Chapitre IX Où il est question de la culture, de la Milice et de la fin du règne de César Chiracus
Résumé des épisodes précédents : Au crépuscule de sa vie, le sage Démocrite est principalement préoccupé d’éclaircir la question des « prémonitions » qui défient sa philosophie radicalement matérialiste. Ayant reçu quelques dizaines d’années plutôt une lettre d’Auguste Comtus contenant des prédictions sur le règne de Sarkominus, il a jugé à propos, d’enquêter et de rencontrer le tyran du pays de Droite. Accompagné du jeune Protagoras, il remonte le fleuve Rhodanus et fait, notamment, la connaissance de Mécène, directeur d’une compagnie théâtrale.
1. Où l’auteur, le jeune Protagoras, décrit les abords des bas-fonds d’Arelate
Au petit matin, je me suis promené, puis égaré dans Arelate. J’ai aperçu les bas-fonds de la ville, sans oser m’y enfoncer. Là se concentrait la population métèques qui fournissait la main d’œuvre nécessaire aux activités du port fluvial.
Je surpris la conversation des miliciens qui surveillaient la populace réputée dangereuse.
L’un maugréait : « Ces espèces de Grécaillons, qui se promènent la tête encapuchonnées… Ces esclaves fugitifs vous bloquent le chemin et vous empêchent de passer… On peut toujours les voir au cabaret, lorsqu’ils ont pu voler quelques pièces de monnaie, et, après avoir bu du vin chaud, ils s’en retournent chez eux, bien enveloppés dans leur capuchon en roulant de sombres pensées. »
« - Grécaillons ?, ironisa un autre. Et encore, elle est bien faible la proportion des Grecs dans cette tourbe ! Depuis longtemps déjà, l’Oronte syrien s’est déversé dans notre Rhodanus, transportant sa langue, ses mœurs, ses harpes orientales, ses joueuses de flûtes, ses tambourins et ses filles que l’on contraint à se prostituer près du grand cirque. »
« - Dans cette populace de canailles et de miséreux, ajouta un troisième, l’occupation essentielle de la plupart, depuis le lever du jour jusqu’au soir, qu’il fasse soleil ou qu’il pleuve, c’est de détailler les qualités et les défauts des cochers et des chevaux. » (1)
« - Il serait temps, conclut un quatrième, qu’on nous débarrasse, comme Sarkominus l’a promis, de toute cette racaille (2). Moi, je te détruirais leurs taudis et je ferais une vraie politique de purification sociale. »
Soudain de grands chars, avec des musiciens, déboulèrent et entrèrent dans les bas-fonds. Perché sur l’un des chars, il y avait Amaria qui criait à la populace : « Salut, les glandouilleurs ! Je suis Amaria, nommée tribun des bas-fonds par César Sarkominus. Glandouilleuses, glandouilleurs, je suis venue pour vous motiver (3). Dis-moi, toi…, dit-elle en pointant un jeune encapuchonné. Oui, toi, le glandouilleur, c’est à toi que je parle ! Imagine que ton pote, se serait un dieu !... – avoue que ça serait de trop de la balle d’avoir un pote qui serait un dieu ! – et bien qu’est-ce tu lui demanderais à ce dieu pour améliorer les bas-fonds, vu que t’y vivras jusqu’à la fin de tes jours ? »
2. Où Mécène donne lecture d’une missive de Mitterandus Junior qui révèle le projet sarkominien de fonder la « Culture d’après »
Il me sembla judicieux de ne pas traîner plus longtemps dans ce quartier, aussi me suis-je empressé de rejoindre le théâtre, où Mécène et Démocrite s’était donné rendez-vous.
Mécène était passablement excité. Il venait de recevoir une missive de Mitterandus junior. Ce neveu de César Mitterandus venait d’être nommé « Grand pontife de la culture d’après du pays de Droite d’après ». Il nous donna lecture de cette missive de bienvenue, adressée à chacun des artistes conviés pour les dionysies d’Avennio.
« Bonsoir,
Permettez-moi de savourer le privilège qui m’est accordé de vous accueillir pour les dionysies d’Avennio et de partager avec vous des joies ineffables qu’offre l’art théâtral. Mon exultation est cependant affadie par l’absence de Sarkominus, serviteur de notre nation, trop accaparé par les nombreuses tâches titanesques qui aiguillonnent la génialité du grand homme. Mais notre César, viscéralement tenaillé par l’amour des muses, sera parmi nous en pensée, ne serais-ce que par son fulgurant dessein de refonder la culture de notre pays, le « pays de Droite d’après. » Il eut été déshonnête de ma part de taire mon anxiété face à la grandeur de la mission sacrée de « Grand pontife de la culture d’après » qui m’a été confiée, mission qu’il me faudra bien accomplir avec une humilité à nulle autre pareille. Du mieux que je pourrais, je vous traduirais, avec une honnêteté, que je jugerais complimentée si vous la dites servile, les conceptions culturelles de notre César Sarkominus, qui vous le verrez sont sans précédent dans l’histoire universelle.
Qu’est-ce qui prédisposait cet homme – car, rappelons-le, Sarkominus est un être humain - à ressentir, contre l’esprit paresseux du temps, l’effroi prophétique d’une menace pesant sur toute la nation, menace qui prenait l’aspect de ce que nous nommons aujourd’hui la « culture d’avant » ? La « culture d’avant » fut promue par des « Césars fainéants » (4) enclin à complaire à une petite intelligentsia, dont la véhémence démocratique dissimulait mal son ressentiment contre l’esprit de réussite ainsi que sa fascination pour les charmes mortifères des moeurs barbares ? Sarkominus, avec l’énergie juvénile et ébouriffante qu’on lui sait, osa, d’un jugement lucide et sans appel, répudier cette « culture d’avant » : « De tout ce qu'a raté la culture de l'assistanat et de la facilité, l'école est sans doute sa plus belle déroute. Grâce à elle, la culture commune se dissout. C'est toute la nation du pays de Droite qui s'en trouve menacée. » (5)
Notre grand César, avec ce ton ferme qui lui permet de rassurer le peuple épouvanté, a su trouver les mots justes pour mettre au jour le complot cynique des conjurés de la « culture d’avant » : « En sapant l'autorité des professeurs, en détruisant la transmission, en dévalorisant la culture, en renonçant à l'excellence, en apprenant aux enfants que tout se vaut, en appauvrissant le savoir, en abaissant le niveau des diplômes pour pouvoir les donner à tout le monde au nom d'une fausse conception de la démocratisation » (6), la petite intelligentsia préparait rien moins que la capitulation devant la pensée barbare. Car le programme de la « culture d’avant » consistait, tel un préliminaire, telle une manoeuvre invisible et ensorcelante, a déculturer la nation pour qu’elle s’abandonne sans réserves aux impulsions barbares, car « sans le patient travail de la civilisation, sans la culture, il ne reste plus dans l'homme, que la violence instinctive, que la pulsion aveugle, que le réflexe tribal » (7).
