Selon la dernière livraison de « Repères et statistiques » parue en 2022, à la rentrée 2021 les établissements publics du premier degré accueillaient en France métropolitaine et dans les DROM 5614 000 élèves, ceux du privé ''sous contrat'' 868000 élèves et ceux du ''hors contrat'' 57000 élèves.
Toujours à la rentrée 2022, les établissements publics du second degré accueillaient 4467000 élèves, ceux du privé ''sous contrat'' 1187000 élèves, et ceux du ''hors contrat'' 31000 élèves
Au total, pour ces enseignements scolaires, cela faisait 10021000 élèves dans le public (soit 82,4%), 2055000 élèves dans le privé ''sous contrat'' (soit 16,9%) et 88000 élèves dans le privé ''hors contrat'' (soit 0,7% )
Et dans le supérieur ? A la rentrée 2021, 2969000 étudiants ont été inscrits dans l'enseignement supérieur en France métropolitaine et dans les DROM, dont 737000 dans l'enseignement privé (soit 24,8%). C'est à ce niveau que la part de l'enseignement privé est la plus forte. Et c'est un enseignement privé ''hors contrat''.
Dans l’enseignement supérieur, les établissements privés sont en effet tous ''hors contrat'' (Instituts catholiques, écoles de commerce, de gestion et d’ingénieur, écoles de service social ou artistiques, STS) : dans les débats préparatoires à la loi Debré, la question de la contractualisation de l’enseignement supérieur privé avait été abordée, puis abandonnée, notamment à cause des diplômes canoniques de philosophie et de théologie des instituts catholiques : c’était l’essentiel des établissements de l’époque dont le nombre d’étudiants était très réduit – 20 000 environ. Les structures juridiques de ces établissements est très variable. Il faut en effet distinguer, les établissements à but lucratif (sociétés commerciales), des établissements associatifs ou des fondations reconnues d’utilité publique (cas de nombreuses écoles d’ingénieurs), des écoles consulaires (chambres de commerce). Un label a été créé à cet effet en 2013 pour les « établissements d'enseignement supérieur privés à but non lucratif, concourant aux missions de service public de l'enseignement supérieur1 ».
Après la période de mise en place des établissements privés sous contrat (permise par la loi Debré de 1959), la part du privé aux différents niveaux d'enseignement scolaire est resté foncièrement stable depuis les années 1970, malgré quelques variations dans un sens ou dans l'autre, mais de faible ampleur (à un moment ou à un autre).
De 1996 à 2021 la part du privé est restée quasiment inchangée dans le premier degré (dans le préélémentaire : entre 12,2% et 13% ; dans l'élémentaire : entre 14,1% et 14,6%). Dans les lycées généraux ou technologiques, la part du privé a diminué de 1995 à 2001 (passant de 21% à 20%), pour remonter ensuite progressivement à presque 22% en 2011, puis redescendre légèrement :21,4% en 2021. Dans le second cycle professionnel, on a eu des oscillations de faibles ampleurs durant toute cette période (depuis 20% jusqu'à 21,5%). En 202, la part du privé est de 19% Les évolutions les plus marquées ont eu lieu au collège : une montée lente mais continue de la part du privé de 1995 à 2007, qui passe de 20% à 21,5%, puis reste à peu près à cette hauteurs ensuite (21,3% en 2021).
Finalement, les évolutions ont été minimes aussi bien sur le temps long que durant les dernières années , et de sens divers. Rien de bien significatif dans les évolutions.
