Europe-Suisse : tourner la page blochérienne
- 27 sept. 2020
- Par Cuenod
- Blog : UN PLOUC CHEZ LES BOBOS

Loin d’avoir renforcé la Suisse, pour maigre qu’il fût, le succès de l’UDC l’avait affaiblie face à l’Union européenne qui veut renégocier les accords bilatéraux avec la Suisse. Nous avons donc dû en rabattre en adoptant une application très hypocalorique de l’initiative blochérienne qui la réduisait à fort peu et sauvait l’essentiel de la libre-circulation, sans que l’UDC puisse s’y opposer efficacement.
Pour corriger les effets de ce succès transformé en semi-échec, l’UDC a joué son va-tout en essayant de trouver un nouveau biais pour briser la libre circulation entre l’Union européenne et la Suisse. D’où cette dernière initiative. Celle-ci ayant été largement rejetée, la question du libre-passage est désormais dépassée.
Le plus dur reste à faire
Toutefois, le plus difficile reste à faire, à savoir poursuivre les négociations avec l’Union européenne. Celle-ci veut réunir en un seul accord-cadre les 120 signés par Bruxelles et Berne. Or, l’UE est d’autant moins disposée à faire des faveurs à la Suisse qu’elle vit dans la douleur son psychodrame avec la Grande-Bretagne « brexitaire ».
La voie helvétique se révèle donc fort étroite. Un chemin solitaire à la Blocher – pour une économie suisse immergée dans les marchés européens, pour un secteur de la recherche scientifique, grande richesse helvétique, qui ne vit que d’échanges entre cerveaux, pour des Suisses qui vivent ici mais là aussi – aurait conduit tout droit le pays dans les précipices du passé.
Heidi et les framboises du chalet
On peut regretter la douce époque d’une Suisse à la fraîche innocence de Heidi cueillant avec sa grand-maman des framboises sur le seuil du chalet familial. C’est sans doute à cette image que les blochériens se sont accrochés. Mais dans leur grande majorité, les Suisses sont dotés d’un solide sens de la réalité et d’une vieille habitude de la démocratie semi-directe. D’où l’échec de l’extrême-droite populiste ce dimanche.
Si l’UDC l’avait emporté, la libre-circulation entre Suisses et Européens – « clause guilliotine » – aurait été abolie, entraînant la mort de tous les accords avec l’Union européenne, une catastrophe majeure pour l’économie suisse, atteinte comme les autres par les effets du Covid19.
Cette hypothèque est désormais levée. Grâce à ce résultat, la position de la Suisse face à L’UE n’est pas affaiblie. Elle n’est pas pour autant rendue confortable. L’Union Européenne aura sans doute la tentation de transformer le futur accord-cadre en un texte qui contraindrait la Suisse à s’aligner sur toutes les réglementations européennes sans pour autant qu’elle ait le droit de les voter.
Le point qui fâche : la politique des hauts salaires pratiquées par la Suisse, championne d’Europe de la fiche de paie (les statistiques de l’Union syndicale suisse ici). La gauche et les syndicats soutiennent l’accord-cadre avec l’UE mais à la stricte condition qu’il ne tire pas les salaires helvétiques vers le bas. Autre danger : l’accord-cadre ne doit pas entraver l’exercice des droits populaires qui sont nettement plus étendus en Suisse que chez ses voisins.
Les négociateurs suisses ont donc sur la planche un pain qui tient plus du seigle valaisan que de la brioche.
Jean-Noël Cuénod
Survol des autres votations suisses de ce dimanche.
Les Suisses ont accepté :
– à 60% le congé de paternité (deux semaines au lieu de … deux jours) ;
– à 50,1% de réserver 6 milliards de francs (5,5 milliards d’euros) à l’achat d’avions de combat.
Les Suisses ont rejeté :
– à 51% la modification de la Loi fédérale sur la chasse qui aurait autorisé, sous conditions, la suppression préventive de loups ;
– à 63% les déductions fiscales des frais de garde d’enfants par des tiers.
Parmi les votations cantonales et communales…
Les Genevois ont accepté :
– à 58%, le salaire minimum à 23 francs de l’heure (21, 30 euros) ;
– à 58% de supprimer 4000 places de stationnement pour faire place aux transports publics et aux pistes cyclables.
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