Etais-ce par amour du bien public ou était-ce, plus secrètement, par compassion pour une jeunesse désorientée par la « culture d’avant » - désorientation qui réveillait en lui les émotions refoulées de ses propre détresses d’enfant humilié -, qui fit germer sa résolution d’éradiquer la « culture d’avant » ? Nous laisserons aux historiens le soin de trancher, de sa vertu ou de son exquise sensibilité, ce qui pesa le plus lourd dans sa résolution réformatrice.
En tout cas, nul ne pu rester indifférent au sentiment de désolation que suscita en lui les activités de sabotage de la petite intelligentsia ? « Déjà les enfants ne comprennent plus de quoi leur parlent leurs parents quand ils leur parlent de culture. Et bientôt, faute d'un savoir partagé, faute d'une morale et d'une culture commune, ils ne se comprendront même plus entre eux. Au bout de la faillite de l'école il y a l'éclatement de la famille. » (8) Avec une magnanimité sans égal, Sarkominus, promit de ne ménager aucune peine pour rééduquer la petite intelligentsia et conçu de répandre dans les coeurs et les esprits un élixir de vie nommé « Culture d’après » : « Qu'avons-nous d'autre pour répondre à ce cri angoissé d'une jeunesse désemparée par ses propres sentiments, par ses propres pulsions, sinon la littérature, la poésie, l'art, la philosophie ? La culture n'a jamais été une garantie contre la barbarie, contre la bestialité, mais elle est la seule chose que nous ayons à leur opposer. » (9)
Amis artistes ! Vous êtes chaleureusement conviés à vous présenter au « Grand pontificat de la culture d’après » pour vous y faire enregistrer comme contributeur au grand rêve de la « culture d’après », que notre glorieux César, dans un élan d’onirisme hyperbolique, à formulé d’une phrase appelée à traverser les siècles : « Je rêve d’un pays de Droite où les professeurs n'aient plus peur de leurs élèves, où les adultes n'aient plus peur des jeunes. » (10) La « culture d’après » appelle à renouer avec la simplicité vitale des vérités éternelles, par exemple le fait que « dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pontife. » (11)
Comme « Grand pontife de la culture d’après » je ne reculerais devant aucune forme d’abnégation pour vous inculquer l’esprit de la « culture d’après ». Si Sarkominus a promis de continuer à « encourager par tous les moyens la création », il a ajouté dans un élan visionnaire : « je veux qu'il n'y ait plus d'aides sans contrepartie. » (12) Et la contrepartie de l’intelligentsia à l’honneur qui lui est fait de pouvoir persévérer dans son art, dans ses études ou ses recherches, c’est d’aboutir à une production évaluable en termes de « transmission des valeurs esthétiques, intellectuelles, morales qui fondent une vision commune du monde » (13). La contrepartie, c’est aussi la dénonciation au « Grand Pontificat de la culture d’après » des activités de sabotage clandestines menées par les derniers réduits de la « petite intelligentsia » impénitente, composées d’individus reconnaissables entre tous, puisque le pays de Droite, comme le rappelait notre César, « est le seul pays où une petite intelligentsia considère qu’on n’a pas le droit de parler d’identité nationale. » (14)
Sur ce, chers amis artistes, je vous souhaite d’excellentes dionysies et que vous raffolerez de spectacles évaluables en termes de transmission de valeurs communes et d’oeuvres d’excellences respectueuses d’une démarche qualité totale. »
« - Mais c’est quoi cette histoire d’identité nationale du pays de Droite d’après ?!? », s’exclama Mécène.
3. Où Protagoras insère dans son journal de jeunesse une parenthèse philosophique que le lecteur pourra sauter
[J’insère ici, dans mon journal de jeunesse, une parenthèse philosophique, que le lecteur pourra sauter.
Démocrite, comme j’ai eu l’occasion de l’écrire* voit dans la Nécessité une puissance tourbillonnante qui a séparé et rassemblé les éléments mêlés du Chaos originel, contraignant les atomes d’eau à s’unirent aux atomes d’eau, les atomes ferreux aux atomes ferreux, les atomes gazeux aux atomes gazeux, etc. La Nécessité pourrait être conçue comme une puissance qui sépare et qui fabrique de l’homogène.
Pourtant, le monde n’est pas constitué d’objets et d’êtres homogènes. Les êtres vivants, par exemples, sont constitués d’atomes de toutes natures, les uns durs, formants les os, les autres liquides formant le sang, etc. C’est pourquoi Démocrite suppose une deuxième puissance, qu’il nomme Justice et qui permet aux atomes de natures différentes de se lier et de s’ajuster les uns aux autres pour former les êtres et les choses. La Justice pourrait être conçue comme une puissance qui relie et qui fabrique de l’hétérogène.
C’est deux puissances, en apparence contradictoires, sont en réalité deux forces nécessaires à l’existence des êtres et des choses.
Sans la Nécessité, les hommes se méconnaîtraient comme semblables, et ne se rencontreraient pas. « Chaque jour, écrit Démocrite, le Soleil mêlant ensemble les actions et les pensées des hommes avec sa lumière, les réveille et excite leurs pensées. Au point du jour les hommes courrant comme dedans un chariot, du désir de s’entre rencontrer vivement. » (15) Mais si la Nécessité impulse la rencontre, celle-ci, comme simple élan, ne peut, par elle-même, qu’engendrer un choc stérile. Pour que les hommes se lient entre eux, ils leurs faut s’ajuster les uns aux autres, découvrir leur complémentarité, et donc s’efforcer d’être eux-mêmes et de ne pas vouloir ce que veut l’autre et de ne pas tenter d’être ce qu’est l’autre, « car c’est l’envie qui est au commencement de la discorde » (16) et finalement de l’injustice. En somme, le choc n’est évité que si les hommes trouvent à s’ajuster les uns aux autres, c’est-à-dire agissent selon la Justice. C’est pourquoi Démocrite écrit aussi : « seuls sont aimés des dieux ceux qui haïssent l’injustice. » (17)
Ceux qui ignorent la Justice, ceux qui agissent sous la seule emprise de la Nécessité ne savent que délier et fabriquer des chocs. Une cité sans justice, tendra à homogénéiser son peuple sous l’uniforme et de le faire entrer en guerre contre la cité voisine, ou bien elle tendra à homogénéiser un groupe de citoyens qui formera un parti, qui entrera en guerre civile contre un autre groupe de citoyen. La Nécessité, par le choc des deux Cités adverses ou des deux factions adverses, fabrique des entités différentes, mais, au final, semblables dans la réciprocité de l’échange violent.
