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Journaliste (ex-reuters) et auteure indépendante basée à Rome, je vis et travaille dans plusieurs langues et cultures

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Billet de blog 15 mai 2020

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Chronique romaine: lecture

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Au début du confinement, je pensais que j'aurais beaucoup de temps pour la lecture et que j'en profiterais pour lire des classiques que je n'avais pas encore lus, comme Proust par exemple. L'inverse s'est produit. Pendant les premières semaines, je n'arrivais pas à lire, surtout pas de la fiction, je ne lisais que les médias et les réseaux sociaux avide d'information que j'étais. En réalité, je ne voulais pas m'échapper ailleurs, dans un livre, cette crise sanitaire était tellement extraordinaire que je voulais la vivre à fond, être dedans, en suivre tous les dénouements, même les plus minimes. Ça a duré quelques semaines et puis comme beaucoup, je me suis lassée. Je lisais toujours la même chose dans des médias qui n'avaient pas d'autres sujets à traiter que le coronavirus et la quarantaine sous tous ses angles. Je perdais de l'intérêt, j'étais confinée, j'allais bien, ma famille aussi, nous étions tellement isolés que le risque d'être contaminé était faible. Alors, j'ai recommencé à lire pour m'aérer l'esprit, mais ça a pris du temps. J'ai d'abord terminé un livre sur la généalogie familiale de Alejandro Jodorowski, le réalisateur chilien passionné de tarot, c'était de la psychologie pratique, genre "do-it-yourself", ça me convenait dans le contexte. Puis je suis passée à Xavier de Maistre et son Voyage autour de ma chambre que j'ai relu avec un nouveau regard vu la situation. Lui aussi était confiné pendant une quarantaine de jours. Son ton léger et son auto-dérision m'ont beaucoup amusée, j'ai retrouvé les qualités de l'esprit français, qui fait que rien ne vaut la peine de se prendre trop au sérieux. Parce que j'aime voyager, j'ai ensuite ouvert les Voyages de Marco Polo, j'ai tenu quelques pages, c'était trop descriptif et les noms des villes d'Asie centrale avaient tellement changé que je ne m'y retrouvais plus sans utiliser des références. Trop de travail, en plus je déteste les renvois surtout s'il faut les consulter en fin de livre et sans arrêt interrompre son rythme de lecture. C'était exactement la même chose avec l'Enquête d'Hérodote, un grand classique de l'Antiquité que je m'étais promise de lire surtout qu'il parle de la Perse que je venais de visiter quelques mois auparavant, j'ai avancé de deux chapitres jusqu'à l'histoire du roi Crésus, après je n'y arrivais plus, je me perdais dans les personnages. De là, je suis passée à Lolita de Nabokov (je sais, je ne l'avais toujours pas lu en entier mais j'avais vu le film), un chef d'oeuvre de langage et de style. Il ne faut pas lire Nabokov quand on veut écrire, on est découragé d'avance parce qu'on ne sera jamais à la hauteur, cela dit, un monde où il n'y aurait que des Nabokov écrivains serait plutôt déprimant. Et donc, je me suis mise à lire mes contemporains, des journalistes américains (un homme et une femme-deux récits indépendants) qui racontent leur vie, c'était facile et avalé en une journée, et surtout ça m'a confirmée dans l'idée qu'il y a incompatibilité entre une carrière réussie dans le journalisme international et une vie de mère qui veut être présente pour ses enfants. J'ai toujours été là pour eux mais je m'en suis voulu d'avoir abandonné ma carrière, à la lecture de leur récit, j'assume enfin mon choix, c'est une petite délivrance que je vis ici en direct.

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