Chapitre VIII Où il est question de l’art de la divination et de l’échec d’une conspiration de Sarkominus et Balladurus contre Chiracus
Résumé des épisodes précédents : Au crépuscule de sa vie, le sage Démocrite est principalement préoccupé d’éclaircir la question des « prémonitions » qui défient sa philosophie radicalement matérialiste. Ayant reçu quelques dizaines d’années plutôt une lettre d’Auguste Comtus contenant des prédictions sur le règne de Sarkominus, il a jugé à propos d’enquêter et de rencontrer le tyran du pays de Droite. Accompagné du jeune Protagoras, ils vont rechercher une embarcation qui leur fera remonter le Rhodanus.
1. Où Protagoras décrit l’aspect de Fossae Marianae
Nous sommes arrivés au port de Fossae Marianae (1) à la tombée de la nuit. Les marins nous laissèrent dormir sur leur navire qui mouillait dans la rade. Ils acceptèrent d’autant plus facilement que je leur offris quelques poissons que j’avais pêchés au cours de la traversée. Mon habileté m’avait attiré la sympathie de l’équipage qui loua mon esprit rusé, indispensable à l’art de la pêche. Car, comme Plutarque l’a fort bien dit, « les animaux maritimes ont presque tous un pressentiment qui les rend soupçonneux, qui, réveillant leur intelligence naturelle, les tient en garde contre les piéges qu'on leur tend. » Parvient-on, d’ailleurs, à les ferrer, que l’on est loin d’être assuré de leur capture. Par exemple, le renard marin, s’il est prit, « retourne son estomac, ce qu'il fait aisément à cause de la vigueur et de la flexibilité de son corps, et alors l'hameçon tombe de lui-même » ; tandis que le bardeau voit accourir ses congénères qui « se mettent sous la ligne, et dressant l'épine qu'ils ont sur le dos, et qui est dentelée comme une scie, s'efforcent de scier la ligne et de la couper » (2) pour libérer le captif. Les marins furent même heureux de nous confiés le navire pour aller s’enivrer dans les caupona (3) et terminer la nuit au lupanar.
Au petit matin, nous arpentâmes les quais. Je m’émerveillais du grand nombre de navires et de leurs noms oniriques. Puis vint le spectacle grandiose des roues à aubes, les unes déversant, par des nochères, l'eau douce nécessaire aux navigateurs, et les autres, habilement manœuvrées, chargeant ou déchargeant les amphores de vin et de garum. Nous longeâmes les docks et leurs alignements de dolias gorgées d’huile ou de céréales, avant d’atteindre le bassin de raboud où quelques navires, mis au sec derrière les batardeaux, mobilisaient déjà des ouvriers (4). Un quai entier était réservé aux cargaisons du précieux naphte, si nécessaire pour imperméabiliser les coques des navires, pour l’éclairage et pour enduire les pieds de vignes afin de les protéger des insectes. Substance noire et précieuse, pour laquelle « le feu a une grande affinité, [puisqu’il] s'y jette dès qu'il est à portée » et pour laquelle l’Atlantidéen n’hésite pas à porter la guerre jusqu’en Mésopotamie. Un docker nous renseigna que celui-là venait d’Illyrie, d’Apollonia se trouve « un rocher qui vomit du feu et du pied duquel s’échappe des sources d’eau tiède et d’asphalte. Cette mine répare au fur et à mesure ses pertes, la terre qu’on jette dans les excavations pour les combler se changeant elle-même en bitume. » (5)
Nous aperçûmes alors l’un de ces petits magasins de restauration rapide, appelé popina, qui allèchent leurs clients en présentant des mets en devanture, protégés sous des petits tonneaux de verre dont la double paroi est remplie d’eau afin que les yeux voient les victuailles plus grosses qu’elles ne sont. L’un de ces tonnelet-loupe arrêta mon regard. Il contenait des pains grillés au miel selon la recette d’Apicius : « Prenez d'excellents petits pains d'Afrique au moût dont vous raclerez la croûte et faites-les tremper dans du lait. Quand ils seront imbibés, passez-les au four mais légèrement, de peur qu'ils sèchent. Retirez-les chauds, arrosez-les de miel, piquez-les pour qu'ils s'en imprègnent. Saupoudrez de poivre et servez. » (6)
« - Je comprends ton ébahissement, me dit Démocrite. Pourquoi ces objets paraissent-ils plus grands qu’ils ne le sont réellement ? J’ai récemment eu une polémique avec Macrobe (7) sur cette question. Cet énergumène, aussi idéaliste que superficiel, prétend que le regard est une sorte de feu qui sort de nos yeux et s’élance à la rencontre des objets. L’effet de grossissement m’a t-il affirmé sans plaisanter viendrait de ce que « l'eau est plus épaisse que l'air », ce qui aurait pour conséquence que le feu du regard y pénètrerait « plus lentement » à cause de la « résistance » opposée par l’eau, ce qui obligerait « le trait visuel » à se replier « sur lui-même » à la manière d’un tir bouchon. Comme le trait visuel serait entortillé sur lui-même, il « déborderait en tout sens les contours de l'objet. » Cette explication ne résiste pas à l’analyse ! Le grossissement est du à la convexité du verre, qui a pour effet de dévier la trajectoire des eidôlon* (8) émis par l’objet, en telle sorte que ceux-ci se carambolent et s’agglutinent dans l’espace intermédiaire entre nos yeux et la chose, si bien que nous avons l’illusion… »
« - Je suis ébahis parce que j’ai faim ! », l’interrompis-je.
Démocrite me regarda stupéfait, puis, se ressaisissant, il entra dans la popina pour en ressortir avec un sac remplis de pains au miel. Il en prit un pour lui-même et me laissa dévorer le reste.