Mais, précise Démocrite, « l’ennemi n’est pas celui qui commet l’injustice, mais celui qui l’a veut. » (18) Il y a des états de nécessité qui obligent à briser les liens que les hommes ont formés, il y a parfois nécessité à attaquer ce qu’ils regardent comme juste, non pas désir de commettre l’injustice, mais parce que ces liens doivent se transformer. Les « ajustements » qui unissent les atomes se renouvellent, se recréent et se réajustent, ne sont jamais rigides mais toujours souples pour que les êtres et les choses perdurent, tout en se transformant. Si les liens entre les atomes étaient rigides, si les liens figeaient les atomes les uns par rapport aux autres, on ne comprendrait pas comment les enfants pourraient grandir. Et moins encore comment les hommes seraient advenus sur terre. Car comme l’a démontré le sage Anaximandre « c'est dans des poissons que les hommes ont originellement pris naissance, qu'ils y ont été nourris, et qu'après y avoir été en quelque sorte élevés et devenus capables de s'aider eux-mêmes, ils furent jetés dehors et prirent possession de la terre. » (19) Parfois, donc, l’injuste brise des liens trop rigides pour permettre aux relations de changer et non par plaisir de commettre l’injustice.
Je referme ici ma parenthèse et je reprend le dialogue entre Démocrite et Mécène, là où je l’avais interrompu, c’est à dire au moment où Mécène s’exclamait : « Mais c’est quoi cette histoire d’identité nationale du pays de Droite d’après ?!? ».]
4. Où Démocrite expose que la culture, sous la tyrannie, est tyrannique ou n’est pas
« - L’identité nationale..., répéta Démocrite avant d’éclater de rire. Je suis certainement un éminent représentant de la petite intelligentsia, moi qui professe que « la terre toute entière s’ouvre à l’homme sage, car l’univers entier est la patrie des âmes de valeur. » (20) Là où règne la tyrannie, c’est-à-dire l’injustice, la Nécessité commande à la culture de s’homogénéiser avec son environnement et de devenir, elle-même, tyrannique. Le pouvoir du tyran émane du peuple, dont le tyran s’affirme le protecteur, face à toutes sortes de menaces. Et la menace qui hante le pays de Droite, comme les Atlantidéens et le reste de leurs alliés, c’est celle de perdre une suprématie qui offrait à chaque citoyen de ces Etats le sentiment d’appartenir à la fine fleur de l’humanité. Ainsi parle les disciples d’Aristide de Smyrne, qui s’inclinent devant l’Empereur Dobélioubouche l’atlantidéen et le conjure d’asseoir sa puissance sur le monde en prétendant que, grâce à lui, « la terre a déposé son ancien vêtement, qui était de fer, pour ne plus apparaître qu’en costume de fête. » Ils chantent ainsi ses louanges : Ô Dobélioubouche « vous avez fait une réalité du mot d’Homère : la terre est le bien commun de tous. Vous l’avez mesurée d’un bout à l’autre, vous avez jeté partout des ponts sur les fleuves, percé les montagnes de routes carrossables, peuplé les déserts, et tout ennobli par l’ordre et la discipline. On peut se passer, maintenant, d’une description de l’univers, d’un catalogue des coutumes et des lois de toutes les nations séparément énumérées ; car vous êtes devenus des guides pour le monde entier, en avez ouvert toutes les portes et donné à chacun la facilité de tout voir de ses propres yeux. Vous avez rendues des lois obligatoires pour tous, supprimé un état de choses amusant à raconter mais, devenu réellement insupportable, et fait en quelque sorte du monde entier une seule famille, en mariant tous les peuples entre eux » (21) Combien ce rêve d’une humanité homogène sur une terre homogène paraît au premier abord rassurant pour les atlantidéens et leurs alliés ! Et combien ce rêve permet d’évacuer la question de la Justice entre les peuples ! Mais ce rêve est, à la réflexion, bien inquiétant, car tous les peuples, en mettant au second plan les petites différences « amusantes à raconter », révèle leur désir d’être comme les Atlantidéens et leurs alliés, c’est-à-dire aussi riches et aussi puissants qu’eux... Et l’on pressent bien que ce monde dominé par une seule et même envie de s’égaler les uns et les autres en puissance et richesse recèle la possibilité de chocs inouïes et que la terre risque de se parer de vêtements de fêtes sanglantes.
Le tyran advient en se proclamant protecteur du peuple face aux dangers de toutes sortes. Pour armer le peuple face aux dangers, il prétend l’homogénéiser pour mieux l’unir, et, pour y parvenir, il mettra au premier plan les petites différences « amusantes à raconter ». Ainsi la culture devient l’instrument de tyrannie, l’instrument qui valorise les petites différences « amusantes à raconter » qui appartiennent au monde de « chez nous » et, inversement, qui dévalorise les petites différences « amusantes à raconter » qui appartiennent au monde de « chez eux ». La culture devient plus subtilement tyrannique en organisant la traque des éléments du peuple, qui, à l’instar de ces animaux amphibiens, vivent, par nécessité, entre deux mondes. Il y a bien entendu les métèques, qui vivent dans le pays depuis trop longtemps pour en être étranger, mais qui, toutefois, ne peuvent se déprendre de liens avec leur terre d’origine. Il y a les jeunes, qui ne sont plus tout à fait des enfants localisables dans leur famille, ni tout à fait des citoyens ayant leur place dans la société. Et il y a enfin la petite intelligentsia, qui use trop de sa pensée pour être confondue dans la masse des travailleurs, mais qui n’appartient nullement à la classe des pontifes chargée de dire ce qu’il faut penser. Ainsi peut-on définir trois populations susceptibles, de par leur hétérogénéité intrinsèque, de par le fait qu’elles sont à l’intercession de deux mondes, d’être perçues comme porteuses de menace pour l’homogénéité du peuple. Menace d’ailleurs facile à « prouver » puisque les métèques méconnaissent les petites différences « amusantes à raconter » de chez nous, les jeunes les bravent par insolence et la petite intelligentsia les discute.
Le tyran ne peut que conclure que le meilleur moyen de défendre le peuple, c’est de défendre sa « culture », et que défendre sa culture c’est surveiller les populations qui risque de la menacer, et, qu’en conséquence, le meilleur défenseur de la culture ce n’est pas l’homme de culture, mais le milicien.