On peut certes noter l'augmentation récente mais continue de la part du privé ''hors contrat''' ces dernières années dans le primaire: 0,4% en 2015, 0,5% en 2016, 0, 6% en 2017, 0, 7% en 2018, 0, 8 % en 2019 et finalement 0,9 % en 2021. Le nombre d'élèves a doublé en ces quelques années, atteignant 57000 en 2021 C'est ce qui a frappé les esprits ces derniers temps. Mais on doit noter aussi que l'on n'observe pas du tout cela pour le secondaire. Le nombre d'élèves scolarisés dans des établissements privés ''hors contrat'' du secondaire est resté quasiment stable depuis au moins 1994 : 28000 en 1994, 31000 en 2021. Et on n'enregistre pas une augmentation significative ces dernières années : 29000 en 2018 ou 2019, 30000 en 2020, 31000 en 2021
Tout cela contraste avec les évolutions à la fois dans le temps long , mais aussi de façon accélérée ces dernières années de la la place d'un protagoniste curieusement méconnu : l'enseignement privé ''hors contrat'' dans l'enseignement supérieur.
On peut se reporter à l'étude précise parue dans la « Note d'information 21.14 » du SIES en décembre 2021. La part de cet enseignement qui était de 13% des étudiants en 2000 comme en 1990 décolle : 19% en 2010 ; puis une nouvelle augmentation significative a lieu de 2016 à 2021 où l'on passe de 19,7% à 24,8%.
L'enseignement privé ''hors contrat'' dans le supérieur est celui qui a le plus d'importance relative (plus que l'enseignement privé ''sous contrat'' dans le primaire et le secondaire). Et c'est celui dont l'augmentation et l'importance sont les plus fortes ces 5 dernières années (loin devant l'enseignement privé ''hors contrat'' dans le primaire et le secondaire.). Et c'est pourtant , étrangement, celui qui est le moins sur le devant de la scène, éclipsé par les deux autres.
Cela est d'autant plus étrange que la part des étudiants relevant de cet enseignement privé ''hors contrat'' peut être fort élevé voire hégémonique dans certains secteurs. Pour l'année 2020-2021, 39% des 177 0000 étudiants d'écoles d'ingénieurs ; 40% des 357000 étudiants en STS ; la quasi totalité des 32000 étudiants dans les écoles préparant aux fonctions sociales ou des 226000 étudiants dans les écoles de commerce gestion et vente.
En février 2017, un article paru sur le site « Educpros » attirait déjà l'attention, avant même l'accélération que l'on a connue ces 5 dernières années : « Apax, Providence, Laureate. Voilà une dizaine d’années que l’enseignement supérieur apprend à compter avec les fonds d’investissement. Qu’ils soient européens ou anglosaxons, ces fonds ont investi massivement dans l’enseignement supérieur privé français, avec des montants d'acquisition spectaculaires [...] Pourquoi l’éducation supérieure est-elle aussi attractive pour ces acteurs ? Du seul point de vue financier, les formations supérieures offrent des taux de rentabilité très sûrs avec des droits d’inscription à 10 000 euros par an en moyenne, renouvelés sur 5 ans. Le secteur connait de plus une très forte croissance et a, à lui seul, absorbé 80% de la hausse des effectifs étudiants français en 10 ans. Selon les témoignages des participants, les taux de rentabilité recherchés sont élevés»
Très récemment, un article du journal « Le Monde » est revenu à sa façon sur le sujet : « L’appétit de l’enseignement supérieur privé pour les grands commis de l’Etat. L’ancienne ministre du travail Muriel Pénicaud intègre Galileo Global Education, un groupe d’enseignement privé lucratif qu’a rallié aussi Martin Hirsch, ex-patron des hôpitaux[...] L’enseignement supérieur privé lucratif est demeuré longtemps confidentiel dans un univers certes marqué par la dichotomie entre universités et grandes écoles, mais soucieux de garantir une reconnaissance de ses diplômes par son ministère de tutelle. Depuis la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, portée par Muriel Pénicaud en 2018, deux leviers lui ont permis de percer : l’apprentissage, auquel les formations d’enseignement supérieur recourent largement, et le soutien des collectivités locales, qui voient dans ces écoles privées un moyen de réinvestir des bâtiments pour y faire venir une population active"
Un dossier à suivre, à éclairer, et à mettre en lumière.