Le port fluvial était remplis de petits navires qui remontait le Rhodanus, fleuve que Strabon n’hésite pas à comparer au Nil : « le Rhodanus, à ce point de vue, l'emporte sur tous les autres fleuves ; car, indépendamment du grand nombre d'affluents qui viennent de tous côtés grossir son cours, il a le double avantage et de se jeter dans notre mer et de traverser la partie la plus riche de la contrée. » (9) Nous trouvâmes un stlata de bonne taille, qui faisait des allers-retours entre Fossae Marianae et Arelate. Les naviculaires, qui le pilotaient, précisèrent, qu’au-delà d’Arelate, il nous faudrait recourir aux services d’utriculaires, dont les radeaux soutenus par des outres gonflés, sont mieux adaptés aux zones plus étroites du fleuve. Nous apprîmes aussi que nous voyagerions en compagnie d’histrions qui se rendaient aux dionysies d’Avennio (10) pour y donner un spectacle.
2. Où l’on raconte la rencontre avec Mécène et les échanges qu’il eut avec Démocrite sur la divination.
La compagnie théâtrale était dirigée par un homme du nom de Mécène, avec lequel nous sympathisâmes.
Mécène, homme érudit, interrogea le sage sur ses objets de recherche et sur la cause de sa venue dans le pays de Droite. Il eu du mal à dissimuler sa déception en apprenant la passion soudaine de Démocrite pour la divination, sujet qu’il devait juger puéril. Mais Démocrite était tellement enthousiaste d’exposer ses vues sur la divination et la lettre de Comtus qu’il se laissa entraîner dans la discussion. Démocrite hasarda une hypothèse à propos de la prophétie de Comtus** qui énonce : « Avant que ses péroraisons ne l’obligent à se percher sur le mont du Père des hommes et des dieux, un vieillard à l’esprit tortueux fera trembler le Palais en révélant ce que l’astucieux sophiste au cœur gonflé d’amertume a caché à Hermès. Le vieillard descendra aux enfers, s’il veut une certitude. »
« - C’est purement intuitif, lança Démocrite, mais je mettrais ma main à coupé que « l’astucieux sophiste au cœur gonflé d’amertume » désigne Platon. »
« - Pourquoi ? », demanda Mécène.
« - Parce que c’est bien vu ! », rétorqua Démocrite.
Mécène regardait Démocrite avec un air embarrassé. Puis, il lui dit :
« - Je ne sais pas si cela vous sera utile, mais j’ai souvenir qu’Hermès dit quelque part que Prométhée est un « astucieux sophiste au cœur gonflé d’amertume »... C’est dans ces vers d’Eschyle : « Hé toi, l’astucieux sophiste au cœur gonflé d’amertume, toi qui as trahi les dieux en communiquant leurs privilèges à des êtres éphémères, je veux dire le feu que tu as volé, mon père te somme de déclarer quel est cet hymen dont tu fais tant de bruit et par quoi il doit être renversé du pouvoir ».
« - Et Prométhée, qui connaît l’heure de la fin des Olympiens, lui répond : « Pour toi, reprends en toute hâte la route qui t’a conduit ici : tu ne sauras rien de ce que tu veux savoir. » Que n’y ai-je moi-même pensé !, s’exclama Démocrite. Mais cela ne m’éclaire pas beaucoup... Car, le but est justement de savoir. Je relis : « Avant que ses péroraisons ne l’obligent à se percher sur le mont du Père des hommes et des dieux, un vieillard à l’esprit tortueux fera trembler le Palais en révélant ce que l’astucieux sophiste au cœur gonflé d’amertume a caché à Hermès. Le vieillard descendra aux enfers, s’il veut une certitude. » Cela voudrait dire, qu’avant que Sarkominus ne se rendent sur l’Olympe – si tant est que le mont du père et des dieux symbolise ici l’Olympe – un vieillard à l’esprit tortueux lui aura fait une révélation sur le temps qu’il reste aux Olympiens… Dans ce cas, si je ne m’abuse, Platon serait aussi le « vieillard à l’esprit tortueux. »
« - C’est une interprétation... », fit Mécène.
« - En fait, je n’y comprends rien du tout ! », avoua Démocrite.
« - C’est toujours comme ça avec les prophéties !, s’exclama Mécène. L’art de l’interprétation est éminemment délicat. Il requiert de l’expérience et une prudence infinie. Que des hommes aient une faculté d’anticipation, ce n’est pas très étonnant, vu que des animaux possèdent cette aptitude. Cicéron écrit : « La blanche mouette fuit à tire d'aile la mer et ses abîmes, son gosier frémissant émet de rauques accents et son cri signifie que la tempête est proche » et Aristote : « Bien des fois, on a pu observer que les hérissons sentent les changements de vents, selon qu'ils soufflent du nord ou du midi; les uns changent alors les ouvertures des trous qu'ils se font en terre ; les autres, qui vivent dans nos maisons, passent d'un mur à l'autre. Aussi, rapporte-t-on qu'une personne de Byzance qui avait observé cet instinct du hérisson, s'était fait une réputation en prédisant le temps à coup sûr. » (11) Le problème est que l’homme est un animal doué de langage, et que le langage obscurcis tout. Si bien que lorsque l’homme pressent ce qui peut advenir, il doit s’en donner une représentation en utilisant la médiation du langage. J’ai eu l’occasion de rencontrer l’onirocrite Artémidore d’Ephèse, qui m’a exposé son art d’interpréter les songes. Pour découvrir ce que le rêve annonce, il faut interpréter chacun des signifiants qui y parait, tantôt d’après l’étymologie, parfois à partir d’une homonymie, ou encore d’une synonymie, ou d’une homophonie, ou d’une expression métaphoriques un langage courant. Et même parfois à partir d’une métathèse, ou d’un isopséphisme (12), ou d’une interprétation du mot à partir du sens que lui donne un mythe ou un comte connu du rêveur. »
Mécène nous donna plusieurs exemples : « Ménécrate, le professeur de grammaire, a raconté le songe suivant. Alors qu’il désirait des enfants, il rêva qu’il rencontrait un débiteur, qu’il recouvrait la dette et qu’il donnait quittance au débiteur. » Le rêve annonce bien évidemment à Ménécrate sa stérilité, puisque celui qui recouvre ses créances ne touche plus « d’intérêts. » Or on nomme parfois les intérêts, des « fruits », tandis que les enfants sont aussi parfois nommer comme étant les « fruits » d’une union. La difficulté vient de ce qu’un même signifiant a des sens différents selon le contexte de vie du rêveur. Par exemple, si voir une croix en rêve annonce une union, parce que la croix uni solidement deux morceaux de bois, le sens du rêve changera du tout au tout, selon que le rêveur est un politicien qui s’apprête à conclure une alliance, un commerçant qui s’apprête à signer un contrat ou un fiancé qui s’apprête à se marier. De là, on déduira aisément que rêver de se faire crucifier annonce une union malheureuse.