5. Où l’on apprend comment Sarkominus fit le la Milice impériale un fait esthétique total
La conversation s’interrompit car nous devions rejoindre le port fluvial. Les utriculaires recrutés par Mécène avaient terminé de transborder sur trois radeaux les décors et les malles. Les radeaux, étayés par des outres gonflées d’air, allaient pouvoir remonter le Rhodanus, tirés par des bœufs qu’un homme, sur la berge, guidait le long du chemin de hallage. Sur chacun des radeaux, trois nautes assuraient la manœuvre. Le premier, au devant, lançait régulièrement un poids en plomb relié à un fil afin d’évaluer la profondeur du fleuve et avertir d’éventuels obstacles. Le second, à l’arrière, maniait la gouverne et le troisième utilisait sa gaffe (22) pour prévenir tout échouage sur les rives du fleuve. La navigation se compliquait à la hauteur d’Ernaginum car les utriculaires de cette petite localité - qui se trouve au carrefour des voies aurelienne et domitienne -, y assurent de nombreux passages entre les rives gauche et droite du fleuve. Nous fîmes, ensuite, une pause à hauteur de Tarusco (23), où le fleuve connaît des débordements furieux, que les contes attribuent à une tortue monstrueuse nommée Tirascurus.
Démocrite profita de cette pause pour poursuivre son analyse de la lettre de Comtus** et proposer son interprétation de la troisième « prophétie » de Comtus : « Par des repères lumineux, il ne se perdra pas, et sauvera ses pairs de la fureur du père des Repaires. » Pour Démocrite, cette prophétie se rapportait à des faits mystérieux, qui provoquèrent la chute de Chiracus. Je complèterais le récit de Démocrite grâce aux découvertes des biographes de Sarkominus.
Ceci nous ramène aux époques sombres du « pays de Droite d’avant », époque où Sarkominus retrouva les faveurs du vieux Chiracus et s’épanouie pleinement en occupant le poste convoité de chef de la Milice impériale.
Sarkominus la réforma en profondeur, pour démontrer à son artiste de père, que l’on pouvait élever la Milice au rang de fait esthétique total. Il commença par redessiner les uniformes des miliciens, pour que ceux-ci ressemblassent à des athlètes plus qu’à d’austères légionnaires et ils leurs offrit des chars puissants et bariolés, ainsi que des armes du dernier cri. Le rôle du Milicien ne fut plus seulement cantonné au gardiennage des beaux quartiers, ils devaient à présent veiller à la conservation de la beauté des lieux en refoulant vers les bas-fonds les mendiants, les prostituées, les vagabonds et les errants à la recherchent d’un refuge pour la nuit et encore les auteurs de graffitis (24). Le Milicien fut élevé au rang de défenseur de la culture, en assurant une surveillance étroite des trois groupes susceptibles de menacer l’homogénéité culturelle de la nation, à savoir les métèques, les jeunes et la petite intelligentsia (25). Les tâches prosaïque auxquelles les miliciens étaient jusqu’alors astreint, comme patrouiller dans les bas-fonds ou protéger le citoyen contre les auteurs de violence, furent résolument abandonnées et rejetées comme indigne de leur nouveau rôle de gardien de l’esthétique de la vie sociale (26).
Un jour des émeutes (27) sans précédents éclatèrent à travers tous les bas-fonds du pays de Droite. Le père de Sarkominus en profita pour saluer les efforts d’esthète avec ces termes : « Bravo l’artiste ! Hin ! Je vois que tu t’es converti à l’art moderne ! A la vue de toutes ces carcasses de chars brûlés, je dois convenir que t’es un malin ! Faire de l’art avec des objets de récupération c’est très tendance. Hin ! Quelle est ta prochaine innovation ? Laisse moi deviner ! As-tu pensé à faire des compressions d’objets ? C’est très à la mode ! Non ? Tu préfères te limiter à la compression des citoyens ? Hin ! Par contre quel sens de la provocation ! Quel sens du happening ! Diogène de Sinope qui se masturbait en public expliquant aux passants « qu'il serait à souhaiter qu'on pût ainsi apaiser la faim » et Cratès qui « un jour que sa passion était à son comble, baisa Hipparchie de Maronée en public, accomplissant dans le Pœcile la cynogamie » (28) peuvent aller se rhabiller ! Insulter les cadavres de deux enfants que la Milice à laisser crever en les traitant de délinquants, puis faire enfumer comme des rats les familles en prières dans leur temple, voilà qui est à même de réveiller un public englué dans l’académisme ! Hin ! Tes amis m’avaient assurés que tu avais des idées lumineuses à réaliser. Le spectacle des incendies m’oblige à avouer qu’ils ne mentaient pas ! Hin ! »
6. Démocrite éclaire la prédiction de Comtus : « Par des repères lumineux, il ne se perdra pas, et sauvera ses pairs de la fureur du père des Repaires. »
"Les derniers jours du règne de César Chiracus"
(Photo du film de Quentin Tarantino)
Hormis, donc, ce contretemps de 21 jours d’émeutes, l’époque fut particulièrement heureuse pour Sarkominus... jusqu’à un soir d’hiver où il fit une terrible découverte. La journée avait commencé normalement. Chiracus dévorait le bœuf qu’on lui savait servis pour le déjeuner et avant d’arracher chaque lambeau de chair de l’animal d’un mouvement altier de la tête, il inspectait du regard ses sept fidèles lieutenants : Juppéus, Villepinus, Debréus, Raffarinus, Douste-Blazius, Barouinus et Sarkominus. Les sept promenaient distraitement leurs regards dans le Repaire central, ce Repaire qu’ils espéraient tant recevoir, un jour, en héritage. Lorsqu’il ne resta plus qu’une carcasse disloquée sur la table, Chiracus prit la parole : « Amis fidèles du Repaire, nous sommes une grande famille. Je vous regarde tous comme mes fils. C’est là un lien sacré. Le grand Platon d’ailleurs écrit à ce sujet : « les jeunes gens n’essaieront pas, sans un ordre des magistrats, d’user de violence à l’égard d’hommes plus âgés, ni de les frapper ; ils ne les outrageront pas non plus, je crois, d’aucune autre manière, car deux « gardiens » suffiront à les empêcher : la crainte et le respect ; le respect en leur montrant un père dans la personne qu’ils veulent frapper, la crainte en leur faisant appréhender que les autres ne se portent au secours de la victime, ceux-ci en qualité de fils, ceux-là en qualité de frères ou de pères. » (30) Les sept applaudirent cette juste entrée en matière et s’adressèrent mutuellement des sourires affables.
