qui a généralement été peu perçu par les acteurs du système scolaire) Claude Allègre a été un partisan résolu de la décentralisation de l’Education nationale (qui aurait à coup sûr tué le ‘’mammouth’’ et même le ‘’dinosaure’’) comme il l’a révélé dans une tribune publiée dans « Le nouvel Observateur » du 6 avril 2000, juste après son éviction du ministère : « Toute réforme de l'Education nationale passe par une décentralisation et une implication plus grande des usagers et des élus : il faut confier les écoles aux communes, les collèges aux départements, les lycées aux régions. Personnels compris ».
C’est de fait ce qu’il avait commencé à faire lors de ce qui a été son grand oeuvre foncièrement réussi, à savoir le plan « Université 2000 ». Claude Allègre , devenu conseiller spécial de Lionel Jospin arrivé à la tête du ministère de l’Education nationale en juin 1988, est incontestablement le principal maître d’oeuvre de ce « Plan » pluriannuel.
Au terme de longues négociations menées région par région, ce sont finalement 16 milliards de francs (autant que l’Etat) que les régions, les départements et les villes ( à part à peu près égales) apportent , portant l’enveloppe à 32 milliards de francs, un chiffre vraiment considérable.
Les collectivités y ont gagné la délégation de maîtrise d’ouvrages sur des équipements souvent prestigieux dont elles pourront se prévaloir. Elles ont pesé de tout leur poids sur la future carte universitaire, en implantant des formations d’enseignement supérieur dans les villes moyennes ( IUT, sections de techniciens supérieurs, antennes voire embryons d’universités). Enfin, elles ont été de fait associées à la définition des filières et des formations nouvelles, en particulier en ce qui concerne les filières technologiques les mieux à même de servir de point d’appui au développement économique local.
PS à propos de certains commentaires: il ne s'agissait pas pour moi de rédiger une notice d'''enterrement'' ( dans tous les sens du terme) de Claude Allègre, mais simplement de signaler certains aspects généralement inaperçus relevant de mon champ (limité) d'expertise. Ni plus, ni moins.