Toutefois, les interprétations hâtives ne sont donc pas de mise, comme le rappelle cet exemple éloquent : « Alexandre le Philosophe rêva qu’il avait été condamné à mort et que, sur ses supplications, c’est tout juste s’il avait évité le supplice de la croix. Or il menait une vie d’ascète et n’avait part ni au mariage ni aux relations sociales ni à la richesse ni aux autres choses dont la croix est le symbole. Le lendemain, dans une querelle avec un philosophe Cynique, il reçut un coup de gourdin à la tête. » (13) Alexandre le philosophe, en homme avisé, s’abstint tout le jour de faire la moindre emplette, de signer quelques contrats ou de rendre visite au prostituée. Mais il n’a pas vu venir le baktron qui fait partie de l’attirail habituel des Cyniques ! Il a négligé le fait qu’étant un homme savant, un signifiant, chez lui, pouvait contenir une pluralité de sens, si bien que dans son présage, la croix représentait tout à la fois la discussion - qui est une sorte d’union des esprits -, mais aussi le gourdin, puisque la croix est en bois, comme le baktron.
Autre exemple : un homme rêve qu’il couche avec sa mère. Il faut être très circonspect avec ce genre de songe, car le rêve peut, ici, dépeindre le désir du rêveur, car comme dit Platon, en rêve, l’âme « ose tout, comme si elle était délivrée et affranchie de toute honte et de toute prudence. Elle ne craint point d'essayer, en imagination, de s'unir à sa mère. » C’est d’ailleurs un rêve si banal parmi la gente masculine que Sénèque fait dire à sa Jocaste, mère et épouse d’Œdipe : « Bien des mortels ont déjà dans leurs rêves partagé le lit maternel. Celui qui attache le moins d'importance à pareilles choses est aussi celui qui supporte le plus aisément la vie. » D’après Artémidore, ces rêves contiennent d’heureux présage pour les chômeurs, les ouvriers et les artisans « car on appelle le métier « mère », pour les malade « car la Nature est la mère commune de toutes choses. » Mais aussi - et peut-être surtout -, pour les hommes politiques « car la mère signifie la patrie. » Suétone ne rapporte-t-il pas que Jules César a « rêvé qu'il violait sa mère » et que les devins en conclurent que « ce songe lui annonçait l'empire du monde, cette mère qu'il avait vue soumise à lui n'étant autre que la terre, notre mère commune. »
Mais, chose plus étonnante, le signifiant « mère » doit parfois être interprété en référence au mythe d’Œdipe ! Artémidore est très clair sur ce point : « Pénètre-t-on sa mère chair contre chair, dans la position que certains disent conforme à la nature et alors qu’elle vit encore, si le père qu’on a est bien portant, on sera en haine de son père à cause de la jalousie, qui existe aussi dans le cas des autres rivaux ; si le père est malade, il mourra : car celui qui a vu ce rêve aura la tutelle de sa mère à la fois comme fils et comme mari. » (14) C’est quand même extraordinaire ! Un fils qui pressent qu’il va se brouiller avec son père rêve traduit cela dans son rêve par une scène où il se voit couchant avec sa mère !
Tel est donc le problème que nous pose la divination : nul ne peut exclure que l’homme ait une faculté de pressentir l’avenir, mais nul ne peut le prouver la faculté divinatoire, puisque si l’homme pressent quelque chose, il se le représente nécessairement sous une forme médiatisée par le langage et, par conséquent, obscure. »
3. Où Démocrite interprète la prophétie de Comtus « Il formera une paire performante, mais décidera de manière peu pertinente de trahir le Père des Repaires, en se faisant compère d’un pair de trente ans. »
Démocrite demeura un instant silencieux. Puis, il répondit à Mécène : « Je ne peux que vous approuvé. Mais, il n’en reste pas moins que je découvre des coïncidences troublantes entre les prophéties de Comtus et certains évènements de la vie de Sarkominus. Je vais vous en laisserait juge en vous soumettant une prédiction et des faits qui présentent une troublante coïncidence. »
Démocrite lu la « prophétie » suivante : « Il formera une paire performante, mais décidera de manière peu pertinente de trahir le Père des Repaires, en se faisant compère d’un pair de trente ans. » Puis, il exposa des faits, que je relaterais et complèterais avec des informations que j’ai moi-même collecté auprès des biographes de Sarkominus. Cette « prophétie », d’après Démocrite, se rapporterait à la trahison du sénateur consul Chiracus par son ami de trente ans, le sénateur consul Balladurus, trahison auquel Sarkominus apporta tout son soutien.