Chiracus reprit : « Je reviens d’Atlantide. Il s’y passe de belles et grandes choses ! J’y ai découvert que pour renforcer l’esprit de famille et d’équipe, ils pratiquent des « Feun Dai. » Les « Feun Dai » sont des journées, où les gens importants comme nous, appelés « staf meumbeurs » ou « vi-aï-pi », se réunissent pour vivre tous ensemble des « big exïtementes » et des « enterretaïnmente ». Je vous expliquerais tout cela demain, l’essentiel est que vous reteniez que c’est une démarche « véri manadgérial » qui développe le « tim spirit » et le sens des « valiouz » et que ça structure des « corporat méssaj » qui unissent le groupe. Les enfants ! Demain matin, je vous emmènerais en « Feun Dai ». Vous ne serez pas déçu ! »
Sarkominus, soucieux de se faire pardonner ses félonies passées, s’employait à prouver son zèle en veillant sur la sécurité du tyran, notamment en faisant étroitement surveiller les six autres lieutenants. Désireux de montrer au vieux chef combien il avait assimilé les méthodes de la Milice impériale, notamment celles de la chasse aux métèques, il résolu de lui faire une « belle surprise ». Il s’introduisit et se cacha sous le lit de la chambre à coucher de Chiracus, afin de pouvoir surgir de manière impromptue en s’écriant : « voyez Chiracus, comme votre fils est devenu un habile espion et combien vous pouvez lui faire confiance ! » Dissimulé sous le lit, il avait bien du mal à contenir la joie que lui procurait d’avance la « belle surprise » qu’il allait faire à Chiracus et à son épouse Bernadettia.
Il attendit qu’ils se couchent et quand il les entendit se glisser sous les draps il commença mentalement un compte à rebours en débutant par le chiffre dix. Au chiffre six, le couple tapotaient sur leurs coussins. A l’instant où il allait prononcer le chiffre trois dans sa tête, Chiracus dit à son épouse :
« - Madame, je dois vous faire la confidence d’un crime effroyable... D’un crime que je prépare. »
« - Encore un ? », répéta embarrassée Bernadettia.
« - Plus exactement, madame, j’en projette sept », rectifia Chiracus.
« - Sept, c’est beaucoup… », marmonna Bernadettia en faisant la moue.
Ce dialogue refroidit l’enthousiasme de Sarkominus, qui, dissimulé sous le lit, se fit le plus petit qu’il pu.
« - Vous avez raison, c’est beaucoup !, convint Chiracus. Mais croyez que je m’y résout contraint par un oracle impitoyable qui m’annonce : « tes sept fils se détourneront de toi, et l’un tentera de te crucifier. » Demain, madame, je mènerai au trépas mes sept plus fidèles serviteurs, Juppéus, Villepinus, Debréus, Raffarinus, Douste-Blazius, Barouinus et Sarkominus. »
« - Quelle charge terrible que la vôtre, mon ami ! Puis, dans un cri, elle s’exclama : Par tous les dieux, mon époux, vous pleurez !… »
Chiracus, les yeux remplis de larmes, hurla : « Ô astres cruels, ô dieux inhumains, ô marâtre Nature ! Pourquoi me condamnez-vous toujours à répandre des flots sanglants ! Ne vous ai-je pas rassasiés en victimes innocentes, pour que vous exigiez encore le sacrifice de mes sept meilleurs serviteurs ? »
« - Ô divinités muettes et intraitables, quand donc foutrez-vous la paix à mon mari !, vitupéra Bernadittia. Mais dites, moi, mon cher époux, sept c’est du travail ! Comment ferrez-vous, vous n’avez plus vingt ans, les choses pourraient mal tournée, vous pourriez vous faire un lumbago ou que sais-je en traînant leurs cadavres ? »
« - Soyez sans crainte. J’ai fais bâtir dans la forêt un labyrinthe et fais venir de Crète, un minotaure. J’y perdrais mes sept crétins qui serviront de repas au monstre, répondit Chiracus. La journée de demain sera une rude journée, aussi m’endormirais-je aussitôt après le souper », ajouta Chiracus en déchiquetant les chairs de son porcelet du soir.
Sarkominus tremblait des pieds à la tête. Lorsque les ronflements de Chiracus se mirent à faire trembler la bâtisse, il s’extirpa silencieusement de la chambre et médita sur l’effroyable situation. Il chercha un procédé qui permit de sortir d’un labyrinthe. La salle du Trésor attira son attention et il eut cette lumineuse idée : emporter, avec lui, un sac de pièces d’or et les laisser choir, une à une, derrière lui, en telle sorte qu’il n’y aurait plus qu’à les suivre pour trouver le chemin du retour.
Le lendemain matin, une atmosphère bon enfant régnait dans le Repaire central, une ambiance de « Feun Dai. » Les lieutenants de Chiracus étaient tout excités par la perspective des « big exïtementes. » Entonnant des chants, ils s’enfoncèrent dans la forêt, puis pénétrèrent dans le labyrinthe. Après avoir tourné et tourné, la petite troupe entendit un terrible mugissement. Chiracus leur expliqua que le « big exitementes » consistait en un jeu d’orientation. Ils devraient compter jusqu’à dix en fermant les yeux, puis retrouver la sortie. Juppéus fit observer que l’épreuve était difficile car trouver la sortie d’un labyrinthe pouvait exigé plusieurs jours et que les affaires du pays de Droite requéraient ses hautes compétences. Chiracus lui répondit : « Tu es le meilleur d’entre nous, alors je ne doute pas qu’avec ta magnifique intelligence, tu solutionneras ce problème dans les deux minutes ! » Et sitôt dit, Chiracus prit ses jambes à son cou pour rejoindre un passage dérobé.
Les sept avaient les yeux fermés et percevaient de plus en plus nettement un souffle hideux, qui s’approchait inexorablement. C’est alors que Sarkominus s’écria : « regardez ! Un sesterce d’or ! » « Il est à moi, je l’ai vu le premier », hurla Douste-Blazus. Les lieutenants commencèrent à se disputer le sesterce, quand Sarkominus lança un « et là, un autre sesterce ! », ce qui provoqua une nouvelle ruade agrémentée d’exclamations comme « c’est le mien, je le reconnais » ou des échanges de coups. Sarkominus attirant leur attention sur chacun des sesterces qui surgissaient de proche en proche, parvint à les ramener tous, sains et saufs, jusqu’au Repaire central.
