C'est d'ailleurs ce qui m'a fait juger (dans une interview au "Monde") "intéressante l’entente trouvée entre la majorité et les députés de la droite, qui ne réclamaient pas l’affichage du drapeau européen, mais uniquement celui du drapeau français. L’amendement modifié, qui a finalement été voté, fait mention à la fois du drapeau français et du drapeau européen. Les députés de la droite défendent la présence de symboles nationalistes dans l’école, tandis que les macronistes sont sur une ligne patriotique et européenne. L’amendement ''transpartisan'' voté à l’Assemblée nationale permet de réunir les deux sensibilités''.
Mais à quel prix? Plus politicien que politique? La ligne nationaliste voire identitaire (Ciotti- Wauquiez) peut-elle se conjuguer avec celle d'Emmanuel Macron en campagne pour les présidentielles (voire les Européennes). Episode donc ''intéressant'' (significatif, voire symptomatique) pour saisir les manoeuvres en cours dans le domaine politique où l'on voit le ministre de l'Education nationale et ses soutiens ne pas hésiter à reprendre parfois (mais quasi exclusivement) des amendements venant de LR lors de la discussion de son projet de loi (une loi ''fourre-tout, voire ''attrape-tout'' qui est de nature à permettre précisément ce genre de manoeuvres en tout genre).
Cela dit (et ce n'est pas rien...), il convient de souligner que l'article L111-1-1 du Code de l'éducation indique déjà que les drapeaux tricolore et européen doivent figurer au fronton des établissements scolaires (l'amendement voté est plus intrusif: ''dans toutes les classes du primaire et du secondaire''...). Cela avait été introduit dans la loi de refondation de l'Ecole, comme il avait été répondu le 23 juillet 2013 à une question écrite d'un parlementaire: : « Le ministre de l'éducation nationale a inscrit la dimension européenne de l'enseignement dans la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République qui dispose que ''l'école doit favoriser l'intégration des futurs citoyens français dans l'espace politique de l'Union européenne [...] elle assure conjointement avec la famille l'éducation morale et civique qui comprend, pour permettre l'exercice de la citoyenneté, l'apprentissage des valeurs et symboles de la République et de l'Union européenne, notamment de l'hymne national et de son histoire' ».
A ce sujet, quid de l'ensemble des couplets de la "Marseillaise'' qui devront être affichés dans toutes les classes du primaire et du secondaire et connus des élèves selon le nouvel amendement voté?
On se contentera du billet que j'avais mis sur mon blog d'Educpros il y a trois ans , le 4 février 2016
« La Marseillaise » a accompagné le chant pétainiste « Maréchal nous voilà ! » durant toute la prériode du régime de Vichy. Pas toute la « Marseillaise'' certes. Car, durant cette période, deux couplets ont été généralement privilégiés : le premier, et le sixième (« Amour sacré de la patrie ») . Et deux autres couplets ( les plus ''républicains'') ont été tout à fait censurés (mais ce ne sont pas automatiquement les plus connus, et surtout les plus aisés à comprendre pour les élèves).
Couplet 2
Que veut cette horde d'esclaves,
De traîtres, de roi conjurés?
Pour qui ces ignobles entraves,
Ces fers dès longtemps préparés? (bis)
Français, pour nous, ah! quel outrage!
Quels transports il doit exciter!
C'est nous qu'on ose méditer
De rendre à l'antique esclavage
Couplet 3
Quoi! des cohortes étrangères
Feraient la loi dans nos foyers!
Quoi ces phalanges mercenaires
Terrasseraient nos fiers guerriers (bis)
Grand Dieu! par des mains enchaînées
Nos fronts sous le joug se ploieraient
De vils despotes deviendraient
Les maîtres de nos destinées.
Quant au couplet 1 (qui ne gênait pas le Maréchal), il est loin d'aller de soi ; et les explications ne seront sans doute pas si faciles que cela à établir et à faire partager. Avec «Allons enfants de la patrie!»: d'emblée, la communauté nationale est présentée comme une famille. Certes, le danger est politiquement identifié: c'est la tyrannie, illustrée par une image: «Contre nous de la tyrannie l'étendard sanglant est levé». Pas moins, pas plus: les objectifs politiques de l'agression menée contre la France par les monarchies européennes en 1792 ne sont indiqués que par un seul mot dans toute la première strophe: «tyrannie» (auquel le refrain répond par son antidote: «citoyens»). Puis vient une image rurale: «Entendez-vous dans les campagnes mugir ces féroces soldats?» «Mugir», «féroces»: ils sont comme des bêtes. «Ils viennent jusque dans vos bras»: l'invasion est dépeinte comme une effraction au plus proche de notre intimité. «Egorger vos fils, vos compagnes»! . L'imaginaire est convoqué pour dépeindre les ennemis comme des égorgeurs d'enfants et de femmes ; ce qui fait que l'appel à la guerre citoyenne apparaît finalement comme un traditionnel appel à la vendetta. Et le refrain conclut: «Qu'un sang impur abreuve nos sillons»: l'intention prêtée à ces ennemis bestiaux d'égorger vos fils et vos compagnes vous autorise (selon une loi du talion implicite) à les saigner à leur tour comme des bêtes... (selon une libre reprise d'un texte de Joëlle Martine paru dans « Libération » le 13 juillet 1998).
Bon, il y a du boulot"