L’évènement compte parmi les plus mystérieux de l’histoire politique du pays de Droite, car bien peu sont à même d’expliquer, comment un homme tel que Balladurus a pu se muer en politicien assez téméraire pour trahir le puissant Chiracus. Certes, selon le mot de Salluste, « tous les efforts des hommes doivent tendre à ne pas traverser la vie sans faire parler d’eux ; autrement ils ne diffèrent en rien des bêtes, qui vivent courbées vers la terre et asservies à leurs appétits grossiers. » (15) Salluste entend par là, que l’homme étant un animal doué de langage, il ne s’accomplit dans son humanité qu’à la condition de devenir un objet du langage, c’est-à-dire à la condition de faire parler de lui. Mais, quelque immense qu’ait pu être le désir du sénateur consul Balladurus de se faire objet de causeries et de papotages, nul ne conçoit qu’il ait pu aller si aisément contre sa propre nature. Balladurus restera dans l’histoire comme l’auteur de ses pensées biscornues, qui ne témoignent ni d’un naturel risque-tout (sa devise était : « Je ne fais pas de promesses, mais je les tiens. »), ni d’un tempérament d’excité (il se répétait à lui-même, chaque matin : « Réfléchir, ça ne consiste pas à tout arrêter pour se mettre à penser »), ni d’un esprit d’un aventurier (sa stratégie était guidée par cette maxime : « il vaut mieux surseoir que persister dans de mauvaises conditions qui conduiraient à surseoir dans des conditions encore plus mauvaises ») (16). Le grand nombre tient pour inconcevable qu’un homme, qui passa sa vie à attendre le Grand Sursoir, ait pu être l’instigateur d’une révolution, fut-elle de Palais. Et c’est bien pourquoi on soupçonne l’intervention d’une tierce personne qui agissait le sénateur consul Balladurus comme une vulgaire marionnette.
Mon lecteur, suivant la pente de ses préjugés, imagine sans doute que la « tierce personne » en question est forcément Sarkominus ! Et bien, non, cher lecteur ! Détrompe-toi et détourne toi des conclusions hâtives ! Sarkominus est, ici, presque innocent !
Rappelons qu’à l’époque, Sarkominus n’était qu’un modeste préfet de ville. Il continuait, besogneusement, ses activités pour le Repaire. Il y mettait sans doute sa patte personnelle en organisant des « big chôôw » chez les ploutocrates. Il avait rebaptisé sa bande d’enfants des rues, les « Sarkominus heind ze sarkominets band » et il multipliait les tubes (notamment son mémorable « Viens dans mon repaire, y'a des maîtres qui chantent / Viens dans mon repaire, tous les pigeons t'attendent… »). Chiracus qui l’avait entendu chanter chez le tavernier Fouquetus, l’engagea pour faire la première partie de ses discours (c’est à cette occasion qu’il composa son « Ça se vote et ça s’abroge / C'est fait de tout petits riens / Ça s’ promet et ça se jure / Et ça revient, ça se retient / Comme une promess’ populaire. »).
Mais, la fréquentation de la clique de Chiracus, qui accordait sa préférence à Villepinus et Juppéus avait quelque chose de déprimant. Au point que Sarkominus fini par regretter Pasquaïus : « c’est l’un des hommes les plus honnêtes que je connaisse », disait-il. Il se réconcilia avec son ancien maître et le « clan des cyrnosiens. » Envoûté, il assistait régulièrement à leurs répétitions de chants polyphoniques cyrnosiens, chants à la suave mélancolie, dont quelques des rois fortunés d’Africae étaient les principaux mécènes (17). Conquis par l’âme cyrnosienne, il fini même par épouser une cyrnosienne.
Sarkominus ne renâclait sans doute pas devant la tâche, mais il n’avait plus le même entrain à se lancer sur la scène avec un sourire radieux pour pousser des « Alexandrie, Alexandra, Alexandrie où l'argent blanchit avec les draps. » Son père, qui devinait le mal-être de son enfant, en profita pour lui dire : « Hin ! Tu as visé l’île de l’Atlantide et tu as atteint l’île des cyrnosiens ! Hin ! Pour quelqu’un qui voulait qui voulait s’éviter l’existence « des bêtes, qui vivent courbées vers la terre et asservies à leurs appétits grossiers », c’est réussit ! »
Sarkominus sombra dans la mélancolie. Ses compagnons du « Sarkominus heind ze sarkominets band » se renseignèrent et apprirent, à la lecture d’Aristote, que la bile noire, tantôt chaude, tantôt froide, métamorphose le comportement : « par exemple, ceux chez qui la bile est abondante et froide, deviennent étranges et fantasques. D'autres où elle est trop abondante mais chaude, deviennent maniaques et gais, très amoureux, faciles à s'emporter et à se passionner. D'autres deviennent plutôt bavards. D'autres, parce que cette chaleur est très rapprochée du lieu où réside l'intelligence, sont pris de maladies de folie et d'enthousiasme. » (18)
4. Où l’on apprend comment Sarkominus parvint à conquérir Messaline
C’est dans cette période que survint un évènement qui modifia radicalement le cours de l’existence de Sarkominus.