Apercevant la petite troupe des sept qui revenait en chantant, Chiracus eut le plus grand mal à dissimuler son étonnement. Il décida d’enquêter, mais avant toute chose il se rendit au labyrinthe pour remettre le minotaure dans sa boîte et en obtenir, par retour à l’expéditeur, le remboursement. Puis, recomptant le trésor du Repaire, il découvrit la disparition d’un sac d’or. Le mystère demeurait intact, mais comme les sept se déclaraient très heureux de la journée passée, il décida d’organiser un second « Feun Dai » pour le lendemain. Sarkominus pour déjouer le mauvais coup de Chiracus, se rendit immédiatement à la salle du trésor pour y prélever un deuxième sac d’or. Mais là – horreur -, il trouva la porte couverte de chaînes et cadenassée ! « Comment faire sans pièces d’or ?!? Cette fois, nous sommes perdus ! », songea t-il.
Le lendemain, Chiracus et les sept lieutenants partirent pour un nouveau « Fun Dai. » Le vieux tyran, en prévision de sa collation de quatre heures, mit un agneau dans son sac de voyage et prit la tête de la petite troupe. Après plusieurs heures de marche, ils arrivèrent devant une rivière nommée « Clirstrymia », rivière qui avait la réputation d’être affluente au Léthé, fleuve souterrain qui traverse les enfers et où les âmes qui s’y baignent perdent la mémoire (31). Il fit monter les sept dans une grande barque et leur expliqua les règles du nouveau jeu.
Pour renforcer le « Tim Spirit », ils devraient se montrer solidaires : l’un d’entre eux, tiré au sort, entrerait dans un sac, qui serait ensuite fermé et jeté à l’eau. Les autres devraient alors se précipiter pour l’en sortir avant qu’il ne se noie. Il distribua un sac à chacun d’eux et leur demanda d’y pénétrer. Les sept s’exécutèrent. Puis Chiracus ferma les sacs les uns après les autres. Juppéus, un peu surpris, fit observer que s’ils étaient tous enfermés dans un sac, il ne voyait pas comment ils pourraient se porter mutuellement secours. Alors Chiracus lui dit : « Tu es le meilleur d’entre nous, alors je ne doute pas qu’avec ta magnifique intelligence, tu solutionneras ce problème dans les deux minutes » et il referma le sac de Juppéus. Chose faite, il jeta les sept sacs à l’eau et s’en retourna vers la rive.
Sarkominus avec la discrétion d’un espion de la Milice impériale, avait habilement mit l’agneau du quatre heure de Chiracus dans le sac qui lui était destiné. Il se tenait dissimulé près de la rive. Lorsque Chiracus fut assez éloigné, il se jeta à l’eau et libéra l’un après l’autre les six lieutenants.
Les conséquences de cette ignominieuse journée furent terribles pour Chiracus. Comme l’avait annoncé la prophétie, ces sept « fils » se détournèrent de lui. Juppéus s’exila en Atlantide pour rédiger une thèse sur les « Feun Dai » ; Debréus, Raffarinus, Douste-Blazius et Barouinus, humilié d’avoir été ainsi maltraités, se promirent de « faire les bêtes » à chaque fois que Chiracus leur demanderait quelque chose, objectif auquel ils surent se tenir. Quand à Villepinus, qui avait dérivé jusqu’à l’embouchure du Léthé, avait bu une tasse d’eau saumâtre, qui fit perdre la mémoire de cette journée, ce qui explique qu’il demeura fidèle à Chiracus. Quand à Sarkominus, assuré de la complicité au moins passive des lieutenants trahis de Chiracus, décida de se débarrasser du vieux tyran avec le succès que l’on sait.
* Sur la philosophie de Démocrite et l'interaction entre Nécessite et Justice, voir Vie de César Sarkominus III, 3
** Sur la lettre et les prédictions de Comtus, voir Vie de César Sarkominus, VI, 2
Notes :
(1) Plaute, Le Charançon, v. 286-295 / Juvénal, Satire, III, v. 62-65 / Ammien Marcelin, Histoire, XIV, 25. Dans la citation originale, l’Oronte se « jette » dans le Tibre, fleuve romain. L'Oronte est un fleuve du Proche-Orient. Il prend sa source au centre du Liban, traverse la Syrie occidentale et se jette dans la Méditerranée
(2) Le 26 octobre 2005, Sarkozy, ministre de l’Intérieur, au cours d'une visite d'un quartier d'Argenteuil, suscita la polémique en déclarant : « Vous en avez assez, hein, vous avez assez de cette bande de racailles ? Eh bien on va vous en débarrasser ».
(3) Fadela Amara, ancienne présidente de « Ni putes, ni soumises » et membre du PS, rallie Sarkozy pour s’occuper des banlieues. Le plan médiatique de son « plan anti-glandouille » (ou « plan Espoir banlieue »), qui a coûté la bagatelle de 600.000 euros, a surtout servis à occulter une vaste politique de destruction de logements sociaux. Le rapport 2009 du Comité d’évaluation de l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) comptait 52.262 logements détruits au 31/12/2008. Dans le même temps seuls 18.756 logements avaient été reconstruits, soit un solde de 33.000 logements supprimés, alors que l’ANRU assurait qu’elle reconstruirait un logement pour chaque logement détruit. Qui plus est, les logements reconstruits sont souvent des HLM de meilleur standing, donc plus chers et inaccessibles aux plus défavorisés. Le plan Espoir banlieue, sans budget propre, a tenté de faire illusion. Centré sur un dispositif de « coaching » des jeunes issus des quartiers défavorisés, il a consisté à payer des entreprises privées de placement pour qu'elles trouvent un emploi ou une formation à des jeunes. L’initiative a donné des résultat plus que médiocre, car les entreprises privées, payées au nombre de jeunes placés se sont centrées sur des jeunes qui auraient probablement trouvé du travail sans leur secours. Au final l'Etat a déboursé 34 millions d'euros pour l'embauche ou la formation de seulement 1.160 jeunes. Le plan « anti-glandouille » ne change rien à la situation de l’emploi dans les banlieues, alors même que la crise de 2008 aurait exigé une action très volontariste. Selon le rapport 2009 de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles, la pauvreté et le chômage en banlieue ne cesse d’augmenter : le taux de chômage en 2009 est de 18,6%, de 43% chez les jeunes hommes et de 37% pour les jeunes femmes.
(4) Le 07.01.09, lors de ses vœux aux parlementaires, Sarkosy s'amuse de son "bon mot" : « On dit omniprésident. Je préfère plutôt qu’on dise ça, plutôt que roi fainéant. On en a connu... »
(5) Nicolas Sarkozy, Discours à Angers (01/12/06)
(6) Nicolas Sarkozy, Discours à Charleville-Mézières (18/12/06)
(7) Nicolas Sarkozy, Discours au Zénith (18/03/07)
(8) Nicolas Sarkozy, Discours à Maisons-Alfort (02/02/07)
(9) Nicolas Sarkozy, Discours à Montpellier (03/05/07)
(10) Nicolas Sarkozy, Discours au Zénith (18/03/07)
(11) Nicolas Sarkozy, Discours au Latran (20/12/07)
(12) Nicolas Sarkozy, Discours à Besançon (13/03/07)
(13) Nicolas Sarkozy, Discours sur la culture au Showcase à Paris (04/04/07)
(14) Nicolas Sarkozy, Discours à Vesoul (13/03/07)
(15) Démocrite, fragment B CLVIII, Plutarque, Vivre caché, 5, I129E
(16) Démocrite, fragment B CCXLVI, Strobée, florilège, III, XXXVIII, 53
(17) Démocrite, fragment CCXVII, Strobée, florilège III, IX, 30.
(18) Démocrite Fragment B LXXXIX, Strobée Florilège, III, XXXVIII, 47
(19) Plutarque, Les symposiaques, ou les propos de table. Livre VIII, Question 8, Pourquoi, entre les animaux, c'était surtout des poissons que s'abstenaient les Pythagoriciens.
(20) Démocrite, fragment, B CCXLVII, Strobée, Florilège, III, XI, 7
(21) Aristide de Smyrne, lettre aux antonins
(22) Utriculaires : Personnes qui traversaient les fleuves et les rivières sur un radeau porté par des outres gonflées / Gouverne : Aviron disposé comme une godille et servant à diriger une embarcation à l'arrière de laquelle il est placé / Gaffe : Instrument formé d'une perche munie à son extrémité d'une pointe et d'un croc ou de crocs et servant à manœuvrer une embarcation, à accrocher quelque chose, etc.
(23) Ernaginum : Saint Gabriel / La voie Domitienne reliait l'Italie à l'Espagne, depuis les Alpes en suivant la vallée de la Durance pour franchir le Rhône pour rejoindre Nîmes et suivre la côte du Golfe du Lion jusqu'à l'Espagne. La voie Aurelienne en Narbonnais reliais la côte d’azur à Arles en passant par Aix en provence. / Tarusco : Tarascon
(24) Le 14 juillet 2005 la police a reçu de nouveaux uniformes et les vieilles Peugeot 307 de la police sont remplacées par de coquettes Citroën Xsaras et Scénic I. La Loi pour la sécurité intérieure de 2003 va créer une série de nouveaux délits et de nouvelles sanctions concernant la prostitution (délit de racolage passif), la mendicité (délit de mendicité agressive), les gens du voyage et les squatteurs (délit de violation de la propriété privée) et les auteurs de graffitis (délit de dégradation volontaire) le tout puni de prison et d’amendes.
(25) Avant d’être élu à la présidence, N. Sarkozy posa les jalons de sa politique de chasse aux sans-papiers. Le 24 juillet 2006 est promulguée la loi relative à l’immigration et à l’intégration visant à "passer d’une immigration subie à une immigration choisie". Cette loi durcit les conditions du regroupement familial, ainsi que le contrôle des mariages mixtes et conditionne l’obtention d’une carte de séjour « salarié » à l’existence d’un contrat de travail et à l’obtention préalable d’un visa long séjour. Pour aller vers « l’immigration choisie », une forme de sélection de la main d’oeuvre est prévue : des « listes de secteurs tendus où les employeurs pourront faire appel à des étrangers » sont établies. Une carte « compétence et talents » valable trois ans et renouvelable, facilite l’accueil des étrangers dont « le talent constitue un atout pour le développement et le rayonnement de la France ». Le principe de la régularisation systématique après 10 ans de présence sur le territoire est supprimé. Le 30 juillet 2006 un arrêté crée un fichier informatisé, dénommé Eloi, qui recense les étrangers en situation irrégulière afin de faciliter leur éloignement du territoire lors des différentes étapes de la procédure d’expulsion mais aussi sur les visiteurs, notamment associatifs, qu’ils auraient pu rencontrer au cours de leur placement en rétention administrative. La loi du 14 novembre 2006 relative au contrôle de la validité des mariages renforce le contrôle de l’identité des candidats au mariage et prévoit une audition des futurs époux en cas de doute sur la réalité du projet matrimonial. Les mariages célébrés à l’étranger devront être précédés d’une audition devant le consul, qui pourra émettre des réserves, voire entamer une procédure d’opposition. Le non respect de cette procédure entraîne l’impossibilité de transcrire ce mariage sur les registres de l’état civil français, sauf jugement inverse émis par le tribunal de grande instance. N. Sarkozy ne sera pas en reste sur les mesures « anti-jeunes » : la loi du 9 septembre 2002, loi d’orientation et de programmation pour la Justice pour les années 2003 à 2007, loi dite Perben, mais largement écrite par N. Sarkozy, ministre de l'intérieur, prévoit l’abaissement à dix ans de la majorité pénale, contre treize ans jusqu’alors. La loi prévoit en outre la création centres éducatifs fermés. La loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance à son article 12 modifie le Code de l'éducation (art. L131-6), en autorisant les maires à mettre en place un fichier informatique recensant les élèves de leurs communes, pour contrôler l’assiduité scolaire. Pour ce qui est de la lutte contre les protestataires de tout poil, la perversité d’une mesure de la loi pour la sécurité intérieure de 2003 qui officiellement devait servir à lutter contre les dealers qui occupent les halls d’immeubles. La loi modifie le code de la construction et de l'habitation en prévoyant que « les voies de fait ou la menace de commettre des violences contre une personne, ou l'entrave apportée, de manière délibérée, à l'accès et à la libre circulation des personnes ou au bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté, lorsqu'elles sont commises en réunion de plusieurs auteurs ou complices, dans les entrées, cages d'escaliers ou autres parties communes d'immeubles collectifs d'habitation, sont punies de deux mois d'emprisonnement et de 3 750 € d'amende » (L. 126-3). Cet article, jamais utilisé contre les dealers, va permettre à la police d’intervenir sans autorisation préalable du juge et de menacer d’emprisonnement et de sanctionner pécuniairement les militants qui occupaient des immeubles dans le cadre de protestations civiques et sociales.
(26) Avec 400 policiers pour 100.000 habitants, la France est le pays le plus fliqué d’Europe. Pourtant, la répartition des effectifs policiers privilégie la défense de la propriété privée et des villes cossues. Ainsi Paris dispose d’un policier pour 200 habitants quand il ne s’en trouve qu’un pour 2.000 habitants dans le Val-de-Marne. L’abandon de la police de proximité a créé des espaces de quasi impunités. Les violences volontaires contre les personnes ont augmentées d’environ 13% entre 2005 et 2010 (411.000/467.000), elles augmentent de 6,6% en 2005, de 6,2% en 2006, elles baissent de 0,21% en 2007, puis elles augmentent de nouveaux 2,4% en 2008, de 2,8% en 2009, de 2,5% en 2010.