Par une belle journée d’été, le préfet de ville Sarkominus se préparait à célébrer un mariage. Sarkominus sentit une main se poser affectueusement sur sa tête. Une voix suave lui murmura : « mon petit, il me manque un garçon d’honneur pour mon mariage, voudras-tu, pour quelques sesterces, le remplacer ? Et, pour quelques pièces de plus, voudras-tu nous interpréter une chanson ? »
Sarkominus, ulcéré par l’effronterie de la proposition voulu se jeter sur l’impudent, mais il renonça en découvrant le géant d’allure bonhomme qui campait devant lui. Il reconnu aussitôt le célébrissime Martinus. Le grand histrion, en découvrant sa méprise, s’excusa platement. Puis, il se présenta en précisant qu’il était maître d’une chorale d’enfant. « Moi aussi, je peux faire maître chanteur, si je veux » rétorqua Sarkominus, afin que son interlocuteur saisisse qu’il n’était « pas du tout impressionné » par sa notoriété, même si une telle notoriété faisait que sa vie n’était pas comme celle « des bêtes, qui vivent courbées vers la terre et asservies à leurs appétits grossiers. »
La future épouse de Martinus, le visage dissimulé sous un voile virginal, apparue soudainement. Elle mit sa main dans celles de son futur époux et lui murmura « mon aimé, comme il me tarde d’être à vous. » Ces mots enchantèrent Martinus, qui oublia dans l’instant l’existence de Sarkominus. « Il va entendre parler de moi, celui-là ! », enragea Sarkominus.
C’est alors que la demoiselle releva son voile. Les yeux bleus-gris et glaçants de Messaline, rehaussé par la lumière laiteuse de son regard ingénu, heurtèrent le cœur Sarkominus, plus violemment qu’un trait d’acier. Son sourire léger, ses lèvres entrouvertes pour que ses incisives reposassent sur sa lèvre inférieure, puis le mouvement nerveux de ses pommettes altières quand elle se mordit, plongèrent Sarkominus dans un abîme de sensations vertigineuses.
Il fallu le secouer pour qu’il se rappelle ses devoirs de préfet de ville et ressenti alors ce qu’éprouve un condamné à mort. La gorge sèche, tremblant, il prononça péniblement les formules consacrées, puis bredouilla ses vœux de bonheur au jeune couple. Et lorsqu’il vit, après que le couple se fût embrassé, l’image même du bonheur se peindre sur le visage de Messaline, il éclata en sanglots.
Les jours suivants, Sarkominus devint la proie de fièvres qui laissèrent les médecins perplexes. Affalé sur son lit, il pleurait sans discontinuer, des journées entières. Quand il commença à se rétablir, il paru complètement changé. Il cessa d’honorer son épouse cyrnosienne, fit pleurer sa mère, et hurler de rire son père qui rappelait qu’il avait prédit les malheurs que ne pouvait manquer de causer cet enfant.
Contre tous les usages, Sarkominus se mit à harceler Messaline. Il lui faisait parvenir des bijoux parmi les plus précieux, accompagnés de lettres où il exigeait d’elle qu’elle les porte toujours et en toutes circonstances, y compris en prenant ses bains, car il ne pouvait concevoir qu’elle puisse se trouver ignominieusement nue, à l’instar des « bêtes, qui vivent courbées vers la terre et asservies à leurs appétits grossiers ». Il lui offrait des parfums des Indes qu’il faisait livrer par des esclaves vêtus de costumes bariolés de plumes exotiques. Il lui arrivait, au milieu de réunions publiques, de murmurer, sans même s’en rendre compte, le nom de Messaline. Il s’empressait de quitter son office, pour trouver des moments de solitude, et rêver d’elle tout éveillé. Le simulacre presque charnel, qu’en imagination, il parvenait à se fabriquer d’elle l’étourdissait, mais sans lui causer pas la moindre impression érotique. Cette femme qui occupait toute son âme, aucun peintre, aucun sculpteur, n’aurait su la rendre comme lui-même savait la recréer.
Il souffrait de ne recevoir d’elle aucune réponse claire. Lorsque la douleur atteignait son acmé, il buvait du vin fumé en grande quantité, pleurait et riait. Et lorsque la douleur s’apaisait, il mendiait aussitôt à Messaline un entretien de quelques instants, dont l’issue serait forcément désolante, et qui raviverait sa mélancolie.
Chiracus qui, à cet époque, aurait pu renverser un Mitterandus devenu sénile, décida, par respect des conventions, d’attendre que la mort du vieux César, avant de se faire nommer à son tour César du pays de Droite. Et dans l’attente, il confia le gouvernement au sénateur consul Balladurus, son ami de trente ans.
Chiracus, inquiet de l’état de Sarkominus, obtint de Balladurus qu’il lui confie un poste de Grand Questeur, car, compter les pièces d’or du trésor lui semblait une activité indiquée et reposante pour un grand malade. Ces amis « Sarkominus heind ze sarkominets band », poursuivaient leurs investigations et ils apprirent la nature venteuse de la bile noire qui expliquait que « les mélancoliques sont débauchés ; car l'acte vénérien a la nature du vent. La preuve, c'est que le membre honteux prend tout à coup du gonflement, parce qu'il s'emplit de vent. » Balkanus visitait régulièrement son ami et ne manquait jamais d’insister sur le fait qu’il y avait bien d’autres femmes sur terre et il l’encourageait à le suivre dans les lupanars. Deved-Janus organisa une collecte et lui offrit un éphèbe, mais son initiative ne rencontra qu’incompréhension chez Sarkominus. Sarkominus répondait vertement à quiconque insistait : « les femmes… les femmes… mais vous me parlez comme si j’étais idiot ! Evidemment, je sais qu’est une femme ! J’en ai vu plein des femmes : ça à des bras, des jambes, des cheveux, des seins… Je vois parfaitement de quoi vous me parler !… Mais, moi, je vous parle de Messaline… Et Messaline, ce n’est pas une femme !… C’est un daimôn, un être qui tient le milieu entre le monde des hommes et celui des dieux, c’est un être qui peut se transporter dans ma tête… » Et là, il s’interrompait pour plonger dans un abîme de rêveries.
Un jour, Messaline accorda à Sarkominus une entrevue dans l’alcôve de quelques thermes, le recevant vêtue d’un simple strophium (19) et des bijoux qu’il lui avait offert. Sarkominus se rendit passionnément à ce rendez-vous, même d’expérience il savait qu’il passerait, ensuite, la nuit à pleurer. Comme il avait presque renoncé à s’en faire aimer, il efforçait de faire naître chez elle un peu de pitié. Il lui exposait en soupirant sa vie insignifiante d’un grand questeur, ses journées passées à compter des dizaines de milliers de pièces d’or, encore et toujours, du matin au soir. Ce jour là, il n’osa qu’à peine relever les yeux sur le corps presque nu de Messaline, se concentrant sur sa récitation qui détaillait une vie monotone au milieu des diamants et des sacs d’or. Soudain, il sentit la main de Messaline – une main brûlante - s’approcher de sa joue et qui l’effleura. Il sentit le souffle de la jeune femme et découvrit le visage de Messaline presque au contact du sien. Elle lui caressa la joue et lui murmura : « ensemble, tout devient possible. » (20)
5. Où l’on apprend comment en quelles circonstances naquit le complot contre Chirarus et comment il échoua.
"Ensemble, tout devient possible"
Les choses allèrent ensuite très vite. Ils se revivent, d’abord secrètement, puis très vite, au grand jour, en ne faisant pas mystère qu’ils se séparaient chacun de leur vieux conjoint pour s’engager dans la vraie vie, celle où l’on est pas tel les « bêtes, qui vivent courbées vers la terre et asservies à leurs appétits grossiers ».
Sarkominus recevait des rois d’Africae, des princes d’Arabie heureuse et des émissaires venus des Indes lointaines et ils les présentaient ensuite aux ploutocrates de Neuillus-sur-Sequana. Après ces rencontres, il rentrait à la maison avec des sacs d’or. Et lorsqu’un garde lui jetait un regard interrogateur, il répondait en agitant son sac de pièces : « Ben quoi ? Je ramène du travail à la maison ! » (21) Messaline excita son goût pour le luxe et la fête. Les dépenses somptuaires et les festins servis dans des vaisselles d’argents gravées à leurs noms, suscitèrent bien évidemment l’ironie des ploutocrates qui ne dédaignaient pourtant pas leur table : « Il possède ses huit cent mille sesterces. Il est parti de rien. Mais, à ce qu’on raconte - moi, je n’en sais rien, mais on me l’a dit - il a réussi à attraper, dans un songe, le bonnet d’un démon Incube, et il a trouvé ainsi un trésor. Moi, je ne suis jaloux de personne, quand un dieu vous fait un cadeau. » (22)
Ces manières déplurent souverainement à Chiracus et à son épouse, qui se rendait souvent chez la mère éplorée de Sarkominus et chez son épouse délaissée. C’étaient là des « conduites infâmes d’affranchis » jugeaient les Chiracus, tellement soucieux des apparences… Messaline eut alors l’intuition que le vieux Chiracus s’apprêtait à faire tomber la sentence de disgrâce.
Il fallait réagir. Mais comment ? En empêchant Chiracus de devenir César ! Mais comment ? En faisant élire Balladurus à sa place ! Mais comment transformer le léthargique Balladurus en un maître es conspiration ? C’était, chacun en conviendra, une gageure ! Mais Messaline l’a releva en concevant un plan audacieux, dont elle instruisit Sarkominus, non sans lui avoir rappeler qu’ « ensemble, tout devient possible » !
Un matin, à dix heure trente, ils cueillirent Balladurus au saut du lit.
« - Oh ! Mon bon Consul !, s’exclama Sarkominus, en franchissant la porte de la chambre à couchée de Balladurus. De quels funestes présages, suis-je porteur ! Que je sois mille fois maudit, d’être celui qui délivre semblable message ! »
« - Quoi ?, demanda Balladarus étonné. Dis-moi ce qui trouble ton esprit. »
« - Ne brusquez pas mon époux, supplia Messaline. Il est tout terrorisé. Mon amour, je sais que ce sera très pénible, mais il faut trouver la force de tout raconter à notre ami Balladurus ! »
« - Parle donc ! », s’écria Balladarus gagné par l’inquiétude.
« - Cette nuit, j’ai fait un terrible songe que je n’ose vous raconter, soupira Sarkominus. Mais l’amour que je vous porte, mon bon Consul, m’interdit de le passer sous silence. Cette nuit, grand Consul, j’ai vu Chiracus entrer dans votre chambre armé d’un gourdin. Ah ! C’est trop pénible à raconter ! Je n’y arriverais pas… »
« - Mon amour, fit Messaline, je sais qu’il te faudra beaucoup de courage, mais raconte au noble Consul, cette scène innommable… »
« - J’ai vu Chiracus entrer dans votre chambre avec un gourdin et, soudain, il s’est jeté sur vous avec un rire effroyable… Suis-je condamné à donner les détails ?… »
« - Mais si ! Poursuivez ! », exigea Balladurus très troublé.