(27) Entre le 28/10/2005 et le 17/11/05, la France connaîtra 21 jours d’émeutes. Le bilan fut de quatre morts, dont les deux adolescents de Clichy-sous-Bois, Bouna Traore et Zyed Benna, morts par électrocution le 27 octobre dans un transformateur EDF dans lequel ils s’étaient réfugiés à la suite d’une course poursuite avec la police. Un climat de provocation voulue par N. Sarkozy précède les émeutes. Le 26 octobre 2005, Sarkozy, ministre de l’intérieur, au cours d'une visite d'un quartier d'Argenteuil, suscita la polémique en déclarant : « Vous en avez assez, hein, vous avez assez de cette bande de racailles ? Eh bien on va vous en débarrasser ». Sans témoigner la moindre compassion pour le sort de Bouna Traore et Zyed Benna, N. Sarkozy aura soin de faire passer les deux garçons pour des délinquants et opposera un déni des faits. Il déclare : «Lors d'une tentative de cambriolage, lorsque la police est arrivée, un certain nombre de jeunes sont partis en courant. Trois d'entre eux, qui n'étaient pas poursuivis physiquement, sont allés se cacher en escaladant un mur d'enceinte de trois mètres de haut qui abritait un transformateur. Il semble que deux d'entre eux se soient électrocutés...», puis « Aucun policier ne poursuivait ces jeunes gens, il n'y a aucune polémique à entretenir. Six jeunes gens avaient déjà été interpellés après avoir dégradé une cabane de chantier. » Dans des échanges radiophoniques, un policier avait pourtant annoncé qu'il avait vu «deux individus en train d'enjamber un grillage pour se diriger vers le site EDF». «En même temps, s'ils rentrent sur le site, je ne donne pas cher de leur peau», déclarait-il au cours du même échange. Le 30 octobre une grenade lacrymogène va enfumer mosquée Bilel de Clichy-sous-bois, alors que les fidèles sont en prière. Même stratégie de dénie : la grenade lacrymogène aurait été tirée par des CRS, mais introduites dans la mosquée par d’autres personnes inconnues... Xavier Lemoine (maire UMP de Montfermeil) confie au Bondyblog : "Ce qui m’a frappé c’est l’ambiance qui régnait dans la mosquée, j’ai eu le sentiment que l’on était dans une autre dimension. La mosquée était pleine de gaz lacrymogène, on peut contester tout ce qu’on veut sur la façon dont les gaz sont entrés, mais il y en avait plein, tout le monde pleurait. J’ai vu des hommes mûrs, avec chez eux une violence dans les paroles. La colère ne venait plus de la même partie de la population, les jeunes, et j’ai senti que là, il se passait effectivement quelque chose. Claude Dilain (maire PS de Clichy) renchérit : "Je partage l’analyse de Xavier. Pour moi c’est à partir de ce moment-là que les émeutes se sont généralisées à la France entière. Les décès de Bouna et Zyed n’ont enflammé que Clichy et Montfermeil. C’est le fait qu’une mosquée ait été gazée dans des conditions…" Officiellement 9.193 véhicules ont été incendiés et des dizaines d'édifices publics, écoles, gymnases, entrepôts, commerces, médiathèques ont également été incendiés, plaçant des centaines de personnes en « chômage technique ». Les assureurs ont évalués les dégâts à 200 M€. Les émeutes ont mobilisées plus de 11.000 policiers, 56 d’entre eux ont été blessés, ils ont procédés à 2.921 interpellations qui ont débouchée sur 597 incarcérations (dont 108 mineurs). Le 8 novembre Dominique de Villepin, qui a reprit en main la gestion de la crise, proclamera l’état d’urgence, mesure qui n’avait mise en oeuvre depuis la guerre d’Algérie.
(28) Diogène Laërce, Vies des philosophes, L. VI, Diogène, 46 ; Théodoret, Graecarum affectionum curatio 12, 50. PŒCILE : Portique construit vers ~ 470-460 sur la bordure nord de l'agora d'Athènes. La CYNOGAMIE désignait un mariage qui unissait des philosophes cyniques.
(30) Platon, République, L. V, 465a-b
(31) Comme l’analyse le Canard enchaîné du 27.04.2011, dans l’affaire Clearstream « tous les chemins mènent à Chirac ». S’il semble établi qu’Imad Lahoud a obtenu auprès du journaliste Denis Robert un fichier comprenant une liste de titulaires de comptes au sein de la « chambre de compensation » Clearstream, puis falsifier le fichier en y ajoutant, entre autre le nom, de Nagy et Bosca qui évoquent le nom de famille complet de Nicolas Sarkozy (Nagy de Bosca de Sarkozy), mais aussi celui de bon nombre de personnalités de gauche ou proche de Charles Pasqua, on peut douter qu’Imad Lahoud ait agit de sa propre initiative. L’enquête judiciaire fait apparaître le mobile probable de cette machination : faire capoter la candidature de Sarkozy à l’Elysée, la possession de compte chez Clearstream devant restimuler une enquête sur la corruption qui aurait entouré la vente de frégates à Taiwan sous le gouvernement Balladur, affaire susceptible d’éclabousser les socialistes (Mitterrand est président) et la droite Balladurienne (de Sarkozy à Pasqua). Par contre l’identité du commanditaire probable n’est pas claire. N. Sarkozy a désigné D. de Villepin qui a eu des velléités de se présenter à la présidentielle. Le Canard note que s’il « avait su depuis le début, que les fichiers de Clearstream étaient bidons, pourquoi auraient-il demandé au général Philippe Rondot d’enquêter dessus ? Au risque de voir le « maître espion » découvrir le pot-aux-roses. » Cette incohérence conduira à la relaxe de Villepin lors du procès qui lui sera intenté par N. Sarkozy. La piste la plus sérieuse mène à Chirac lui-même : Lahoud travail pour le très chiraquien Yves Bertrand, chef des Renseignement généraux. N. Sarkozy et N. Guéant accuseront d’ailleurs dans un premier temps, en 2004, Y Bertrand d’être à l’origine de cette manipulation. C’est quand les desseins présidentiels de Villepin se préciseront que N. Sarkozy changera « d’avis » sur l’auteur de la machination, afin de torpiller sa candidature. Les juges ont mené une instruction à charge contre Villepin, et ont curieusement négligés d’interroger Y Bertrand, ainsi N. Sarkozy et C. Guéant sur leurs premières accusations, ainsi, bien évidemment, J. Chirac.