« - Et bien… ! Ah !, hurla Sarkominus. Je frémis ! A cet instant, je tremble encore d’horreur devant cette scène ! »
« - Si vous l’aviez entendu crier dans son sommeil, s’écria Messaline toute éplorée. Il s’agitait et hurlait : « Notre très noble Consul a été assassiné ! » Il criait aussi : « les Scythes eux-mêmes eussent été moins cruels au moment d’accomplissement d’un tel forfait ! »
« - Expliquez-moi…, demanda Balladurus tout tremblant. Chiracus, mon noble ami de trente ans… Dans votre songe… Il me protégeait contre des agresseurs… N’est-ce pas ? C’est bien cela ? »
« - Hélas !, hurla Sarkominus. C’est lui, le monstre, qui vous a assassiné ! Cette nuit même ! »
« - Mais qu’est-ce que je lui ai fait !?! Ce n’est pas juste !, s’exclama Balladurus. Pourquoi m’a-t-il tué, moi qui suis son fidèle ami de trente ans ? »
« - Ah ! Si vous saviez à quel point les gens envieux sont destructeurs ! », s’écrièrent Sarkominus et Messaline avec un tel accent de conviction que Balladurus en frémit.
« - Chiracus est conscient de ne pas posséder le dixième de vos qualités ! Votre génie ! Voila votre seul crime, noble Consul ! Votre génie ! », précisa Messaline
Balladurus désorienté, demanda à Sarkominus et Messaline de se retirer, parce qu’il avait mal à la tête et parce qu’il avait l’intuition que ce n’était pas un jour à se lever. Il promit de repenser à tout cela, le lendemain, à son réveil. Car peut-être Morphée (23) lui adresserait-il un songe bénéfique, qui prouverait que tout ceci n’est qu’un mauvais cauchemar.
Sarkominus et Messaline approuvèrent ce choix raisonnable et laissèrent Balladurus dormir un quart d’heure. Puis ils s’emparèrent chacun d’un baktron, s’approchèrent à pas feutrés du lit et rouèrent de coups le Consul endormi.
« - Aïe ! Aïe ! », hurla Balladurus.
« - Ah ! Par tous les dieux ! Consul aimé, vous nous avez fait si peur ! », s’écria Sarkominus.
« - Vous étiez plongé dans un sommeil léthargique ! », affirma Messaline, en tentant de reprendre son souffle, et comme apaisée par la résurrection du Consul.
« - Mais que se passe t-il ? », demanda Balladurus.
« - Nous sommes, depuis une semaine entière, à votre chevet, à vous secouer sans discontinuer et sans pouvoir vous extirper de votre sommeil étrange ! », s’exclama Sarkominus.
« - C’était moins une !, ajouta Messaline. Ignorez-vous que, d’après le médecin Celse, celui qui, « étant en santé, est tout à coup attaqué d’une douleur de tête, et qui tombe ensuite dans un sommeil si profond qu’il ronfle et qu’on ne peut l’éveiller, périt au bout de sept jours » (24) ?
« - J’ai dormi une semaine entière ? », demanda Balladurus, éberlué.
« - Vérifiez par vous-même, lança Sarkominus, vous vous êtes endormis lundi et nous sommes lundi ! »
« - Tout cela n’est pas naturel », murmura Messaline.
« - J’ai mal partout ! », s’exclama Balladurus.
« - Ah bon !?! », entonnèrent Sarkominus et Messaline.
« - Oui ! J’ai l’impression qu’on m’a frappé ! », précisa Balladurus
« - C’est ce que je craignais !, s’exclama Sarkominus. Vous avez fait le même songe que moi ! Vous avez probablement reçu la visite d’un eidôlon de Chiracus et celui-ci a tenté de vous assassiner ! Avez-vous le sentiment d’avoir reçu des coups de baktron ? »
« - C’est cela, même, miaula Balladurus, on m’a baktronné ! »
« - C’est la signature de Chiracus ! Il utilise à présent la magie contre vous, un baktron invisible sans doute ! », s’exclama Messaline.
« - Il en est maintenant à utiliser la magie !, se désespéra Balladurus. A-t-on déjà vu, même parmi les Scythes, un homme assez méchant pour baktronner une amitié de trente ans !?! »
« - Jamais ! », clamèrent à l’unisson Messaline et Sarkominus.
Il fut dès lors assez simple de convaincre Balladurus que la voie de conspiration était sa seule porte de salut. Pasquaïus fut le plus naturellement du monde associé au projet.
Les biographes reconnaissent que cet évènement n’est sans doute pas le plus glorieux de la carrière de Sarkominus. D’autant que la conspiration échoua lamentablement, Chiracus ayant gardé la faveur du peuple et de ses légions. L’entreprise fut très coûteuse pour l’Etat, car pour gagner les faveurs des ploutocrates et lever des légions, Sarkominus et Balladurus distribuèrent l’argent public sans compter (25). Mais, comme le font observer ses biographes, la trahison de Chiracus ne doit pas dissimuler l’essentiel, à savoir la sensibilité délicate de Sarkominus, homme peut-être un peu trop sentimental et enclin à se laisser diriger par la passion amoureuse.
* Sur les eidôlon, voir Vie de César Sarkominus, I, 2
** Sur la lettre et les prédictions de Comtus, voir Vie de César Sarkominus, VI, 2
Notes
(1) Fos-sur-Mer
(2) Plutarque, Œuvres Morales, Les animaux de terre ont-ils plus d'adresse que ceux de mer ? (976d-977d)
(3) Auberge
(4) Roue à aube : roue munie de pales, permettant de créer un mouvement rotatif d'axe au départ d'un mouvement linéaire de fluide. Nochère : gouttière permettant l'écoulement d'un liquide. Garum : Préparation à base d'intestins de poissons salés et aromatisés, utilisée comme assaisonnement dans l'Antiquité romaine. Dolias : Amphore de grande contenance. Bassin de raboud (ou cale sèche) : bassin de port qui peut être asséché. Batardeaux : Barrage provisoire établi dans le lit d'un cours d'eau afin de pouvoir exécuter à sec certains travaux.
(5) Pline, Histoire naturelle, II, 108-109 ; Strabon, Géographie, VII, 5, 8
(6) Apicius, De re coquinaria, VII, § 297
(7) Macrobe, Saturnales, VII, XIV
(8) L’eidôlon désigne dans le système de Démocrite les fines enveloppes d'atomes qui émane de la surface des objets et qui nous les font voir en pénétrant dans nos yeux. Pour plus de précisions voir Vie de César Sarkominus I, 2
(9) Strabon, Géographie, IV, 1
(10) Stlata : navire très long à faible tirant d’eau. Fossae Marianae et Arelate : Fos sur Mer – Arles. Naviculaires : ici, dans le sens de bateliers utilisant des navires en forme nacelle ovale. Utriculaire : Personne qui traversait les fleuves et les rivières sur un radeau porté par des outres gonflées. Avennio : Avignon.
(11) Cicéron, De la divination. L. I., VIII. ; Aristote, Histoire des Animaux. L. XIX, Ch. VII, 613, § 7.
(12) Du grec isos (égal) et psêphis (caillou, vote). L'isopséphie, proche du système cabalistique, repose sur le principe selon lequel les nombres, dans certaines langues, sont exprimés par des lettres. Le latin Suétone rapporte que Néron, dont le nom en grec (1005) équivaut, dans cette langue, à "il a tué sa propre mère" (1005) (Vie de Néron, ch. 39) "J'aime celle dont le nombre est 545", écrit aussi, en grec, un graffitiste amoureux de Pompéi.
(13) Artémidore, La clef des songes, IV, 80 ; IV,33
(14) Platon, La République, IX, 571c-571d ; Sénèque, Œdipe Roi. ; Suétone, Vie des Douze Césars, CÉSAR, VII. ; Artémidore, La clef des songes, I, 79
(15) Catilina, 1
(16) Edouard Balladur, sur RTL, le 16 juin 2006, à propos de la privatisation de Gaz de France.
(17) Nicolas Sarkozy déclarait, à propos de Pasqua, en 1983 : « C’est l’un des hommes les plus honnêtes que je connaisse. » A la mort, en 1983, d’Achille Peretti, Maire de Neuilly et co-fondateur avec Pasqua du SAC (le service barbouze des gaullistes), Sarkozy « rafle » la Mairie. Il devait assurer la transition et céder ensuite la place à Pasqua, mais il convaincra une majorité de conseiller municipaux pour qu’ils votent en sa faveur. La mère de Sarkozy fut secrétaire de Peretti, et c’est elle, qui en présentant son fils à Peretti, l’introduira dans le monde politique. Sarkozy s’est assimilé au « clan » des Corses des Hauts de Seine. Autour de Perretti et Pasqua on trouve encore Charles Ceccaldi-Raynaud, Maire de Putaux ou Paul Graziani, député et vice-président du conseil général des Hauts-de-Seine. La première épouse de Sarkozy est Corse et la rumeur prétend qu’elle est nièce de Peretti. Pasqua fut son témoin de mariage. Même s’il y a eu accrochage sur la Mairie de Neuilly, les deux hommes restent politiquement proches. Nicolas Sarkozy a, par exemple, vraisemblablement aidé Charles Pasqua à devenir sénateur en 2004, lui permettant de bénéficier d’une immunité parlementaire. Cette aide n’était évidemment pas gratuite, puisque Pasqua lui céda en retour la présidence du Conseil général des Hauts de Seine, le département le plus riche de France. Certains bras droits de Nicolas Sarkozy sont d’anciens bras droits de Charles Pasqua. C’est le cas de Claude Guéant ou de Michel Gaudin, ancien directeur de cabinet de Charles Pasqua au conseil général des Hauts de Seine, nommé Directeur Général de la Police Nationale, par Nicolas Sarkozy. La continuité Pasqua-Sarkozy est aussi celle des réseaux de la françafrique.
(18) Aristote, Problème XXX
(19) Le bikini romain
(20) Slogan de N. Sarkozy pour l’élection présidentielle de 2007
(21) Deux grands contrats d'armement ont conclus fin 1994 par le gouvernement Balladur avec le Pakistan (contrat Agosta, trois sous-marins pour 5 milliards de francs) et avec l'Arabie saoudite (contrat Sawari II, deux frégates La Fayette, moyennant 20 milliards de francs) sur lesquels pèsent de forts soupçons de rétrocommissions.
(22) Pétrone, Satiricon, 38
(23) Morphée (« forme ») est une divinité des rêves prophétiques. Il est, selon certains théologiens antiques, le fils d'Hypnos (le Sommeil) et de Nyx (la Nuit), et selon d'autres, engendrés par Nyx seule.
(24) Celse, Traité de la médecine, Introduction
(25) En termes d’explosion des déficits publics, N. Sarkozy est un récidiviste. Ministre du budget de Balladur, entre mars 1993 et mai 1995, il multipliera les cadeaux fiscaux en réduisant considérablement les cotisations sociales patronales sur les bas salaires, en baissant l’impôt sur le revenu et en créant, notamment, des niches fiscales en faveurs des particuliers employant des domestiques. Alors même que la contribution sociale généralisée (CSG), payée par tous, augmentait et que l’Etat encaissait plus 16 milliards d’euros de recettes liées à des privatisations, cette politique plomba durablement les comptes de la Sécurité sociale et accrue considérablement la dette publique. En 1992, la dette publique était de 440,1 milliards d'euros courants (soit 39,7% du PIB), elle passera, en 1995, à 662,8 milliards d'euros courants (soit 55,5 % du PIB).